De la rotation des corps autour de trois axes non rectangulaires

DYNAMIQUE.


De la rotation des corps autour de trois axes non
rectangulaires.
Par M. KRAMP, professeur, doyen de la faculté des sciences
de l’académie de Strasbourg.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

On connaît la manière de décomposer une rotation, faîte autour d’un axe donné, en trois autres rotations faites autour de trois axes perpendiculaires entre eux. Dans ce mémoire, nous nous proposons d’enseigner comment une rotation, autour d’un axe donné, peut être décomposée en trois autres rotations faites autour de trois axes formant, deux à deux, des angles quelconques.

Problème I.

1. Étant donné les coordonnées rectangulaires des deux extrémités d’un arc de grand cercle appartenant à une sphère qui a son centre à l’origine, et dont le rayon est l’unité, déterminer le cosinus de cet arc ?

Soient et les deux extrémités de l’arc dont il s’agit ; soient , les coordonnées de la première, et , celles de la seconde, le cosinus demandé sera égal à l’unité moins la moitié du quarré de la corde de [1]. Ce dernier quarré est

 ;

et, à cause de

il revient à

 ;

on aura donc ;

.

2. Si l’arc est un quart de circonférence, on aura :

.

en outre, l’expression de renferme tout ce qui peut concerner la relation entre deux systèmes de coordonnées, dont un est rectangulaire.

3. Le sinus de l’arc n’admet point de forme rationnelle. Toutefois, le quarré de ce sinus étant égal à cette somme de trois quarrés ;

 ;

on voit que, si l’on considère , comme représentant trois forces tant pour leur intensité que pour leurs application et direction, les racines

 ;

exprimeront les différences des momens de rotation de ces trois forces autour des trois axes rectangulaires .

Problème II.

4. Connaissant les trois côtés d’un triangle sphérique appartenant à une sphère qui a son centre à l’origine des coordonnées rectangulaires, et son rayon égal à l’unité ; et étant donné les coordonnées des sommets de deux des angles de ce triangle, déterminer les coordonnées du sommet du troisième ?

Désignons par les grandes lettres les angles du triangle ; par les petites les côtés qui leur sont respectivement opposés, et soit l’angle du sommet duquel il s’agît de trouver les coordonnées.

Soient , les coordonnées du point  ; soient , les coordonnées du point  ; soient les coordonnées du point soit enfin désignée par la fonction connue :

.

Cette fonction joue un très-grand rôle dans le calcul des triangles sphériques. Si l’on fait la somme des trois côtés , on aura :

.

Elle apprend immédiatement à trouver les angles, moyennant les formules qui suivent ;

Le radical T peut être donné sous une forme entièrement rationnelle, en introduisant les coordonnées des trois sommets On obtient ainsi pour les trois expressions parfaitement identiques :

En vertu de ce qui précède, on aura, pour la solution du problème, les trois équations

La détermination des trois inconnues ne suppose ensuite que les principes connus de l’algèbre. Il ne faut pas oublier que

,
.

De ces trois équations, on déduira celles qui suivent :

 ;
 ;
 ;

et ces réductions sont nécessaires pour donner aux trois inconnues toute la simplicité que la nature du problème permet.

Si, ensuite, pour abréger, l’on fait :

,
;

on trouvera, après les réductions :

 ;
 ;
 ;

et le problème sera résolu ; il admet deux solutions, à cause de l’ambiguïté du radical

5. Corollaire I. Les deux solutions se confondent en une seule, lorsque le point se trouve sur l’arc ou sur son prolongement. Le radical doit donc disparaître alors ; ainsi, si l’on demande l’équation générale de condition, pour qu’un troisième point de la surface sphérique, dont les coordonnées sont , se trouve sur l’arc de grand cercle dont la position est déterminée par les deux points , dont les coordonnées respectives sont  ; cette équation de condition sera : ou

 ;

6. Corollaire II. On peut, d’après cela, se proposer de déterminer un point sur l’arc ou un point sur son prolongement opposé à distant du point d’une quantité b, mesurée sur le grand cercle dont fait partie. S'il s’agit du point on aura , d’où  ; ainsi :

 ;

d’où il résulte :

.
.
.

Si, au contraire, il est question du point C’, on aura ,
d’où  ; ainsi :

 ;

d’où il résulte :

.
.
.

7. Corollaire III. Et si, dans cette même hypothèse, l’arc ou devait être égal à un quart de circonférence, on aurait, pour déterminer la position des deux points et éloignés de d’un arc  ; les équations qui suivent :

8. Corollaire IV. L’arc étant toujours supposé donné de grandeur et de position ; si, en supposant que le troisième point du triangle est le pôle du côté opposé on demande les coordonnées , de ce pôle : on aura, dans ce cas,  ; ainsi et  ; d’où il résulte :

 ;
 ;
 ;

9. Corollaire V. Et si, dans ce dernier cas, l’arc était lui-même un quart de circonférence, on aurait, pour les coordonnées du pôle de cet arc, les valeurs qui suivent ;

 ;
 ;
 ;
Problème III.

10. Un arc de grand cercle, appartenant à une sphère dont le centre est à l’origine des coordonnées rectangulaires, et dont le rayon est l’unité, fait autour de l’une de ses extrémités, et sans quitter la sphère, un mouvement angulaire assez petit pour que le cosinus de l’angle sphérique décrit puisse sensiblement se confondre avec l’unité, et son sinus avec cet angle lui-même. On connaît les coordonnées des deux extrémités de l’arc, dans sa situation primitive, ainsi que la grandeur du mouvement angulaire qui a eu lieu, et l’on demande, pour la seconde situation du même arc, les coordonnées de celle de ses extrémités qui, dans le mouvement, a changé de situation ?

Soit c la longueur de l’arc dont il s’agit ; soit l’extrémité de cet arc autour de laquelle le mouvement a eu lieu, et soit désigné par la même lettre l’angle sphérique décrit ; soit de plus l’autre extrémité du même arc dans sa situation primitive, et le point où elle parvient par suite du changement qui arrive dans sa position ; soit enfin l’arc de grand cercle qui joint les points et .

En conservant les mêmes notations que ci-dessus, pour rendre applicables au cas actuel les formules générales déjà trouvées, il faudra d’abord y faire , ce qui donnera :

Il faudra ensuite, à la place du côté a, introduire l’angle opposé  ; c’est à quoi l’on parviendra au moyen de la formule : [2] ; mais, comme on s’est permis de supposer et il en résultera d’où on conclura ;

ce qui donnera finalement :

Problème IV.

11. On a fait tourner successivement un triangle sphérique appartenant à une sphère qui a son centre à l’origine des coordonnées rectangulaires, et son rayon égal à l’unité, autour des sommets de ses trois angles ; le mouvement angulaire autour de chacun est supposé assez petit pour que le sinus de l’angle décrit soit censé se confondre avec cet angle même, et son cosinus avec l’unité. On connaît la grandeur de chacun des mouvemens angulaires ; on connaît, de plus les coordonnées primitives des sommets des trois angles du triangle sphérique ; on connaît enfin les coordonnées primitives d’un certain point de la surface de la sphère liée invariablement avec ce triangle ; et on propose de déterminer quelles seront les coordonnées de ce même point, lorsque les trois mouvemens auront, été effectués ?

Désignons par tant les sommets des trois angles du triangle, que les mouvemens angulaires qui doivent avoir lieu autour, de chacun d’eux ; supposons que la première rotation ait lieu autour de la seconde autour de et la troisième autour de  ; soit le point considéré sur la sphère, et supposons que la première rotation le transporte en U, la seconde en V, et la troisième en W : c’est de ce dernier point qu’il s’agit d’avoir les coordonnées, en fonction de celles de et des angles

Pour y parvenir, soient :

la simple application des formules du problème précédent nous fera voir que,

Pour la première rotation autour de ,

Pour la rotation autour de ,

Pour la rotation autour de ,

[3]

ce qui donne, moyennant deux simples substitutions successives, et en supprimant les quarrés de les formules finales qui suivent :

et le problème sera résolu.

12. Pour ramener cette solution générale au cas ordinaire, où le triangle étant tri-rectangle, les sommets de ses angles sont sur les axes des coordonnées, il faudra considérer que, dans ce dernier cas, on a

ce qui donne :

 ;
 ;
 ;

ce sont les formules connues du mouvement de rotation composé[4].

Problème V.

13. Un triangle sphérique appartenant à une sphère qui a son centre à l’origine des coordonnées rectangulaires, et son rayon égal à l’unité, a éprouvé successivement trois rotations autour des sommets de ses angles. Les mouvemens angulaires sont supposés assez petits, pour que les sinus des angles décrits puissent sensiblement être pris pour ces angles eux-mêmes, et leurs cosinus pour l’unité. On connaît la grandeur des mouvemens angulaires qui ont eu lieu, et les coordonnées primitives des sommets des trois angles du triangle, et on demande de déterminer ce que deviennent ces mêmes coordonnées, par l’effet des trois rotations ?

Désignons par tant les sommets des trois angles du triangle, dans sa situation primitive, que les mouvemens angulaires qui ont lieu autour de chacun d’eux ; supposons que la première rotation ait lieu autour de , la seconde autour de , et la troisième autour de  ; soient enfin , les positions que prennent les points , par l’effet des trois rotations, il s’agit de déterminer les coordonnées des trois points en fonction de celles des trois points , et des quantités angulaires .

Or, le problème précédent renferme entièrement la solution de celui-ci. Il suffit en effet de supposer, dans celui-là, que le point se trouve successivement en , et le point W, en .

Ainsi, pour trouver les coordonnées , du point , il faudra remplacer, dans les formules précédentes, les lettres , par  ; ce qui donnera :

Pour trouver les coordonnées x, y, z, du point , il faudra remplacer, dans les mêmes formules, les lettres , par p, q, r ; ce qui donnera :

Pour trouver, enfin, les coordonnées , du point , il faudra remplacer, dans ces mêmes formules, les lettres , par s, t, u ; ce qui donnera :

et le problème sera résolu.

14. En vertu de ces trois rotations, le point aura décrit l’arc  ; le point l’arc  ; et le point l’arc . Par les suppositions du problème, ces trois arcs pourront être confondus avec leurs sinus ; et on trouve les quarrés de ces derniers par la simple application de la formule donnée (3), En employant les réductions déjà enseignées, on aura finalement :

Problème VI.

15. Les mêmes choses étant supposées que dans le problème précèdent, on demande de déterminer, dans l’intérieur du triangle, la position du point qui, à la fin des trois rotations, se retrouvera dans sa situation primitive ? Désignant, comme dans le problème IV, par , les coordonnées de ce point, au commencement des trois rotations, et par, les coordonnées du même point ; à la fin de ces rotations, on aura :

 ;

égalant donc à zéro les trois différences

 ;

on obtiendra les trois équations qui suivent

Par la nature du problème, chacune de ces trois équations doit être une conséquence nécessaire des deux autres, ce dont on peut en effet s’assurer facilement. Par leur moyen, on ne pourrait donc déterminer que le rapport entre les trois inconnues  ; mais, en y ajoutant la quatrième équation

,

le problème devient entièrement déterminé. Si, pour abréger, on fait :

on aura finalement :

et le problème sera résolu.

16. Si nous désignons par la lettre le point, dans l’intérieur du triangle dont on vient de déterminer la position, par rapport aux trois axes primitifs, supposés perpendiculaires entre eux ; on trouvera la position de ce même point, par rapport aux sommets des trois angles du triangle moyennant les formules connues , savoir :

ce qui devient, après la substitution et les réductions ;

17. Si, en employant les formules et réductions déjà enseignées, on calcule les cosinus des arcs on trouvera qu’ils ne diffèrent de ceux des arcs que dans les secondes puissances et produits des quantités angulaires et qu’ainsi les uns peuvent être censés égaux aux autres. On aura donc :

18. Ôtant les quarrés des cosinus de l’unité, on obtiendra les quarrés des sinus. Si l’on emploie les réductions déjà enseignées, on trouvera :

.
.
.

19. Les seconds membres de ces équations sont (14) les quarrés même des petits arcs décrits par les sommets des angles du triangle, en vertu des trois rotations successives. Tirant donc la racine quarrée de part et d’autre, il viendra :

.

20. Mais, en vertu des formules connues de la trigonométrie sphérique, on a :

[5].

Multipliant ces équations par les précédentes, il viendra ; en supprimant les facteurs communs, et renversant,

de manière que ces trois angles sont égaux entre eux et à la quantité radicale

21. Il résulte donc de cette analise, que le triangle sphérique en éprouvant les trois rotations successives, la première égale à la seconde égale à la troisième égale à autour des trois axes qui sont désignés par ces mêmes lettres, se sera effectivement tourné autour d’un point W, situé dans l’intérieur du triangle, dont la position sera déterminée (16) par les trois formules ;

et qu’il aura décrit, autour de ce point, un angle égal à W, c’est-à-dire, à

22. Réciproquement, s’il fallait décomposer la rotation donnée en trois autres rotations faites autour de trois axes dont la position serait donnée par rapport au point il faudrait regarder comme les quantités inconnues d’un problème, dont les quantités connues seraient : la rotation donnée  ; les arcs qui seraient les côtés du triangle sphérique formé par les trois axes ; et les arcs qui déterminent la position du point par rapport à ces mêmes axes. Dans la résolution de ces trois équations, on rencontrera encore la fonction,

Si ensuite on fait, pour abréger :

on trouvera :

le problème sera donc résolu ; et l’on voit qu’il sera possible dans tous les cas.

Strasbourg, le 12 d’août 1810.

  1. En vertu de la formule connue :
    (Note des éditeurs.)
  2. Cette formule n’est autre chose que ce que devient l’équation fondamentale : , dans le cas particulier où .
    (Note des éditeurs.)
  3. À la rigueur, il n’y a que la première rotation qui s’exécute réellement de la manière qu’on le suppose ici : attendu que le point éprouve un déplacement, et le point deux, avant que la rotation ait lien autour de l’un et de l’autre ; mais la petitesse supposée des mouvemens angulaires permet de ne point faire entrer ces déplacemens en considération ; et, en négligeant d’y avoir égard, les calculs se simplifient considérablement, sans que les conclusions auxquelles l’auteur se propose de parvenir soient affectées de la moindre erreur, ainsi qu’il serait aisé de s’en convaincre, en comparant son procédé à un autre plus rigoureux.
    (Note des éditeurs.)
  4. Voyez la Méchanique analitique, numéros 5 et suivans.
    (Note des éditeurs.)
  5. En vertu de la proportionnalité des sinus des angles au sinus des côtés opposés, on a :  ; mais, à raison de la petitesse de l’angle on peut supposer et  ; ce qui rend cette équation identique avec la première des trois ci-dessus : il en serait de même pour les deux autres.
    (Note des éditeurs.)