Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome08/Analise transcendante, article 1

Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome08

ANALISE TRANSCENDANTE.

Mémoire sur les quadratures ;

Par M. Servois, conservateur du Muséum d’artillerie.
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Les quadratures sont les derniers élémens dans lesquels se résolvent enfin toutes les questions du ressort du calcul intégral, et par conséquent les problèmes les plus importans de la géométrie et de la mécanique. D’autre part, on convient généralement qu’on est encore aujourd’hui réduit à désirer une méthode complètement satisfaisante pour l’intégration des fonctions d’une seule variable, dans tous les cas, alors même qu’on serait disposé à se contenter d’une approximation. Ainsi, il est tout simple que l’annonce d’une découverte de méthodes nouvelles, ou même de simples perfectionnemens ajoutés aux méthodes connues, produise une grande sensation parmi les analistes, et soit accueillie avec empressement par les uns, avec défiance et précaution par d’autres, mais avec un curieux intérêt par tous. Pour mon compte, j’avoue que j’ai lu avec une véritable satisfaction, dans les Annales de mathématiques, les expositions détaillées de trois méthodes d’approximation nouvelles, venues de bonnes sources, puisqu’elles appartiennent à MM. les professeurs Dobenheim, Kramp et Bérard ; et que j’ai assisté, à peu près avec l’aptitude d’une partie intéressée, aux débats qui se sont engagés à leur occasion (Annales, tom. VI, pag. 283, 304, 372, et tom. VII, pag. 101 et 241). Il est résulté de mon assiduité, plus active que passive, une suite d’observations que je n’hésite point à communiquer au public. Ce sont des rapprochemens de ces méthodes, tant entre elles qu’avec celles que l’on connaissait antérieurement : ce sont des essais de perfectionnement dans leurs procédés techniques : ce sont enfin des aperçus théoriques, se rapportant à l’étendue et à l’efficacité des moyens approximatifs qu’elles fournissent. Il en résultera probablement de nouvelles discussions qui, en procurant de nouvelles lumières, rapprocheront de notre vue le terme de tant d’efforts ; je veux dire l’acquisition d’une méthode d’approximation qui ne laisse plus rien à désirer.

I. Les méthodes d’approximation sont ordinairement fondées sur les suites infinies. Or, on sait exprimer l’intégrale type général des quadratures, en séries de plusieurs formes : je commence par rappeler les principales, avec un précis de démonstration, pour me dispenser de renvoyer à d’autres ouvrages le lecteur qui ne croit point sur parole. J’emploie à cette fin les principaux théorèmes de l’analogie entre les puissances, les différences et les différentielles, théorèmes désormais assez connus, dans l’expression desquels j’admets la notation d’Arbogast (Calcul des dérivations) pour représenter l’état varié d’une fonction[1]. Ainsi, l’accroissement de la variable étant supposé constant, et supposant

on a les définitions et théorèmes suivans :

(1)

(2)
(3)
(4)
(5)

est, à l’ordinaire, la base du système de logarithmes Népérien, et une quantité uniquement assujettie à satisfaire à la condition .

De (4) on conclut, sur-le-champ, par le développement de l’expression la série

(6)

où les coefficiens

sont ce qu’on appelle les Nombres de Bernouilli : ils sont aussi ceux de l’équation identique

(7)

Je suppose positif, et qu’une de ces valeurs antécédentes soit à laquelle répond Je fais d’où Soient deux abscisses extrêmes positives d’une courbe plane, ayant pour ordonnées rectangulaires correspondantes après avoir divisé l’intervalle entre ces ordonnées en parties égales chacune à et imaginé, par chaque point de division, les ordonnées intermédiaires équidistantes, le système de nos ordonnées pourra être exprimé par la double suite

(8)

où les termes correspondans, supérieurs et inférieurs, expriment une même ordonnée. Cela étant, après avoir mis pour dans (6), et retranché le résultat de (6) ; si, pour abréger, on fait

(9)

on aura la série

(10)

dans laquelle est visiblement l’intégrale prise entre les limites et , ou bien l’aire plane terminée par les ordonnées l’intervalle et l’arc de courbe intercepté. D’autre part, à cause de (4 et 8), on a

c’est-à-dire, que est la somme des aires de la suite des trapèzes rectilignes compris chacun entre deux ordonnées consécutives, l’axe des et la corde de l’arc intercepté ; et cela, dans toute l’étendue entre les limites Par les mêmes raisons, l’expression est la somme, prise entre les mêmes limites, des rectangles ayant pour hauteurs successives et même base somme qui serait évidemment plus petite que l’aire si la suite précédente était continuellement décroissante. Dans la même hypothèse, cette autre expression qui est celle de la somme des rectangles ayant pour hauteurs les ordonnées serait plus petite que Ce serait tout le contraire dans une hypothèse opposée ; c’est-à-dire, si de vers les ordonnées intermédiaires étaient de plus en plus grandes. Or, (9) est précisément la moyenne arithmétique des deux sommes précédentes, et doit, par conséquent, dans notre hypothèse, approcher davantage de l’aire Au reste, on voit ce qu’il y aurait à faire pour introduire, au lieu de l’une de ces deux sommes de rectangles dans la série (10), puisqu’on a, en désignant la première par et la seconde par les relations

(11)

On a aussi, d’après la formule (4),

d’où, en faisant

on tire sur-le-champ

(12)

dont le second membre est visiblement l’expression de la somme, prise entre les mêmes limites, d’une suite de rectangles, compris chacun entre deux ordonnées consécutives, en leur donnant pour hauteur l’ordonnée intermédiaire équidistante. Or, d’après (1 et 4), on a

(13)

dans laquelle les coefficiens sont aussi ceux de l’équation identique

ou bien ceux de cet autre

Or, en mettant dans (13) pour retranchant le résultat de (13), et ayant égard à (12), on a sur-le-champ, entre les limites et ,

(14)

c’est là la série donnée dans les Exercices de calcul intégral, (III.e part. pag. 311).

Dans l’esprit de la série (14), et immédiatement après, l’auteur de l’excellent ouvrage qu’on vient de citer se livre à la recherche de la formule propre à déterminer les coordonnées rectangulaires d’une courbe dont l’équation n’est donnée qu’entre l’arc et l’angle que celui-ci fait, à son extrémité, avec l’axe des telle est, en particulier, l’équation de la courbe balistique, suivant la loi de Newton ; il arrive au but fort heureusement, mais par une route dont il ne dissimule pas les embarras ; car, parlant de son résultat, il dit : « L’état de simplicité où nous avons réduit cette formule fait présumer qu’il est possible d’y parvenir par une voie plus directe et moins laborieuse ; mais, sans nous arrêter à cette recherche … » (Ibid. pag. 327). On arrive en effet assez simplement à la formule dont il s’agit par le chemin que voici.

J’écris, dans la formule (6), au lieu de , et au lieu de  ; après une légère transformation, on trouve


(15)

Je suppose ensuite que fonction de est un arc de courbe plane, terminé par les coordonnées rectangulaires et faisant, à son extrémité, avec l’axe des l’angle  ; hypothèse exprimée par les relations

(16)

Mais on a, comme l’on sait, d’abord



ensuite, parce que


on obtient


donc enfin on aura


(17)

D’ailleurs, à cause de

on a (16)

Je substitue cette expression et la précédente (17) dans la série (15), et j’ai


d’où, en mettant au lieu de son développement (7), on tire sur-le-champ


(18)

En déterminant de manière que et l’intégrale commencent lorsque et en faisant attention que nos sont respectivement les mêmes choses que les des Exercices, on verra la série (18) coïncider parfaitement avec celle de l’ouvrage cité (pag. 328). Quand on voudra avoir il suffira de changer, dans (18), en en et en  ; ce qui est évident. Il est d’ailleurs visible que est l’approximation fournie pour , par l’ingénieuse méthode dont Euler donna l’idée dans ce fameux mémoire (Académie de Berlin, année 1753) qui depuis a tant occupé les auteurs de balistique ; c’est-à-dire que c’est l’expression de la somme des projections, sur l’axe des , d’une suite d’arcs rectifiés, qui ont tous, entre leurs extrémités, même différence de courbure en prenant, pour angle de projection l’inclinaison moyenne de chaque arc.

II. Les séries (10, 14, 18) appartiennent à la classe de celles qui expriment l’intégrale par le moyen de l’intégrale finie et des différentielles successives Il est bien facile d’en obtenir qui donnent par les seules différentielles. En effet, en supposant encore ou, plus simplement, ce qui revient à prendre pour unité, on a, par le Théorème de Taylor,

regardant comme continue, multipliant par puis intégrant par rapport à entre les limites et on obtient sur-le-champ

(19)

Si, dans celle-ci, on change en en et en ce qui revient à prendre pour origine des le pied de l’ordonnée et à passer de là à dans le sens des négatives, on verra facilement qu’on obtient, en valeur absolue, une aire égale à mais de signe contraire. Ainsi, on a cette autre série

(20)

Cette dernière série est proprement celle qui porte le nom de Jean Bernouilli, qui la publia, dans les Acta eruditorum, dès l’année 1674.

En changeant simplement en dans (19), on a l’aire comprise entre et ou entre et et, en retranchant le résultat de (19), on aura évidemment l’aire comprise entre et ou entre et ainsi, en désignant cette aire par on a une troisième série

(21)

Ici deviendra égal à , pourvu qu’on change en et en c’est-à-dire qu’on a encore

(22)

sera une des ordonnées équidistanles, lorsque sera un nombre pair.

III. Les séries (19, 20, 21, 22) sont en différentielles seules ; on en aura en différences seules, par le même précédé, si, au lieu du Théorème de Taylor, on emploie, pour développer ou le Théorème des différences. Ainsi, on a

multipliant par intégrant par rapport à entre les limites et , on trouve sur-le-champ

Cest la série donnée par M. Kramp (Annales, tom. VI, pag. 372 et suiv.)

IV. Je borne là l’exposition des séries par le moyen desquelles on peut exprimer l’intégrale . Il faut voir, à présent, quel parti on peut en tirer. 1.o Toutes ces séries, comme celles du théorème des différences et du théorème de Taylor, dont au fond les premières ne sont que les modifications ou les conséquences chaînes, se terminent, lorsque la fonction est de nature à conduite à des différences nulles ; ce qui est, comme l’on sait, le cas de toutes les fonctions rationnelles entières de ou de toutes les courbes paraboliques ; 2.o  sous le seul rapport des coefficiens numériques, ces séries ne sont point assez convergentes ; elles n’acquièrent une convergence suffisante que lorsque les différences ou les différentielles, en passant à des ordres plus élevés, vont en diminuant de valeur, c’est-à-dire, quand elles tendent à devenir nulles. Ce n’est donc que dans cette hypothèse qu’elles pourront servir à résoudre directement le problème des quadratures par approximation ; je veux dire, en prenant pour valeur approchée de un certain nombre de leurs premiers termes.

Dans la même hypothèse, c’est-à-dire, en supposant que la différence par exemple, et les suivantes sont nulles ou tenues pour telles, on tire des mêmes séries d’autres formules approximatives, très-remarquables, qui offrent aux calculateurs le grand avantage de ne faire dépendre l’approximation que d’un nombre d’ordonnées équidistantes, combinées linéairement avec des coefficiens qui, calculés une fois pour toutes et conservés dans des tables permanentes, peuvent se retrouver sans travail au besoin. Je passe à l’examen de ces méthodes.

Une première va droit au but. En substituant dans les séries ci-dessus, au lieu de leurs expressions en états variés fournies par les formules (1, 2, 3, 4) ; expressions toujours finies et linéaires, quand on suppose nulles toutes les différences au-delà d’un certain ordre. En effet ; quand on pose on a aussi puisque, d’après (3)

Ensuite les mêmes théorèmes donnent généralement, pour entier et positif,

(24)

expressions qui, après développement, ne contiennent linéairement que les états variés de différens ordres. D’ailleurs (4), l’intégrale et par conséquent les expressions se résolvent immédiatement en états variés linéaires. On aperçoit au reste que ces substitutions dans nos séries doivent conduire finalement au même résultat. Ce qu’il y aura de plus facile pour y parvenir sera donc de choisir la série qui exigera la formule de substitution la moins compliquée. Or, telle est la formule (23), dans laquelle on substituera, en états variés, les valeurs de d’après la simple formule (24). Ce procédé est exactement celui qu’a suivi M. Kramp, dans le mémoire cité (Annales, tom. VI, pag. 372) et d’après lequel il présente la tableau des expressions de en coordonnées équidistantes, pour les valeurs du nombre (qu’il appelle Diviseur) depuis jusqu’à inclusivement. On peut assujettir ce procédé à des lois analitiques qui permettent d’offrir des formules pour calculer immédiatement, dans le cas général de entier et positif quelconque, les coefficiens des ordonnées . Je place ici ces détails d’autant plus volontiers que ce sont peut-être des formules de cette espèce que réclame l’habile géomètre, quand il dit (tom. VII, pag. 243) ; « J’aurai été plus loin que si la longueur présumée des calculs ne m’avait effrayé. J’observai, au surplus, qu’il devait inévitablement y avoir quelque méthode beaucoup plus abrégée, pour parvenir au même but, dans tous les cas ».

La formule (5) développée devient, après le changement de en

dont les coefficiens

sont ceux de l’équation identique

Il est d’ailleurs aisé de voir qu’ils sont liés entre eux par la loi suivante : étant respectivement les on a

(26)

formule dans laquelle il ne faut avoir égard qu’aux valeurs absolues des nombres en leur donnant ensuite alternativement les signes et

Faisons, comme ci-dessus  ; changeons, dans (25), en et retranchons (25) du résultat ; nous aurons

Or, d’après le théorème des différences,

donc

En développant et rejetant toutes les différences supérieures à celles de l’ordre on trouve une équation de la forme

dans laquelle il faudra faire

expression dont la loi est évidente

On peut remarquer ici que la série (27), avec ses coefficiens (28) est au fond la même qu’une formule donnée par Lorgna dans les Mémoires de la société italienne (tom. I).

Il reste à développer, dans (27), les différences en états variés d’après la formule (24) ; et l’on obtient enfin

équation dans laquelle il faudra faire

On voit que, si l’on avait, dans une table, un grand nombre de coefficiens dont les valeurs sont indépendantes du nombre et qui se calculent facilement, au moyen de la formule (26), on obtiendrait rapidement les coefficiens {29), au moyen des formules (28, 30), dans lesquelles tous les coefficiens dépendans de peuvent être pris dans une table des nombres figurés. On sait d’ailleurs qu’il n’y a réellement à calculer que la moitié, ou la simple majorité (si est impair) du nombre de ces coefficiens ; car, dans ce qui précède, l’origine des coordonnées étant placée au pied de l’ordonnée on a considéré comme situés dans la région des coordonnées positives. Mais, si l’on transporte l’origine au pied de et qu’on prenne pour ordonnées positives celles qui s’en éloignent successivement en s’approchant de ce qui est fort indifférent, les différences, et par conséquent l’aire qui reste la même, seront exprimées en et comme elles l’étaient précédemment en et  ; donc les coefficiens des ordonnées , c’est-à-dire des ordonnées également éloignées des extrêmes, sont égaux. Au reste, nous donnerons ci-dessous d’autres formules, pour calculer immédiatement les coefficiens des ordonnées équidistantes, dans l’expression finale de

V. Une autre méthode, fondée sur cette observation que, dans les séries, expressions de comme dans celles des états variés, les différences et différentielles existent linéairement et de la même manière, et se rapportent exclusivement aux limites de l’aire, consiste à éliminer ces différences ou ces différentielles, entre plusieurs expressions de la même aire, où l’on a fait varier le nombre des coordonnées intermédiaires, ou bien, entre l’expression d’une aire et celles des coordonnées équidistantes. Cette élimination, entre équations du premier degré à plusieurs inconnues, exécutée par les procédés connus, n’introduit que linéairement, dans l’équation finale, les différens termes tous connus de l’équation employée.

Je m’explique, par un premier exemple. Pour abréger, je mets la série (10) sous la forme

Conservant les limites de l’intégrale si je fais varier de manière qu’on ait respectivement au lieu de quand devient j’aurai (31)

dans lesquelles les coefficiens qui ne dépendent que des limites, restent les mêmes que dans (31). Entre celles-ci, supposées en nombre je détermine un pareil nombres de coefficiens de la suite  ; je les substitue dans (31) en regardant comme nuls ceux que je n’ai pas déterminés ; et j’ai pour une approximation qui équivaut à celle qui résulterait de l’hypothèse que la différence est nulle, ainsi que celles d’ordres plus élevés ; car le premier terme négligé dans (31) est celui du rang en comptant les termes à partir de exclusivement ; or, ce terme est de la forme

comme on le reconnaît à la simple inspection de la série (10).

Si l’intervalle est divisé en parties égales, par exemple, avec les mêmes ordonnées qui ont servi à composer on pourra former un certain nombre d’aires autrement partagées ; en prenant pour respectivement, les multiples désignant des diviseurs de Si le nombre a diviseurs, on formera, par le seul moyen des ordonnées. qui entrent dans un nombre d’autres aires  ; et par conséquent on portera l’approximation jusqu’aux différences de l’ordre inclusivement. Si le nombre des diviseurs est moindre que , on pourra encore, avec les ordonnées de former un certain nombre d’aires auxiliaires qui donneront une approximation, mais d’un ordre moins élevé.

Ceux qui connaissent la méthode d’intégration que M. Dobenheim a publié dans sa Balistique (Strasbourg 1816) ; méthode que M. Kramp a exposée, avec des développemens importans qui lui appartiennent entièrement (Annales, tom. VI, pag. 281 et suiv.), trouveront sans doute qu’elle coïncide avec le procédé dont je viens de tracer l’esquisse.

Pour second exemple, j’applique la méthode à la série (21). En prenant pour unité, et en rejetant les différences de l’ordre et les suivantes ; par le théorème de Taylor, on a, sans difficulté,

Ces équations, en nombre multipliées respectivement par les coefficiens indéterminés puis ajoutées, donnent en appelant la somme de leurs premiers membres,

Je détermine les coefficiens en faisant coïncider terme à terme, avec (21) ; ce qui fournit les conditions

en même nombre que les coefficiens, dès lors suffisantes pour les déterminer ; après quoi j’aurai

(34)

Ce procédé est parfaitement conforme à celui de la méthode donnée par M. Bérard (Annales, tom. VII, pag. 101 et suiv.). En effet, supposez dans le tableau d’équations (33) ; et vous aurez identiquement les treize équations relatives à ce cas, produites à la page 108 du volume côté. Il n’y a d’ailleurs aucune ressemblance entre la métaphysique du savant auteur et celle qui nous dirige ici ; mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit présentement.

Nous devons faire observer que les équations (33) comportent un mode particulier de résolution très-expéditif, qui permet même d’arriver à des formules assez simples, pour exprimer les coefficiens .

On élimine des équations (33) en retranchant de chacune des premières, multipliée par celle qui la suit immédiatement. Or, cela revient évidemment à multiplier, terme à terme, et par ordre, les premiers membres des premières équations, respectivement, par la suite

puis à donner à chaque résultat, pour second membre d’égalité, celui de l’équation correspondante, multiplié par et diminué ensuite de celui de l’équation immédiatement suivante. On obtient ainsi les équations sans

où il faut faire

ces coefficiens étant indépendans de

Or, il est clair que, dans les premiers membres des équations du tableau (35), joue le même rôle que dans les équations (33) ; ainsi, on formera un second tableau de équations débarrassées de en multipliant les premiers membres des premières (35), terme à terme et par ordre, par la suite

puis en donnant à chacune pour second membre le sien primitif, multiplié par et ensuite diminué de celui de la suivante. De cette manière on a

où l’on a

Ici a pris la place de dans (35), et de dans (33) ; et l’on aperçoit, sans qu’il soit nécessaire d’insister, comment on passera à une suite de tableaux de équations comprenant chacune une inconnue de moins ; et comment enfin on arrivera à une seule équation de la forme

qui donnera sur-le-champ

Après cela on remontera, par les seules premières équations de chaque tableau (ce qui sera d’autant plus simple qu’on aura été par là dispensé d’écrire les premiers membres des autres équations) pour déterminer les autres coefficiens, dans l’ordre

L’extrême simplicité de ce procédé m’a permis de céder à la curiosité, en recherchant si la formule de M. Bérard, relative au cas de mérite le reproche de fausseté qui lui a été adressé (Annales, tom. VII, pag. 245). Dans cette hypothèse et les premières équations des tableaux successifs sont

On obtient ensuite par le moyen de

La valeur de introduite dans la dernière des équations (37) donne sur-le-champ

Ici nous, avons pris pour unité ou la partie de l’intervalle entre les ordonnées extrêmes. Si, avec M. Bérard, nous prenons pour unité cet intervalle entier, il faudra diviser nos coefficiens par Or, après avoir divisé par la valeur précédente de et divisé haut et bas par pour réduire la fraction à une expression plus simple, je trouve

qui est précisément l’expression du même coefficient, dans la formule de M. Bérard. Les autres coefficiens obtenus par le calcul des équations (37), puis divisés par coïncident aussi avec ceux de la formule citée, qui se trouve par là pleinement justifiée.

Il n’est peut-être pas nécessaire de faire observer que la méthode dont il s’agit dans cet article s’applique évidemment, et de la même manière, à la série (22) laquelle comprend également les cas de l’intervalle divisé en un nombre impair et un nombre pair de parties ; d’où, il suit qu’il n’est pas exact de dire que la méthode de M. Bérard n’est immédiatement applicable qu’à un diviseur pair (Annales, tom. VII, pag. 245).

VI. Convaincus que la formule relative au diviseur donnée par M. Bérard, est vraie, devons-nous prononcer que celle de M. Kramp (Annales, tom. VI, pag. 377), qui en diffère est fausse ? La réponse basée sur les principes de M. Kramp lui-même (tom. VII, pag. 245) serait affirmative. D’ailleurs les deux méthodes fournissent les mêmes résultats pour les diviseurs [2]. Ainsi, ce ne serait qu’à partir du diviseur qu’elles commenceraient à devenir divergentes ; ce qui serait bien extraordinaire. Cependant, mon estimable ami, le Rédacteur des Annales pense que « on ne peut rien conclure pour ou contre les formules de MM. Kramp et Bérard des différences qu’elles présentent dans les applications » (Ibid. pag. 246, à la note). Il sera bien facile de décider la question, après le rapprochement que nous allons faire entre ces méthodes et une autre qui s’est offerte depuis long-temps aux analistes. La voici.

Soit

(38)

l’équation d’une courbe parabolique complète, de l’ordre passant à l’origine des par le sommet de l’ordonnée en l’obligeant à passer par les sommets des autres ordonnées également espacées, dans l’intervalle des limites , nous aurons, pour déterminer les coefficiens , les équations, dérivées de (38),

On aura ensuite l’aire de cette courbe, entre les mêmes limites, en intégrant (38) multipliée par depuis jusqu’à  ; et, si cette aire, que j’appellerai Inscrite ou Aire de la courbe parabolique inscrite, est prise au lieu de l’aire de la courbe vraie, on aura

(40)

Il est visible qu’on arriverait au même résultat en éliminant les coefficiens entre les équations (39 et 40).

Il est bien évident que le système des équations (38, 39) peut être remplacé par celui des équations


car, d’aprés ce système, en faisant successivement dans (41) vous trouverez successivement comme cela doit être. Or, les équations (41, 42) étant précisément celles entre lesquelles M. Kramp élimine les différences (IV) ; il est évident que la méthode de ce géomètre coïncide avec celle de cet article, c’est-à-dire, qu’elle donne, au lieu de l’aire véritable l’aire de la courbe parabolique inscrite du degré

D’autre part, comme l’a démontré Lagrange (École normale, tom. IV), l’équation parabolique qui satisfait immédiatement aux conditions (38, 39) est la suivante :

où il faut prendre le signe supérieur si est pair.

Or, en désignant par les sommes des produits à à à des termes de la suite par ces sommes de produits quand on exclut de la suite le terme  ; et en général par ces mêmes sommes de produits, après l’exclusion du terme  ; il est clair que l’équation (43) devient

En multipliant celle-ci par puis en intégrant entre les limites et donnant le résultat pour l’aire on obtient enfin

Telle est (45) la formule que nous avons promise ci-dessus (IV), et qui donne immédiatement des expressions fonctions du nombre pour les coefficiens des coordonnées équidistantes.

Si nous prolongeons le second nombre de (38), jusqu’à la puissance de ce qui représente une courbe parabolique de l’ordre , nous exprimerons que cette courbe est inscrite à celle dont nous avons désigné l’aire par (21), en écrivant les équations, en nombre

Si d’ailleurs nous prenons les deux aires particulières, l’une entre et l’autre entre et , que nous ajoutions leurs valeurs absolues, pour avoir l’aire parabolique inscrite entre et que nous prenions enfin cette aire au lieu de l’aire nous aurons

(47)

Or, les équations (45, 21), (44, 32) coïncideraient respectivement si l’on avait

donc, le résultat de l’élimination de entre (44, 45) sera identique avec celui de l’élimination des différentielles entre les équations (21, 32) ; or, ce dernier résultat est celui de la méthode de M. Bérard ; donc aussi elle donne pour l’aire approchée celle de la courbe parabolique inscrite.

On est donc en droit de conclure, en toute rigueur, en vertu de l’axiome : Quæ sunt eadem, etc., que les méthodes de MM. Kramp et Bérard doivent, pour les mêmes diviseurs, donner les mêmes résultats.

La courbe parabolique (38), de l’ordre inscrite entre les limites à la courbe donnée, dont l’aire est a son aire propre entre les mêmes limites, exprimée en ordonnées équidistantes  : c’est le second membre de (45). Mais, si l’on traite immédiatement cette aire parabolique par la méthode de M. Dobenheim, on ne trouvera pas un résultat différent, si toutefois on prend un assez grand nombre d’aires autrement divisées pour éliminer le nombre de coefficiens des puissances de qui suivent dans la formule (10) appropriée à ce cas. Or, c’est précisément ce résultat que la méthode dont il s’agit donne, au lieu de l’aire donc encore la méthode de M. Dobenheim prend l’aire de la courbe parabolique inscrite au lieu de la véritable ; et dès-lors cesse l’espèce d’étonnement qu’elle inspire d’abord, en présentant, pour approximation de l’aire d’une courbe, une combinaison linéaire des ordonnées équidistantes, différente de celle qui compose ou la somme des trapèzes inscrits ; car rien n’empêche que les ordonnées, combinées d’une manière, donnent l’aire du polygone rectiligne inscrit ; et combinées d’une autre, l’aire de la parabole inscrite. On aperçoit aussi que ses résultats doivent coïncider avec ceux des deux autres méthodes, lorsque, étant le diviseur de l’intervalle, il a un nombre de diviseurs exacts et qu’on s’en sert pour en composer autant d’aires auxiliaires . Ainsi, par exemple, comme a pour diviseurs et que l’on en peut conclure, outre l’aire qui correspond à trois autres aires correspondant aux autres diviseurs la méthode donne, pour ce cas, la même formule que les autres (Comparez ; tom. VI, pages 288 et 376).

VII. Les méthodes d’approximation (V) viennent donc se réunir dans le même esprit avec celle de l’article précédent, c’est-à-dire, avec la méthode des courbes paraboliques ; et j’aurais bien plutôt tiré cette conclusion importante, si je n’avais pas craint d’être chicané en produisant cette proposition : « Il n’y a que les fonctions rationnelles entières qui puissent conduire à des différences nulles », de laquelle la première est un corollaire immédiat. Il faut maintenant essayer d’apprécier le mérite de cette méthode des courbes paraboliques.

Je ne dirai point qu’elle ne laisse rien à désirer ; je ne dissimulerai même pas qu’elle est sous le poids d’une censure très-sévère, prononcée récemment par un juge qu’on n’est point tenté de récuser. « Je regarde sur-tout comme l’une des plus défectueuses (méthodes d’approximation) celle qui suppose que l’ordonnée de la courbe est représentée, dans toute son étendue, par la formule ou par une formule équivalente ; car, de ce qu’une courbe passe par un grand nombre de points d’une courbe donnée, il ne s’ensuit pas que les deux courbes soient fort approchées l’une de l’autre ; il peut arriver, au contraire, que les deux aires, malgré tous les points communs, soient aussi différentes entre elles qu’on le voudra ». (Exercices de calcul intégral, III.e partie, pag. 316). Effectivement, entre les limites assignées, faites couper la proposée en points, par une courbe parabolique, dans l’équation de laquelle (38) vous aurez admis un coefficient indéterminé de plus, ce qui donnera, dans (39 et 40), un terme et un coefficient de plus. Ensuite, déterminez les coefficiens, par le moyen des équations (39 et 40), en faisant, dans cette dernière, égale à une quantité donnée ; de cette manière vous aurez, entre les limites assignées, une courbe parabolique du degré qui, avec points communs entre elle et la proposée, aura pourtant une aire donnée arbitrairement, et par conséquent aussi différente de l’aire de la proposée qu’on pourra le désirer.

Cependant, si, entre les limites assignées, la courbe proposée n’a point d’affections singulières, telles que branches multiples, branches infinies, points conjugués, points de rebroussement, etc. ; ou si, analitiquement parlant, entre ces limites, aucune des différentielles ne devient infinie ; en un mot, si la série de Taylor peut exprimer ses ordonnées dans tout l’intervalle, et telle est la supposition généralement admise, on conçoit que plus on assignera de points communs entre la proposée et une courbe parabolique d’un degré égal au nombre de ces points, et plus aussi l’aire de cette dernière courbe approchera de l’identité avec l’aire de la première. Il n’est point superflu de confirmer cet aperçu par des considérations analitiques.

Supposons une courbe parabolique complète de l’ordre passant, entre les limites par points de la proposée ; elle aura pour équation notre formule (44) que nous mettrons sous la forme

étant la fonction rationnelle et entière de composant le second membre de (44). Quand recevra l’accroissement quelconque on aura

Or, quand on fait égal à un des nombres de la suite à par exemple, devient égal à  ; et, quand on augmente d’une unité, devient et, dans notre exemple, égal à La fonction qui d’ailleurs n’a qu’un nombre fini de termes, attendu que, étant une fonction rationnelle et entière de ses différentielles finissent par s’anéantir ; la fonction dis-je, est donc telle que, pour elle est nulle, et que, pour elle est égale à  ; quantité qui sera évidemment d’autant plus petite que les ordonnées voisines seront plus rapprochées ; ce qui est notre hypothèse relativement à la proposée. Donc, pour toute valeur de entre et la fonction sera très-petite, puisque c’est une fonction finie, rationnelle et entière de  ; donc, dans l’intervalle de deux ordonnées consécutives de la proposée, les ordonnées à la courbe parabolique diffèrent très-peu les unes des autres et de leurs limites ; et, puisque telle est l’hypothèses, relativement aux ordonnées de la proposée, les aires correspondantes, dans l’une et l’autre courbes, doivent aussi être très-peu différentes.

Je m’abuse peut-être ; mais je ne saurais taire que la méthode des courbes paraboliques me semble, en général, préférable à la méthode directe (I, II), qui consiste à prendre pour approximation un certain nombre de termes des séries (11, 14, etc.) ; car, sans parler des difficultés et des longueurs dans lesquelles cette dernière engage, pour chaque cas particulier ; embarras dont on se formera l’idée, en imaginant qu’on se trouve contraint de calculer numériquement plusieurs ordres successifs de différentielles qui peuvent être souvent fort compliquées ; elle est entièrement impuissante quand elle rencontre des séries divergentes, ou même des séries très-peu convergentes ; tandis que la première, après un léger examen ; nécessaire pour reconnaître son aptitude, parvient à une très-grande approximation, par des calculs fort simples, dont une bonne partie est toute digérée dans des tables.

Je prends un exemple fort simple ; la recherche du logarithme de c’est le premier exemple que s’est proposé M. Kramp (Annales, tom. VI, pag. 288) ; et nous savons que la méthode parabolique s’y applique avec beaucoup de facilité.

Je fais donc d’où et pour avoir je suppose la suite des différentielles de la fonction est

D’après ces formules, les séries (19, 20, 22), donnent, sans peine à la vérité,

de ces trois séries, la première est inutile, attendu qu’elle n’est point assez convergente ; la seconde n’est guère plus avantageuse ; la troisième pourrait absolument servir ; mais encore, pour obtenir un résultat de même précision, le procédé parabolique des méthodes (IV, V), aidé des formules calculées dans les Annales, etc., me paraît-il plus facile ; mais voyons ce que donne la série (10). À cause de

j’aurai

Pour m’assurer de la convergence de cette série, qui renferme les nombres de Bernouilli, j’égale en valeur absolue les deux termes des rangs d’où je tire

Or, Euler, dans son Calcul différentiel, a démontré que le rapport de deux nombres de Bernouilli consécutifs converge assez rapidement vers l’expression on pourra donc écrire

d’où l’on tire à peu près égale à ou à environ ; c’est-à-dire que la série devient divergente après les premiers termes ; elle est donc absolument divergente ; car, aux premiers termes, réunissez quelques-uns des autres, pour former un seul premier terme, et vous aurez une série toute divergente, qui par elle-même n’apprendra rien sur la valeur de au moins dans l’état actuel de l’analise.

Mais, dira-t-on, la série dont il s’agit est de la classe des semi-convergentes ; or, celles-ci fournissent des approximations successives, tant qu’on ne dépasse pas la limite des termes décroissans. Je ne trouve, à l’appui de cette proposition qu’une assez faible induction, tandis qu’il faudrait une bonne démonstration. Le premier terme d’une série divergente est, en général, une approximation, dit-on. Quand cela serait, du moins est-il certain qu’il s’éloigne souvent beaucoup de la valeur exacte, et que rien dans la série ne peut aider à juger du degré d’approximation. Ainsi, dans notre exemple, ce n’est point de la série, mais d’ailleurs que je sais que le premier terme est une valeur approchée de On calcule même, ajoute-t-on, l’approximation que peut donner une série semi-convergente : on calcule le degré de petitesse du terme qui est à la naissance de la divergence. Soit, mais je ne sache pas qu’on démontre à priori que ce soit là la mesure de l’approximation que procure infailliblement la série : cette propriété elle-même de donner une approximation dont le terme est calculable serait un paradoxe qu’aucune induction ne pourrait faire admettre.

La série.

est convergente jusqu’au sixième terme et divergente au-delà ; elle est par conséquent semi-convergente. Or, cette série, multipliée par n’est autre chose que le développement de ou Ainsi, comme les séries absolument divergentes, les semi-convergentes peuvent exprimer des quantités imaginaires ; ce qui n’arrive jamais aux séries convergentes ; d’où il semble suivre que les premières doivent être, réunies en une seule et même classe ; comme les semi-divergentes se réunissent aux convergentes.

D’Alembert et Condorcet, qui se sont tant occupés des séries, n’admettaient point ces êtres équivoques appelés séries semi-convergentes. « Il faut, dit le dernier, que la suite donnée dans la méthode d’approximation, se puisse continuer à l’infini, sans pouvoir s’arrêter à aucun terme, et y changer soit de forme soit de nature ; et que, plus on en prend de termes … la somme de la suite diffère moins … ; et il faut non seulement que cela soit, mais encore que cela soit bien prouvé à priori. » (Problème des trois corps, pag. 62).

Lagrange s’exprime d’une manière peut-être plus positive encore à cet égard. Après avoir parlé du moyen d’évaluer les termes omis à la fin de la série de Taylor, il ajoute : « Par le moyen de ces limites, on est à couvert des difficultés qui peuvent naître de la non convergence de la série [ valeur de ] … si la série finira toujours par être convergente ; mais elle sera toujours divergente à son extrémité, si , quoiqu’elle puisse être convergente dans ses premiers termes. Ainsi, elle ne pourra alors être employée avec sûreté, quelque loin qu’elle soit portée, qu’en ayant égard aux limites que nous venons de donner. » (Journal de l’école polytechnique, XII.e cahier, pag. 75)[3].

VIII. Jusqu’à ce que quelque heureuse découverte nous ait appris soit à rendre convergentes les séries qui ne le sont que peu ou point, soit à tirer parti des séries divergentes, la méthode parabolique demeurera la ressource du géomètre calculateur ; et c’est conséquemment cette méthode qu’on doit s’efforcer de perfectionner. L’aire parabolique approcherait incontestablement plus de l’aire véritable si, outre un nombre de points communs, les deux courbes avaient entre elles, à ces points, des contacts plus ou moins intimes ; or, il est toujours possible de satisfaire à cette nouvelle condition, quand on a l’équation de la proposée. En effet, en différentiant l’équation (38), qui n’est plus alors terminée au terme on trouve

Ce sont autant de formules qui donneront les coefficiens différentiels aux sommets de chacune des ordonnées en y faisant successivement . Si, pour fixer les idées, on veut que la courbe parabolique ait, aux points communs avec la proposée, des contacts du premier ordre, ou des tangentes communes ; en employant, pour abréger, les lettres simples ou marquées de plus ou moins d’accens pour représenter les ordonnées équidistantes ou leurs coefficiens différentiels successifs, respectivement ; en faisant attention que et que on aura les équations

Les premières (48), qui sont la même chose que (39), exprimant la communauté de points : les dernières (49) exprimant la communauté de tangentes. Il faudra, pour avoir l’aire les combiner avec l’équation

(50)

Les équations (48, 49), séparément en nombre ensemble en nombre détermineront un nombre de coefficiens c’est-à-dire ; les coefficiens qui suivent  ; de manière que le dernier terme de (38) sera de l’ordre Ainsi, on peut toujours faire passer, par points de la proposée, une courbe parabolique de l’ordre qui ait, à ces points, avec la première, des tangentes communes. Si on voulait que la courbe parabolique eût à la fois des contacts du premier et du second ordre, c’est-à-dire, des tangentes et des rayons de courbure communs aux équations, (48, 49), il faudrait joindre les suivantes, aussi en nombre

Par le moyen de équations, on déterminerait coefficiens  ; de sorte que (38) monterait à l’ordre et ainsi de suite. On aperçoit qu’en général on pourra toujours déterminer une courbe parabolique qui, aux points d’intersection, ait à la fois un nombre donné de contacts d’ordres successifs, et que cette courbe sera de l’ordre

Supposons, pour donner un exemple, qu’ayant divisé l’intervalle des limites en parties égales, on veuille faire passer une courbe parabolique par les sommets des quatre ordonnées et que de plus, à ces points, les deux courbes aient des tangentes communes. Je prends les trois premières (48, 49), bornées au coefficient inclusivement ; je détermine, par leur moyen, les six coefficiens je substitue dans (50) et je trouve enfin

(51)

Faisons l’application de cette formule au logarithme de  ; puisque l’intervalle est divisé en trois unités ; il faut faire pour avoir Cela posé, on aura

d’où

valeurs qui, substituées dans (51), donnent

expression exacte, jusqu’à la cinquième décimale, Inclusivement.

La formule (51) se vérifie d’ailleurs facilement, en faisant

c’est le cours d’une droite parallèle aux , et qui en est à la distance  ; alors on doit avoir Une autre vérification consiste à faire

c’est le cas d’une droite passant par l’origine, et inclinée aux sous un angle demi-droit ; alors, on doit avoir

Il faut remarquer que la forme sous laquelle s’est présentée l’équation (51) n’est point accidentelle ; et on verra comment, en général, se combinent deux à deux les coefficient différentiels de même ordre, dans l’expression finale de l’aire, par l’indication sommaire du procédé que je conseillerais de suivre à celui qui se proposerait de construire des tables, d’après l’idée exposée dans cet article. Ce procédé est entièrement semblable à celui que nous avons appliqué à la série (21), et consiste à éliminer de cette série les coefficiens différentiels non seulement par le moyen des équations (32), mais par le moyen de ces équations réunies avec celles, toutes semblables, qui existent entre les coefficiens différentiels successifs des ordonnées Ainsi, pour formules des différens systèmes d’équations à employer, on a, en mettant, pour abréger, les simples lettres au lieu des différentielles divisées,

. . . . . . . . . . . . . . .

La première de ces formules fournit les équations (32) : chacune des suivantes en fournit autant. En multipliant le premier système par le second par le troisième par et ainsi de suite ; puis en les ajoutant toutes, et nommant somme de leurs premiers membres, on posera et on aura, en allant jusqu’au contact de l’ordre un nombre d’équations, entre autant de coefficiens qui, étant une fois déterminés, donneront enfin

c’est-à-dire que, dans l’expression finale de l’aire les ordonnées également éloignées des extrêmes, ainsi que leurs coefficiens différentiels successifs, sont rapprochés sous un même coefficient numérique ; mais séparés par le signe , pour les différentielles de rangs pairs, et par le signe pour les différentielles de rangs impairs.

IX. Quoique la méthode de l’article précédent exprime l’aire en fonction des ordonnées équidistantes et de leurs coefficiens différentiels successifs, il ne faut pas la confondre avec celle de même physionomie que donne Euler dans son Calcul intégral (tom. I, sect. I, chap. VII). Celle-ci revient évidemment à partager l’aire totale en un nombre d’aires partielles, ayant leurs bases sur l’axe des et à prendre la somme de ces aires, évaluées séparément, par la série de Bernouilli. Je n’insisterai pas pour prouver qu’il est toujours praticable, et qu’il serait peut-être quelquefois très-avantageux, d’évaluer ces aires partielles par les méthodes dont nous venons de nous occuper. Je m’abstiens également d’établir aucune comparaison entre les résultats de la méthode des courbes paraboliques et ceux des méthodes qui représentent l’ordonnée de la courbe par des fonctions de l’abscisse telles qu’une fraction rationnelle finie ou la série récurrente qui en dérive, ou une suite finie de sinus ou de cosinus de l’abscisse et de ses multiples, ou une suite finie d’exponentiels, etc. ; et je termine par les deux observations suivantes :

1.o Par le Théorème de Taylor, on est autorisé, en général, à supposer

(52)

Si l’on connaît un certain nombre de valeurs de correspondant à ou bien encore un certain nombre de valeurs de qui doivent satisfaire aux équations

dans lesquelles les coefficiens sont aussi connus ; en éliminant un nombre de coefficient un nombre d’équations exprimant, d’après (52) ou (53), un nombre égal de valeurs connues on obtient finalement une équation du premier degré en d’où l’on tire, sur-le-champ, l’expression de cette fonction, en quantités connues ; expression qui est une valeur approchée ; pourvu toutefois que le développement particulier déduit de (52 et 53) soit possible. Tel est, en général, l’esprit de la méthode qui nous a principalement occupés dans ce mémoire ; d’où il résulte qu’elle est applicable à bien d’autres choses qu’aux quadratures.

2.o Quand il sera possible de supposer

étant ce que devient quand est infinie. Si l’on connaît les valeurs de correspondant aux valeurs on aura

Entre celles-ci, supposées en nombre on éliminera un nombre de coefficiens et on aura par une équation du premier degré qui servira à l’exprimer en et les différentes puissances de par approximation, si la forme (54) et celles qui en dérivent sont possibles.

Dans (54), désigne-t-il, par exemple, le périmètre ou l’aire du polygone régulier de côtés inscrit ou circonscrit à un cercle ? sera le périmètre ou l’aire de celui d’une infinité de côtés, ou le cercle lui-même ; et seront les polygones de côtés. représente-t-il la somme des premiers termes d’une série infinie ? alors en sera la somme infinie ; tandis que seront les sommes de la même série, bornée à terme. est-il l’ordonnée interpolée d’une courbe par le moyen de autres ordonnées données, alors sera celle qui serait interpolée au moyen d’une infinité d’ordonnées données, c’est-à-dire, l’ordonnée rigoureuse ; tandis que seront les interpolations déduites de ordonnées assignées, et ainsi du reste.

Je viens de rappeler, en substance, une très-belle idée qu’a publiée, entre plusieurs autres du même genre, le Rédacteur des Annales, dans les réflexions dont il a fait suivre le premier mémoire de M. Kramp (Annales, tom. VI, pag. 303 et suiv.) ; et je m’empresse de saisir cette occasion pour recommander à toute l’attention des géomètres cet opuscule de mon digne ami.


Séparateur

  1. Consulter aussi sur ce sujet un précédent mémoire de M. Servois, tom. V, page 93.
    J. D. G.
  2. Il y a bien quelque différence relativement au diviseur car le dénominateur commun des coefficiens, qui sont d’ailleurs les mêmes de part et d’autre, est 28350 chez M. Bérard et 89600 chez M. Kramp ; mais il est probable que la différence tient à une erreur typographique dans le dernier nombre ; puisque le premier supporte l’épreuve de l’hypothèse de l’égalité des ordonnées entre elles et avec l’unité.
  3. Tout en partageant au fond l’opinion de mon judicieux ami, je crois cependant devoir y apporter un léger tempéramment.

    Je remarque d’abord, avec lui, que, comme on peut toujours, par l’addition, réduire à un terme unique tant des premiers termes qu’on voudra d’une série semi-convergente, il en résulte que les séries de cette classe peuvent toujours être rangées dans la classe des séries purement divergentes.

    Je remarque, en second lieu, que de telles séries peuvent toujours être offertes sous une infinité de formes différentes. On peut, en effet, réunir leurs termes de deux en deux, ou de trois en trois, de quatre en quatre, et ainsi de suite. On peut aussi laisser le premier terme seul, réunir les deux suivans, puis les trois qui viennent après ceux-ci, les quatre qui viennent ensuite, et ainsi du reste. On peut enfin faire des termes de cette série telle autre combinaison régulière qu’on voudra.

    Or, si tous les termes de la série ne sont point de mêmes signes, ou ne deviennent point perpétuellement tels au bout d’un certain terme, on conçoit que, parmi les séries nouvelles qu’on en aura déduites, il pourra fort bien s’en trouver non seulement qui soient convergentes ; mais même qu’on puisse prouver devoir demeurer telles, passé un certain terme. Or, ces dernières étant susceptibles d’une somme assignable, celles dont on les aura déduites devront l’être également.

    Parmi les exemples qu’on peut produire à l’appui de ces réflexions, un des plus simples est sans doute celui de la série divergente

    (A)

    En rassemblant ses termes de deux en deux, elle devient

    (B)

    série perpétuellement convergente, dont la loi est manifeste, et qui peut conséquemment être employée en toute sûreté de conscience, comme moyen d’approxknation. Or, la première est le développement de  ; car on a

    ce qui donne, en effet,

    d’où il suit que la série divergente (A) pourra, comme la série convergente (B) être employée à l’approximation de

    Mais je n’en rejette pas moins, avec M. Servois, comme instrument d’approximation, toute série soit divergente, soit même semi-convergente, dont les termes sont tous de mêmes signes, ou deviennent de mêmes signes, à partir de l’un quelconque d’entre eux ; ainsi que toute série divergente ou semi-convergente, ayant perpétuellement des termes tantôt positifs et tantôt négatifs ; mais de laquelle on ne pourra pas prouver que, par quelque transformation, elle peut être ramenée à une série véritablement convergente, soit immédiatement, soit à partir de l’un quelconque de ses termes.

    J. D. G.