Veuve Duchesne (p. 134-135).


XCVme LETTRE.

Sir Charles Clarck,
à Sir William Fisher ;
à Londres.

Le Chevalier Barrito eſt abſolument hors de danger ; mais ma Femme eſt devenue folle, ou pour mieux dire, furieuſe : elle ne parle que de piſtolet, que de poiſon. C’eſt à elle, à ce qu’elle prétend, à punir l’aſſaſſin de ſon Frère. On ſeroit quelquefois tenté de croire qu’elle le connoît ; dans d’autres inſtans elle s’accuſe de ce malheur : c’eſt ce fatal voyage, dit-elle, qui eſt cauſe de tout ; enſuite elle blâme ſa jalouſie, & puis je ſuis accablé de reproches ; c’eſt ma conduite qui la réduit au déſeſpoir. Eh ! qu’ai-je fait ? que me veut-elle ? Mon regret le plus amer eſt de m’être lié à cette forcenée ; toute ma vie je maudirai l’inſtant où je l’ai connue. Je la croyois épriſe de Nilevar ; mais il n’a pas paru depuis quinze jours, apparemment que le caractère altier de Mylady lui aura paru peu propre à une agréable ſociété : En effet, qui ne pourroit pas la déteſter ? Comment a-t-elle pu ſe contrefaire ſi long-temps ? Je la croyois douce, compatiſſante. J’ai écrit au Seigneur Barrito pour lui conter mes chagrins ; il me plaint, mais il ne peut rien de plus. Mon ſort eſt d’être miſérable toute ma vie ; ſubiſſons-le, s’il ſe peut, ſans murmure, excepté avec toi. Mon cher William doit toujours lire dans le fond de mon cœur. Adieu, mon Ami ; à toi pour jamais.

Charles Clarck.

De Paris, ce … 17