Veuve Duchesne (p. 231-232).


XLVIIIme LETTRE.

Sir Edward Stanhope,
à Sir Augustin Buckingham ;
à Londres.

Tes conſeils arrivent trop tard, mon cher Auguſtin, non, je ne puis fuir la belle Peggi. Il eſt vrai, je ſuis amoureux, & amoureux comme un fou. Londres, ta Maîtreſſe, toutes les Femmes de l’Univers, rien ne me tente Voir Peggi, lui dire que je l’aime, entendre de ſa jolie bouche que je lui ſuis cher ; voilà où je mets tout mon bonheur. Une rigueur de Peggi vaut mieux que toutes les faveurs des autres femmes. Je ne puis te ſavoir mauvais gré de tes bonnes inſtructions ; mais il n’eſt plus de remède à mon mal, je ne déſire même pas d’en guérir. Tant que je pourrai admirer Peggi, je ne me plaindrai pas de mon ſort. Je ne penſe plus comme autrefois. L’honneur de ma Maîtreſſe eſt un point que je reſpecte. Mes vues ne tendent point à la ſéduction. Que prétends-tu donc, me diras-tu ? L’aimer, la révérer. Tu vas rire de moi, j’en ſuis ſûr. Eh bien ! ris à ton aiſe. Je te permets même de me tourner en ridicule ; mais je te préviens que toutes tentatives pour m’arracher à l’objet de mes vœux, ſeroient abſolument vaines.

Écris-moi, fais-moi part de tes nouvelles conquêtes, je t’en féliciterai, puiſque tu fais conſiſter ton bonheur dans le changement ; mais laiſſe-moi penſer & agir à ma mode. Je mets tout mon plaiſir dans un ſeul objet. Chacun a ſon goût ; aimons-nous, & ne nous blâmons pas de voir les choſes ſous un aſpect différent. Admirateur zélé de ta conduite, pendant un temps, j’ai ſuivi ton exemple, &, entre nous, j’ai fait & dit bien des ſottiſes. Je me ſuis bien corrigé, tu ne tarderas pas, peut-être, à convenir que je n’ai pas tort. Aujourd’hui tu me blâmes, dans un autre temps tu m’applaudiras. En attendant crois-moi ton ſerviteur & Ami

Edward Stanhope.

De Pretty-Lilly, ce … 17