Veuve Duchesne (p. 209-210).


XLme LETTRE.

Betsy Goodness,
à Miſtreſs Goodness ſa Mère ;
à Londres.

Vous pouvez à préſent, ma chère Maman, venir me chercher quand bon vous ſemblera, & le plutôt ſera le mieux. J’ai réuſſi ; vos déſirs ſont remplis ; en un mot, je poſſède la bienheureuſe Lettre de Mylord Clarck.[1] Mais, ma Bonne, il faut compoſer avec Mylady Ridge : cinq cents guinées ſont jolies ; cependant quand vous l’aurez lue, vous verrez qu’elle en vaut plus de mille ; il faut faire valoir les difficultés, les frais, &c… & quoique je n’ai pas eu grand’peine, il eſt bien néceſſaire de faire ſonner les embarras qu’une ſouſtraction de cette importance doit cauſer. Au reſte, vous n’aurez la Lettre qu’avec ma Perſonne ; car ſans cette petite ſupercherie, je crois que vous me laiſſeriez dans ce lieu déteſtable une éternité. Mon abſence ne vous ſemble pas déſagréable, à ce qu’il me paroît ; mais moi je me meurs d’ennui. Je ne ſuis point faite pour un genre de vie ſemblable, & ce n’eſt qu’en frémiſſant que je m’apperçois du changement de ma figure. L’ennui eſt un poiſon pour la Beauté : le plaiſir augmente les charmes, vous voyez bien qu’il me faut du plaiſir. Je me flatte que vous partirez au reçu de ma Lettre.

Deux jours après l’enlèvement d’Émilie, (car ſa Mère l’a vraiment enlevée), Mylord Stanhope a diſparu d’A… Ainſi, mon avertiſſement à ſon Père étoit inutile. Vous ne vous attendez pas, je penſe, que je vous mande des nouvelles. Je brûle d’aller en apprendre dans la Capitale. Adieu, Maman. Je ſuis, malgré le mauvais tour que vous me jouez de me laiſſer ici, votre affectionnée Fille,


Betsy Goodness.
De … ce … 17
  1. Cette Lettre a été perdue, mais on peut imaginer aiſément ce qu’elle doit contenir.