Veuve Duchesne (p. 161-162).


XXIXme LETTRE.

Andrew,
à Miſs Anna Rose-Tree ;
à Londres.


(Cette Lettre étoit incluſe dans la précédente)
Miss,


Pardonnerez-vous à l’infortuné Andrew d’oſer élever ſa voix juſqu’à vous, de qui, ſans doute, il eſt abſolument oublié. Et de quel droit oſerois-je m’en plaindre ? Que puis-je eſpérer ? Le ciel en me refuſant les moyens de plaire, a complété mon malheur, puiſqu’il m’a laiſſé un cœur ſenſible. Je ſuis deſtiné à ſouffrir éternellement : mes maux dureront autant que mon amour, & ce dernier me ſuivra au tombeau. Adorable Miſs, daignez-vous quelquefois penſer à celui qui vous adore. Votre abſence cruelle a verſé ſur mes jours une amertume qui ne ſe diſſipera que par votre préſence. En vous voyant je recevrai une nouvelle vie. Être ſans ceſſe à portée de vous admirer, voilà où ſe bornent tous mes déſirs. Que les Gens qui ſont auprès de vous ſont heureux ? vos yeux ne refuſent pas de ſe fixer ſur eux ; ils entendent cette voix enchantereſſe, & moi je n’ai pour tout bien que le ſouvenir d’un bonheur qui a paſſé comme l’ombre. Je crois quelquefois que ce n’eſt qu’une illuſion. Je me rends juſtice, & je n’oſe penſer… Il eſt pourtant vrai que la belle Anna a paru n’être pas inſenſible à ma tendreſſe, qu’elle m’a permis de croire que je n’aimois pas une ingrate. Jour heureux ! je t’ai payé par bien des larmes. Mes lèvres brûlantes ſe poſèrent ſur une main d’ivoire, vous ſouffrîtes cette innocente liberté…… Où me conduit mon imagination frappée ? Le bonheur a fui loin de moi. Je paſſé mes jours dans les regrets, & mes nuits dans les larmes. Un mot, un ſeul mot de votre jolie main, Miſs, ſeroit un baume pour mes plaies. Par pitié ne refuſez pas ce ſecours au malheureux

Andrew.
De Break-of-Day, ce … 17