Anna Rose-Tree/Lettre 102

Veuve Duchesne (p. 156-157).


CIIme LETTRE.

Sir Edward Stanhope,
à Sir Augustin Buckingham ;
à Londres.

J’ai appris par haſard ton retour à Londres, & ne ſuis pas étonné que tu ne m’en ayes pas inſtruit toi-même. Ta dernière Lettre m’annonçoit une eſpèce de rupture ; tu as craint de compromettre ta dignité, en entretenant un commerce de Lettres avec un Payſan ! Quelle eſt ton erreur, mon pauvre Auguſtin ! Mon état eſt le premier de tous : nos Pères l’ont exercé, & s’en ſont fait gloire. Je n’ai pas, comme toi, un habit doré, mais crois qu’un ſarrau de groſſe toile ne dégrade point celui qui ne ſe laiſſe guider que par l’honneur. Nos mœurs diffèrent autant que nos façons de penſer ; je vois ton aveuglement, & j’en gémis : l’âge mûrira ton cœur, ſans doute, & alors tu ceſſeras de me blâmer. Tu m’annonçois des regrets pour l’avenir ; ils n’habiteront jamais avec moi. L’Époux de la vertueuſe Peggi ne doit connoître que bonheur & plaiſir. Occupé par mon travail, diſtrait par le ſoin d’élever mes enfans, il ne me reſte que le temps que le repos exige. Le ſouvenir du paſſé ne trouble pas ma tranquillité ; je ſuis heureux, ce mot renferme mon exiſtence. Je n’ai jamais penſé que tu voudrois t’abaiſſer au point de me viſiter ; mais j’eſpérois que tu me donnerois quelques lignes de vie. Ton indifférence eſt la ſeule peine que j’aye éprouvée depuis mon mariage. Si ton oubli continue, il faudra bien que je ſuive ton exemple ; mais ce ſera un véritable chagrin pour

Edward Stanhope.
De the Litthe-Hill, ce … 17

P. S. Ta Parente eſt ſûrement morte : Te voilà bien riche ! ce n’eſt point aſſez, Ami ; tâche d’être heureux.