Legrand et Crouzet (p. 287-295).


XXXVII

LE VOYAGE


Ainsi poussant, ainsi poussés, mais suivant toujours l’aide de camp de Monsieur de Beauvau, Gilbert, Billot et Pitou arrivèrent enfin près du carrosse dans lequel le roi, accompagné de messieurs d’Estaing et de Villequier, s’avançait lentement au milieu d’une foule croissante.

Spectacle curieux, inouï, inconnu, car il se produisait pour la première fois. Tous ces gardes nationaux de la campagne, soldats improvisés, accouraient avec des cris de joie sur le passage du roi, le saluant de leurs bénédictions, essayant de se faire voir, et, au lieu de s’en retourner chez eux, prenant rang dans le cortège et accompagnant la marche du roi. Pourquoi ? nul n’aurait pu le dire ; obéissait-on à l’instinct ? On avait vu, on voulait revoir encore ce roi bien-aimé.

Car, il faut le dire, à cette époque, Louis XVI était un roi adoré, à qui les Français eussent élevé des autels, sans ce profond mépris que monsieur de Voltaire avait inspiré aux Français pour les autels.

Louis XVI n’en eut donc pas, mais uniquement parce que les esprits forts l’estimaient trop à cette époque pour lui infliger cette humiliation.

Louis XVI aperçut Gilbert appuyé au bras de Billot ; derrière eux marchait Pitou, traînant toujours son grand sabre.

— Ah ! docteur, le beau temps et le beau peuple ! — Vous voyez, sire, répliqua Gilbert.

Puis se penchant vers le roi.

— Qu’avais-je promis à Votre Majesté ? — Oui, Monsieur, oui, et vous avez tenu dignement votre parole.

Le roi releva la tête, et, avec l’intention d’être entendu :

— Nous marchons bien lentement, dit-il, mais il me semble que nous marchons encore trop vite pour tout ce qu’il y a aujourd’hui à voir. — Sire, dit monsieur de Beauvau, vous faites cependant, au pas que Votre Majesté marche, une lieue en trois heures. Il est difficile d’aller plus lentement.

En effet, les chevaux s’arrêtaient à chaque instant ; des échanges de harangues et de répliques avaient lieu ; les gardes nationaux fraternisaient, on venait de trouver le mot, avec les gardes du corps de Sa Majesté.

— Ah ! se disait Gilbert, qui contemplait en philosophe ce curieux spectacle, si l’on fraternise avec les gardes du corps, c’est donc qu’avant d’être des amis ils étaient des ennemis ? — Dites donc, monsieur Gilbert, dit Billot à demi voix, je l’ai joliment regardé le roi, je l’ai joliment écouté. Eh bien ! mon avis est que le roi est un brave homme.

Et l’enthousiasme qui animait Billot fit qu’il accentua ces derniers mots de telle façon que le roi et l’état-major les entendît.

L’état-major se mit à rire.

Le roi sourit ; puis, avec un mouvement de tête :

— Voilà un éloge qui me plaît, dit-il.

Ces mots furent prononcés assez haut pour que Billot les entendît.

— Oh ! vous avez raison, sire, car je ne le donne pas à tout le monde, répliqua Billot, entrant de plain-pied dans la conversation avec son roi, comme Michaud avec Henri IV. — Ce qui me flatte d’autant plus, dit le roi fort embarrassé et ne sachant comment faire pour garder la dignité de roi en parlant gracieusement comme bon patriote.

Hélas ! le pauvre prince, il n’était pas encore accoutumé à s’appeler le roi des Français. Il croyait s’appeler encore le roi de France.

Billot, transporté d’aise, ne se donna pas la peine de réfléchir si Louis, au point de vue philosophique, venait d’abdiquer le titre de roi pour prendre le titre d’homme ; Billot, qui sentait combien ce langage se rapprochait de la bonhomie rustique, Billot s’applaudissait de comprendre un roi et d’en être compris.

Aussi, à partir de ce moment, Billot ne cessa pas de s’enthousiasmer de plus en plus. Il buvait dans les traits du roi, selon l’expression virgilienne, un long amour de la royauté constitutionnelle, et le communiquait à Pitou, lequel, trop plein de son propre amour et du superflu de l’amour de Billot, répandait le tout au dehors, en cris puissants d’abord, puis glapissants, puis vagues de :

— Vive le roi ! vive le père du peuple !

Cette modification dans la voix de Pitou s’opérait au fur et à mesure qu’il s’enrouait.

Pitou était complètement enroué lorsque le cortége arriva au Point-du-Jour, où monsieur Lafayette, à cheval sur le fameux coursier blanc, tenait en haleine les cohortes indisciplinées et frémissantes de la garde nationale, échelonnées depuis cinq heures du matin sur le terrain pour faire cortége au roi.

Or, il était près de deux heures.

L’entrevue du roi et du nouveau chef de la France armée se passa d’une manière satisfaisante pour les assistants.

Cependant, le roi commençait à se fatiguer, il ne parlait plus et se contentait de sourire.

Le général en chef des milices parisiennes, de son côté, ne commandait plus, il gesticulait.

Le roi eut la satisfaction de voir que l’on criait presque autant vive le roi que vive Lafayette. Malheureusement, ce plaisir d’amour-propre, c’était la dernière fois qu’il était destiné à le goûter.

Du reste, Gilbert était toujours placé à la portière du roi, Billot près de Gilbert, Pitou près de Billot.

Gilbert, fidèle à sa promesse, avait trouvé moyen, depuis qu’il avait quitté Versailles, d’expédier quatre courriers à la reine.

Ces courriers n’avaient porté que de bonnes nouvelles, car partout sur son passage le roi voyait les bonnets sauter en l’air ; seulement, à tous ces bonnets brillait une cocarde aux couleurs de la nation, sorte de reproche adressé aux cocardes blanches que les gardes du roi et le roi lui-même portaient à leur chapeau.

Au milieu de sa joie et de son enthousiasme, cette divergence des cocardes était la seule chose qui contrariât Billot.

Billot avait à son tricorne une énorme cocarde tricolore.

Le roi avait une cocarde blanche à son chapeau ; le sujet et le roi n’avaient donc pas des goûts absolument semblables.

Cette idée le préoccupait tellement qu’il s’en ouvrit à Gilbert, au moment où celui-ci ne causait plus avec Sa Majesté.

— Monsieur Gilbert, lui demanda-t-il, pourquoi le roi n’a-t-il pas pris la cocarde nationale ? — Parce que, mon cher Billot, ou le roi ne sait pas qu’il y a une nouvelle cocarde, ou le roi estime que sa cocarde à lui doit être la cocarde de la nation. — Non pas, non pas, puisque sa cocarde à lui est blanche et que notre cocarde à nous est tricolore. — Un moment ! fit Gilbert, arrêtant Billot à l’instant où celui-ci allait se lancer à corps perdu dans les phrases de journaux, la cocarde du roi est blanche comme le drapeau de la France est blanc. Ce n’est pas la faute du roi, cela. Cocarde et drapeau étaient blancs bien avant qu’il ne vînt au monde ; au reste, mon cher Billot, le drapeau a fait ses preuves, et aussi la cocarde blanche. Il y avait une cocarde blanche au chapeau du bailly de Suffren, lorsqu’il rétablit notre pavillon dans la presqu’île de l’Inde. Il y avait une cocarde blanche au chapeau d’Assas, et c’est à cela que les Allemands le reconnurent, la nuit, quand il se fit tuer plutôt que de laisser surprendre ses soldats. Il y avait une cocarde blanche au chapeau du maréchal de Saxe, lorsqu’il battit les Anglais à Fontenoy. Il y avait, enfin, une cocarde blanche au chapeau de monsieur de Condé, lorsqu’il battit les impériaux à Rocroy, à Fribourg et à Lens. Voilà ce qu’a fait la cocarde blanche, et bien d’autres choses encore, mon cher Billot ; tandis que la cocarde nationale, qui fera peut-être le tour du monde, comme l’a prédit Lafayette, n’a encore eu le temps de rien faire, attendu qu’elle existe depuis trois jours. Je ne dis pas qu’elle restera oisive, comprenez-vous ; mais enfin, n’ayant encore rien fait, elle donne au roi le droit d’attendre qu’elle fasse. — Comment ! la cocarde nationale n’a rien fait encore, dit Billot, est-ce qu’elle n’a pas pris la Bastille ? — Si fait, dit tristement Gilbert, vous avez raison, Billot. — Voilà pourquoi, reprit triomphalement le fermier, voilà pourquoi le roi devrait la prendre.

Gilbert donna un grand coup de coude dans les côtes de Billot, car il s’était aperçu que le roi écoutait ; puis, tout bas :

— Êtes-vous fou ? Billot, dit-il ; et contre qui donc a été prise la Bastille ? contre la royauté, ce me semble. Et voilà que vous voulez faire porter au roi les trophées de votre triomphe et les insignes de sa défaite ? Insensé ! Le roi est plein de cœur, de bonté, de franchise, et voilà que vous voulez en faire un hypocrite ? — Mais, dit Billot plus humblement, mais cependant sans s’être rendu tout à fait, ce n’est pas précisément contre le roi que la Bastille a été prise, c’est contre le despotisme.

Gilbert haussa les épaules, mais avec cette délicatesse de l’homme supérieur qui ne veut pas mettre le pied sur son inférieur de peur de l’écraser.

— Non, continua Billot en s’animant, ce n’est pas contre notre bon roi que nous avons combattu, c’est contre ses satellites.

Or, à cette époque, on disait, en politique, satellites au lieu de soldats, comme on disait au théâtre, coursier au lieu de cheval.

— D’ailleurs, continua Billot avec une apparence de raison, il les désapprouve, puisqu’il vient au milieu de nous ; et s’il les désapprouve, il nous approuve. C’est pour notre bonheur et son honneur que nous avons travaillé, nous autres vainqueurs de la Bastille. — Hélas ! hélas ! murmura Gilbert, qui ne savait trop lui-même comment concilier ce qui se passait sur le visage du roi avec ce qui se passait dans son cœur.

Quant au roi, il commençait, au milieu du murmure confus de la marche, à percevoir quelques mots de la discussion engagée à ses côtés.

Gilbert, qui s’apercevait de l’attention que le roi prêtait à la discussion, faisait tous ses efforts pour conduire Billot sur un terrain moins glissant que celui sur lequel il s’était engagé. Tout à coup on s’arrêta, on était arrivé au Cours-la-Reine, à l’ancienne porte de la Conférence, dans les Champs-Elysées. Là, une députation d’électeurs et d’échevins, présidée par le nouveau maire Bailly, se tenait rangée en bel ordre, avec une garde de trois cents hommes commandée par un colonel, et trois cents membres au moins de l’Assemblée nationale pris, comme on le pense bien, dans les rangs du tiers.

Deux des électeurs combinaient leurs forces et leur adresse réunies pour tenir en équilibre un plat de vermeil sur lequel reposaient deux énormes clés, les clés de la ville de Paris du temps de Henri IV. Ce spectacle imposant fit taire toutes les conversations particulières, et chacun, soit dans les groupes, soit dans les rangs, s’occupa, selon les circonstances, d’entendre les discours qui allaient être échangés dans cette occasion.

Bailly, le digne savant, le brave astronome, qu’on avait fait député malgré lui, maire malgré lui, orateur malgré lui, avait préparé un long discours d’honneur. Ce discours avait pour exorde, selon les plus strictes lois de la rhétorique, un éloge du roi, depuis l’avènement au pouvoir de monsieur Turgot jusqu’à la prise de la Bastille. Peu s’en fallait même, tant l’éloquence a de privilège, qu’on attribuât au roi l’initiative des événements que le peuple, pressé, avait tout au plus subis, et subis, comme nous l’avons vu, à contre cœur.

Bailly était fort content de son discours, lorsqu’un incident, c’est Bailly qui raconte lui-même cet incident dans ses Mémoires, lorsqu’un incident lui fournit un nouvel exorde, bien autrement pittoresque que celui qu’il avait, préparé, le seul du reste qui soit resté dans la mémoire du peuple, toujours prêt à saisir les bonnes et surtout les belles phrases bâties sur un fait matériel.

Tout en cheminant avec les échevins et les électeurs, Bailly s’alarmait de la pesanteur de ces clés qu’il allait présenter au roi.

— Croyez-vous donc, dit-il en riant, qu’après avoir montré ce monument au roi, je me fatiguerai à le rapporter à Paris ? — Qu’en ferez-vous donc ? demanda un électeur. — Ce que j’en ferai, dit Bailly, ie vous les donnerai, ou bien je les jetterai dans quelque fossé au pied d’un arbre. — Gardez-vous-en bien, s’écria l’électeur scandalisé. Ne savez-vous pas que ces clés sont les mêmes que la ville de Paris offrit à Henri IV après le siège ? elles sont précieuses : c’est une antiquité inestimable. — Vous avez raison répondit Bailly : les clés offertes à Henri IV, conquérant de Paris, on les offre à Louis XVI qui… Eh ! mais, se dit le digne maire, voilà une assez belle antithèse à produire. Et aussitôt, prenant un crayon, il écrivit, au-dessus de son discours préparé, l’exorde que voici :

« Sire, j’apporte à Votre Majesté les clés de la bonne ville de Paris. Ce sont les mêmes qui ont été offertes à Henri IV. Il avait reconquis son peuple, aujourd’hui le peuple a reconquis son roi. » La phrase était belle, elle était juste, elle s’incrusta dans l’esprit des Parisiens, et, de tout le discours de Bailly, des œuvres même de Bailly, c’est tout ce qui survécut.

Quant à Louis XVI, il l’approuva de la tête, mais tout en rougissant, car il en sentait l’épigrammatique ironie déguisée sous le respect et les fleurs oratoires.

Puis, tout bas :

— Marie-Antoinette, murmura Louis XVI, ne se laisserait pas prendre à cette fausse vénération de monsieur Bailly, et répondrait tout autrement que je ne vais le faire au malencontreux astronome.

Ce qui fut cause que Louis XVI, pour avoir trop bien entendu le commencement du discours de monsieur Bailly, n’en écouta point du tout la fin ; non plus que de celui de monsieur Delavigne, président des électeurs, dont il n’écouta ni le commencement ni la fin. Cependant, les discours terminés, le roi craignant de ne pas paraître assez réjoui de ce qu’on avait voulu lui dire d’agréable, répliqua d’un ton très-noble, et sans faire allusion à rien de ce qui s’était dit, que les hommages de la ville de Paris et des électeurs lui agréaient infiniment. Après quoi il donna l’ordre du départ.

Seulement, avant de se remettre en route, il congédia ses gardes du corps, afin de répondre par une gracieuse confiance aux demi-politesses que venait de lui faire la municipalité par l’organe des électeurs et de monsieur Bailly.

Seule, alors, au milieu de la masse énorme des gardes nationaux el des curieux, la voiture s’avança plus rapidement. Gilbert et son compagnon Billot continuaient de se tenir à la portière de droite.

Au moment où la voiture traversait la place Louis XV, un coup de feu retentit de l’autre côté de la Seine, et une blanche fumée monta comme un voile d’encens dans le ciel bleu, où elle s’évanouit aussitôt. Comme si le bruit de ce coup de feu avait un écho en lui, Gilbert s’était senti frappé d’une violente secousse. Une seconde la respiration lui manqua, et il porta la main à sa poitrine, où il venait de ressentir une vive douleur.

En même temps un cri de détresse retentit autour de la voiture royale ; une femme était tombée percée d’une balle reçue au-dessous de l’épaule droite.

Un des boutons de l’habit de Gilbert, bouton d’acier noir, large et taillé à facettes, selon la mode du temps, venait d’être frappé de biais par cette même balle.

Il avait fait cuirasse et l’avait renvoyée ; de là la douleur et la secousse éprouvées par Gilbert.

Une partie de son gilet noir et de son jabot avaient été enlevés.

Cette balle, renvoyée par le bouton de Gilbert, venait de tuer la malheureuse femme que l’on s’empressa d’emporter mourante et ensanglantée.

Le roi avait entendu le coup, mais il n’avait rien vu. Il se pencha en souriant vers Gilbert.

— On brûle là-bas de la poudre en mon honneur, dit-il. — Oui, sire, répond Gilbert.

Seulement il se garda bien de dire à Sa Majesté ce qu’il pensait de l’ovation qu’on lui faisait.

Mais en lui-même et tout bas il s’avoua que la reine avait quelque raison de craindre, puisque sans lui, qui fermait hermétiquement la portière, cette balle, qui avait ricoché sur son bouton d’acier, arrivait droit au roi.

Maintenant, de quelle main partait ce coup si bien dirigé ? On ne voulut pas le savoir alors… de sorte qu’on ne le saura jamais.

Billot, pâle de ce qu’il venait de voir, les yeux attirés sans cesse par cette déchirure de l’habit, du gilet et du jabot de Gilbert, Billot força Pitou à redoubler ses cris de : Vive le père des Français !

L’événement était si grand, au reste, que l’épisode fut vite oublié.

Enfin, Louis XVI arriva devant l’hôtel de ville, après avoir été salué îu pont Neuf par une salve de canons, qui, au moins, eux, n’étaient point chargés à balles.

Sur la façade de l’hôtel de ville s’étalait une inscription en grosses lettres, noires le jour, mais qui, la nuit venue, devaient s’éclairer et briller en transparent. Cette inscription était due aux ingénieuses élucubrations de la municipalité.

Voici ce qu’on lisait sur cette inscription : « À Louis XVI, père des Français et roi d’un peuple libre. » Autre antithèse, bien autrement importante que celle du discours de Bailly, et qui faisait pousser des cris d’admiration à tous les Parisiens assemblés sur la place.

Cette inscription attira l’œil de Billot.

Mais comme Billot ne savait pas lire, il se fit lire l’inscription par Pitou.

Billot, se la fit redire une seconde fois, comme s’il n’avait pas entendu la première.

Puis, quand Pitou eut répété la phrase sans y changer un seul mot :

— Il y a cela ? s’écria-t-il ; il y a cela ? — Sans doute, dit Pitou. — La municipalité a fait écrire que le roi était roi d’un peuple libre ? — Oui, père Billot. — Alors, s’écria Billot, si la nation est libre, elle a le droit d’offrir au roi sa cocarde.

Et d’un bond s’élançant an-devant de Louis XVI, qui descendait de son carrosse en face des degrés de l’hôtel de ville :

— Sire, dit-il, vous avez vu que sur le pont Neuf le Henri IV de bronze a la cocarde nationale ? — Eh bien ? fit le roi. — Eh bien ! sire, si Henri IV porte la cocarde tricolore, vous pouvez bien la porter, vous ?

— Certes, dit Louis XVI embarrassé, et si j’en avais une… — Eh bien ! dit Billot en haussant la voix et en élevant la main, au nom du peuple, je vous offre celle-ci en place de la vôtre, acceptez-la. Bailly intervint.

Le roi était pâle. Il commençait à sentir la progression. Il regarda Bailly, comme pour l’interroger.

— Sire, dit celui-ci, c’est le signe distinctif de tout Français. — En ce cas, je l’accepte, dit le roi prenant la cocarde des mains de Billot.

Et mettant de côté la cocarde blanche, il fixa la cocarde tricolore à son chapeau.

Un immense hourra de triomphe retentit sur la place. Gilbert se détourna profondément blessé. Il trouvait que le peuple empiétait trop vite, et que le roi ne résistait point assez.

— Vive le roi ! cria Billot, qui donna ainsi le signal d’une setnode ialve d’applaudissements. — Le roi est mort, murmura Gilbert, Il n’y a plus de roi en France.

Une voûte d’acier avait été formée par un millier d’épées étendues, depuis l’endroit où le roi descendait de sa voiture jusqu’à la salle où il était attendu.

Il passa sous cette voûte et disparut dans les profondeurs de l’hôtel de ville.

— Ce n’est point un arc de triomphe, dit Gilbert ; ce sont les Fourches-Caudines.

Puis, avec un soupir.

— Ah ! Que dira la reine !