Anecdotes pour servir à l’histoire secrète des Ebugors. Statuts des sodomites au XVIIe siècle./III/23

Texte établi par Jean HervezBibliothèque des curieux (éditions Briffaut) (p. 117-119).

Bandeau de début de chapitre
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CHAPITRE XXIII

ARTIFICE DES EBUGORS POUR S’EMPARER
PROMPTEMENT DE LA VILLE ASSIÉGÉE


Separateur-7-Vaguelettes orienté haut
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Tous les efforts des assiégeants n’avaient encore pu réussir et le siège n’était guère plus avancé que les premiers jours. Les alliés comprirent à la fin que ce n’était point par la force qu’ils pouvaient réussir dans leur projet ; ils employèrent un autre moyen dont ils se promirent les plus heureux succès.

Dolus, an Virtus, quid in hoste requirat ?

Ils empoisonnèrent les sources qui fournissaient de l’eau aux Cythéréennes. Alors la contagion se répandit dans la ville. La Lorève, ce fléau plus terrible que la famine et la guerre, fit bientôt des ravages affreux. En peu de temps la meilleure partie de la garnison fut hors de combat. Les hôpitaux étaient remplis de malades. On ne reconnaissait plus ces braves guerrières, tant elles étaient changées. Leurs visages, auparavant frais et vermeils, étaient devenus pâles et livides. Leurs corps maigres et décharnés n’offraient à la vue qu’un squelette hideux. Dans les horribles convulsions qui les agitaient, l’écume leur sortait par la bouche. Des insomnies cruelles les empêchaient de trouver le moindre relâche à leurs souffrances. Les mets les plus flatteurs leur étaient interdits ; à la place de ces liqueurs qui portent la joie jusqu’au fond de l’âme, on ne leur présentait qu’une boisson fade et insipide ; dans ce triste état elles n’avaient d’autre consolation que de maudire à chaque instant les cruels auteurs de leurs maux. Il s’en trouva cependant qui, quoique atteintes du poison mortel, osèrent encore attaquer l’ennemi et le firent repentir plus d’une fois d’avoir combattu contre elles.

Cependant le mal pressait de plus en plus ; les Cythéréennes furent consulter le grand prêtre pour savoir comment elles pourraient trouver quelques remèdes à leurs cuisantes douleurs ; il leur répondit, d’un ton grave, qu’il fallait avoir recours au Dieu Recumer, et qu’il fallait mériter la protection de cette Divinité bienfaisante par les veilles, les abstinences et surtout par de riches offrandes qu’on devait apporter au ministre, qui servirait de médiateur.

Mais les assiégeants, qui étaient parfaitement instruits de tout ce qui se passait dans la ville, profitèrent de cette circonstance pour livrer un assaut général. On disposa toutes choses pour cette expédition. Nous verrons dans le chapitre suivant par quel heureux hasard les Cythéréennes échappèrent au malheur qui les menaçait.


Vignette de fin de chapitre
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