Anecdotes pour servir à l’histoire secrète des Ebugors. Statuts des sodomites au XVIIe siècle./III/08

Texte établi par Jean HervezBibliothèque des curieux (éditions Briffaut) (p. 60-63).

Bandeau de début de chapitre
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CHAPITRE VIII

MŒURS DES EBUGORS, CARACTÈRE
DE BLUCISER


Separateur-7-Vaguelettes orienté bas
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Les Ebugors ou Modosistes sont un peuple fort ancien ; ils formaient autrefois un corps de nation. Modose était la capitale de leurs États. Un Egan (c’est le nom que l’on donne à certains ambassadeurs) passant un jour par cette ville fut gracieusement accueilli par les principaux habitants. Quoiqu’on ne sût pas le caractère dont ce jeune seigneur était revêtu, comme il était d’une figure aimable, chacun vint lui offrir sa maison. Il accepta celle d’un bourgeois nommé Tol : les autres, jaloux de cette préférence, vinrent insulter le voyageur chez son hôte. L’Egan sort brusquement et part pour aller porter ses plaintes au Roi son maître ; celui-ci, pour venger son ambassadeur, fit tirer à boulets rouges sur la ville de Modose et la réduisit en cendres. Depuis ce temps, les Ebugors sont dispersés dans tous les lieux du monde. Les descendants de ce peuple malheureux, après avoir erré longtemps, arrivèrent à Séthane, où ils se soutinrent avec honneur pendant un espace de temps assez considérable. Ils firent dans ce pays plusieurs prosélytes, parmi lesquels on compte le fameux Ascrote. De nouveaux malheurs les obligèrent de passer en Elitia : en leur accorda dans ce pays de si grands privilèges, qu’ils oublièrent leurs anciennes disgrâces. On les vit même parvenir aux plus éminentes dignités.

Le nombre des Modosistes augmentant tous les jours, ils résolurent d’envoyer des Colonies dans quelques-uns des États voisins ; ils tâchèrent de s’établir dans le royaume des Valges : Thirosirem les reçut favorablement, mais après la mort de ce roi, ils ne furent pas fort considérés. Pour se procurer Un établissement favorable parmi les Valgois, ils travaillèrent à mettre dans leurs intérêts la plus haute Noblesse, et ils y réussirent.

Il faut, à présent, faire connaître les mœurs d’un peuple qui fait aujourd’hui tant de bruit dans le monde. Les Ebugors sont naturellement spirituels, ennemis des préjugés et d’un caractère fort liant ; leur commerce est dangereux. En votre présence, ils vous font mille protestations d’amitié, tandis que par derrière ils vous rendent de fort mauvais services. Ce sont des soldats hardis, la crainte du feu ne les a jamais arrêtés ; faut-il pénétrer dans une place, ils n’examinent pas si la brèche est praticable ; ils déchirent, ils mettent en pièces tout ce qui s’oppose à leur fureur ; les cris des blessés ne sont pas capables de les émouvoir. Mais après l’action ils deviennent beaucoup plus traitables. Quoi qu’on en dise, leur service n’est pas gracieux, et je suis persuadé qu’on entre plutôt dans ce corps par vanité que par goût.

Ils avaient à leur tête Kulisber. Ce général avait fait ses premières campagnes parmi les Caginiens. Après avoir passé successivement par tous les emplois subalternes, il parvint au premier grade militaire ; son mérite seul l’éleva à cette sublime dignité. C’était un homme zélé pour sa Nation et prêt à sacrifier tout pour elle ; actif, entreprenant, plein de feu, il n’aimait pas à combattre en rase campagne ; il se tirait beaucoup mieux d’affaire dans le défilé le plus étroit. Sa valeur, se trouvant alors resserrée, se raidissait contre les obstacles et franchissait avec impétuosité les plus fortes barrières.


Vignette de fin de chapitre
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