Anecdotes pour servir à l’histoire secrète des Ebugors. Statuts des sodomites au XVIIe siècle./III/04
CHAPITRE IV
SITUATION DE CYTHÈRE
On a souvent fait des descriptions de l’île de Cythère, mais les auteurs ne se sont pas toujours piqués d’exactitude : les plus aveuglés par la prévention, les autres se laissant emporter par le ressentiment. Les poètes, selon leur coutume, ont pris plaisir à embellir ces lieux aux dépens de la vérité. Le devoir d’un historien fidèle est de dire les choses telles qu’elles sont. Ceux qui connaissent la carte de ce pays verront si j’ai cherché à en imposer au public.
Cythère est placée sous la zone torride ; les chaleurs, par conséquent, doivent y être excessives. Aussi, le sang bouillonne dans les veines de quiconque met le pied pour la première fois dans ce brûlant climat. Ce n’est qu’après un long séjour que cette fermentation diminue insensiblement. Le ciel n’y est pas toujours pur et serein ; on y est exposé à de malignes influences ; pour s’en garantir, il faut avoir la précaution de porter certain habillement d’une peau très fine, appelé Docnon, avec lequel on n’a point à craindre le mauvais air. Au milieu de l’île, on voit la capitale, qui est au fond d’un vallon délicieux ; elle est de figure ovale. Plusieurs rangs d’arbres, plantés sur les remparts, forment les plus agréables points de vue qu’on puisse imaginer. À quelque distance s’élèvent deux grosses tours qu’il est nécessaire de prendre avant d’attaquer le corps de la place. Les faubourgs ont beaucoup d’étendue et les voyageurs s’y arrêtent quelquefois pour en considérer les beautés ; mais on n’y voit demeurer habituellement que des Alabandises : c’est le nom que l’on donne à une troupe de gens lâches et mous, qui n’ont pas la permission d’entrer dans la ville.