Amours et HainesMichel Lévy frères, éditeurs (p. 187-190).
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NIAISE.

à mademoiselle x.


Niaise ! vous trompez-vous pas ?
Niaise ! en êtes-vous bien sûre ?
Si le mot fut dit, je m’assure
Qu’il vint d’une femme en tout cas.

Quoi qu’il en soit, que vous importe
Un propos qu’un murmure apporte ?…

C’est là propos de mécontents !
Ne faut-il pas que l’on se venge
De vous voir belle comme un ange,
Et de vos yeux couleur du temps ?

Puis, après tout, va pour niaise !
Ont-elles de l’esprit, tant mieux !
Qu’elles bavardent à leur aise.
Vous, parlez-nous avec vos yeux.
En amour, ce profond mystère,
Le difficile est de se taire.
Qu’a vraiment à faire, entre nous,
Votre altesse blonde et vermeille,
Si d’autres femmes ont l’oreille,
Puisque tout le reste est à vous !

Va, Louison, laisse-les dire,
Et refais à nos yeux ardents,
Dans la pourpre de ton sourire,
Éclater l’émail de tes dents !

Ah ! que sont les paroles vaines
Auprès des chants de volupté
Que les cent voix de ta beauté
Font vibrer jusque dans nos veines ?

Loi mystérieuse et profonde,
Désir ! c’est toi qui réunis
L’homme à l’homme, le monde au monde,
Dans des transports indéfinis !
C’est toi dont la puissance allume
L’amour radieux du soleil,
Quand, levant la gaze de brume
Qui voilait pendant son sommeil
Terra, sa maîtresse éternelle,
Il promène, tout enflammé,
Sur les charmes de l’astre aimé
Son incandescente prunelle…

Aussi, vois-tu, sur ton passage,
Si ce mot s’éveillait encor,

Ne dis rien, enfant, — c’est plus sage ; —
Mais, dénouant tes cheveux d’or,
Calme et superbe d’insolence,
Ouvre ta tunique en silence,
Lève ton bras, rond, ferme et blanc,
Souris à leur parole amère,
Et, comme la Phryné, ta mère
Montre ton sein étincelant !