Amours et Haines (1869)/Ivresse

Amours et HainesMichel Lévy frères, éditeurs (p. 31-34).
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IVRESSE.

à M. Louis Leroy.


C’est quand avril, le mois rêvé,
C’est quand avril est arrivé
C’est qQu’il fait bon vivre !
Les cœurs sont émus et tremblants,
il neige des papillons blancs,
C’est qLe monde est ivre !

Le grillon crie un cri d’acier.
Il faut, si l’on n’est pas huissier,

C’est qQue l’on se pâme…
Bonjour, monsieur, embrassez-moi !
Je me sens là je ne sais quoi,
C’est qEt vous, madame ?

Que l’air est doux et le ciel bleu !
Décidément je crois en Dieu
C’est qPour le quart d’heure.
Mais j’aime mieux ma mie, ô gué…
Savez-vous, quand on est très-gai,
C’est qPourquoi l’on pleure ?

Baisers ! chansons ! parfums ! couleurs !
Amours d’oiseaux ! amours de fleurs !
C’est qFlamme infinie !
C’est en avril, un beau matin,
Que Fourrier trouva, c’est certain,
C’est qSon harmonie !

Debout, voisin, mon cher ami,
Éveillez-vous, bel endormi,

C’est qEt qu’on se presse !
Allons sous le ciel, n’importe où,
Allons courir le guilledou
C’est qChez ma maîtresse.

Corsage plein et lourd chignon,
Rire sonore et bourguignon,
C’est qHaleine pure,
La joue en fleur, la lèvre en feux,
Elle est à toi si tu la veux…
C’est qC’est la nature !

Oui, mais prends garde seulement.
Car ma belle aime rudement,
C’est qElle est farouche,
Et j’en sais plus d’un en péril
Rien que pour avoir, cet avril,
C’est qBaisé sa bouche.

Bah ! l’amour est fait pour les forts,
Nous vivons, si d’autres sont morts,

C’est qÀ nous la fête !
Et tant pis pour les mal portants
À qui le vin pur du printemps
C’est qCasse la tête !