Amours, galanteries, intrigues, ruses et crimes des capucins et des religieuses/06

Tome 1. Chapitre VI.



CHAPITRE VI.

Capucinière de la rue St-Honoré.


De toutes les capucinières de France, celle de la rue St-Honoré, à Paris, était la plus considérable, la plus vaste. On y comptait cent et vingt religieux de cet ordre, qui se montrèrent, sinon les plus subtils, du moins les plus zélés défenseurs de la cour de Rome.

Leur église était soigneusement ornée. On y voyait un beau tableau de La Hire, un autre de Robert, et un Christ mourant, peint par Lesueur. Le frère Léonor, dont nous avons parlé, était de cette capucinière.

Deux capucins célèbres dans les affaires politiques habitèrent cette maison, et furent enterrés dans son église : Henri, duc de Joyeuse, dit le père Ange, et Joseph Leclerc, fameux sous le nom de père Joseph. Après avoir perdu son épouse, morte par un excès de dévotion, le duc de Joyeuse de désespoir se fit capucin. Dans la suite, deux de ses frères furent tués à la bataille de Coutras ; un troisième se noya dans le Tara. Ces événements déterminèrent le père Ange à quitter le froc pour prendre le casque. De capucin qu’il était, il redevint militaire, fit la guerre au roi Henri IV, et lorsque ce roi fut monté sur le trône, il lui vendit bassement sa soumission au prix d’un titre de maréchal de France. Il était souvent l’objet des plaisanteries de ce prince, d’humeur caustique. Un jour que le duc de Joyeuse, placé avec le roi sur le balcon du Louvre, attirait les regards de quelques gens du peuple, le prince lui dit : Mon cousin, vous ignorez sans doute le motif de la surprise de ces bonnes gens, c’est de voir ensemble un renégat et un apostat. Ces paroles firent un puissant effet sur l’esprit mobile de ce seigneur ; il se retira brusquement aux capucins et redevint père Ange. C’est de lui que Voltaire dit dans la Henriade :

Vicieux, vaniteux, courtisan, solitaire,
Il prit, quitta, reprit la cuirasse et la haire.

Auprès de la tombe de cet homme inconstant était celle du terrible frère Joseph, qui fut peut-être le plus intrigant, le plus audacieux des moines. Fécond en ressources, le père Joseph, sous un extérieur de pénitence qui éloignait le soupçon, fortifia par ses conseils le cardinal Richelieu dans sa marche audacieuse, le seconda par ses sourdes menées, par son espionnage, tendant dans tous ses projets à la destruction de tous ses ennemis et à l’affermissement de son pouvoir absolu. On a même écrit que le génie du capucin maîtrisait souvent la politique du cardinal.