Amours, galanteries, intrigues, ruses et crimes des capucins et des religieuses/04

Tome 1. Chapitre IV.



CHAPITRE IV.

Couvent des Béguines, depuis appelé
Ave Maria, à Paris.


Ce couvent des Béguines fut fondé vers l’an 1264, par saint Louis, qui acheta d’Étienne, abbé de Tiron, un emplacement pour y établir des Béguines. Dans la vie du Roi, par le confesseur de la reine Marguerite, on lit : De Rechief il fonda la maison des Béguines de Paris, de lez la porte de Barbéel. Il fonda plusieurs autres couvents de Béguines. Ces religieuses n’étaient pas cloîtrées ; elles pouvaient quitter leur maison pour se marier et ne faisaient point de vœux ; elles composaient une communauté de filles dévotes soumises à une règle que l’on ne connaît pas.

Thomas de Chantpré parle de leurs mœurs et de leur piété avec l’éloge que méritent presque toutes les institutions naissantes. D’autres auteurs qui ont écrit un peu plus tard, sur la fin du treizième siècle, feraient croire que la première ferveur de ces béguines était déjà éteinte. Rutebœuf nous les représente comme des femmes inconstantes, qui renoncent facilement à leur communauté pour prendre un époux. Il suffit, dit-il, de porter le visage baissé et de très-larges robes pour être béguine. Il parle en divers endroits peu avantageusement de leurs mœurs. Je rapporterai de ce poète le couplet suivant :

Béguines a ou mont (au monde)
Qui larges robes ont,
Desous lor robes font
Ce que pas ne vous dis ;
Papelard et béguine
Ont le siècle honi.

Sous Louis XI ces béguines n’étaient pas en meilleure réputation. Le poëte Villon leur fait dans son testament, ainsi qu’aux moines mendiants, un legs que voici :

Item aux frères mendiants,
Aux dévotes et aux béguines,
Tant de Paris que d’Orléans,
Tant turlupins que turlupines,
De grasses soupines jacobines
Et flans leur fait obations,
Et puis après soubz les courtines
Parler de contemplation.

Ces béguines qui, dès l’origine, étaient, dit-on, au nombre de quatre cents, se trouvèrent en 1471 réduites à trois. On ne connaît point la cause de cette étrange dépopulation. Louis XI y établit un autre ordre de religieuses, appelé de la tierce ordre, pénitence et observance de monsieur saint François, et voulut que cette nouvelle communauté fût nommée Ave Maria.