Almanach des muses 1778/Le Pinçon

(p. 35-36).


LE PINÇON,

ROMANCE.


Dans le cryſtal d’une eau claire,
un jour Pinçon ſe mira ;
que d’artraits ! comme il va plaire !
quelle beauté ſera ficre,
quand Pinçon ſe montrera ?

Pour qui ſera ſon hommage ?
Pour qui, dit-il ?… quelle erreur !
croit-on que Pinçon s’engage ?
c’eſt aux Belles du Boccage
à ſe diſputer ſon cœur.

Il prend l’eſſor… il s’élance,
va de buiſſon en buiſſon
étaler ſon élégance :
mais voyez l’impertinence !
Linotte ſiffle Pinçon.

Envain il crie à Fauvette :
regarde, remarque bien
ce plumage, cette tête !
ah ! ſa ſurpriſe eſt complette ;
Fauvette n’admira rien.


Auſſi quelle fantaiſie !
Fauvette avoit-elle des yeux !
Les moineaux ſont ſa folie.
Les moineaux ! ah ! je parie.
Philomèle en juge mieux.

Le voilà donc auprès d’elle.
Vite, au phénix des oiſeaux,
fends hommage, Philomèle…
Gloire, chanta cette Belle,
honneur au phénix des ſots !

Quelqu’un me dira peut-être :
fans doute il fe corrigea.
— Non, non, c’eſt mal le connoître,
Pinçon étoit petit-maître :
Pinçon jamais ne changea.


Par Madame de Bourdic, ci-devant Madame la Marquiſe d’Antremont.