Almanach des honnêtes femmes pour l'année 1790 (éd. 1863)/00

de l’impr. de la Société joyeuse (p. 5-7).

ALMANACH
DES
HONNÊTES FEMMES


Préambule.

Le public reçoit pour ses étrennes une foule d’almanachs : Les uns sont en prose, les autres en vers ; ceux-ci parlent du commerce, ceux-là du militaire ; plusieurs traitent des arts et des spectacles. Pas un ne s’occupe du beau sexe, il mérite cependant nos premières pensées.

Pour le dédommager d’un oubli impardonnable, je veux lui consacrer un ouvrage qu’il remplira tout entier.

Le calendrier nous offrait des personnages fort estimables, mais que nous ne connaissons point. Je ne balance pas à les chasser pour mettre à leur place les héroïnes de notre siècle. Une femme jeune et blanche, rit bien plus à mon imagination qu’un Crépin, un Nicolas, un Bruno aux cheveux gras et à la barbe sale.

Les saints une fois relégués en paradis auprès des onze mille vierges, chaque jour du mois prendra le nom d’une beauté moins sévère. La noblesse occupera les premiers rangs, le tiers-état aura les vendredi et les samedi, et les dimanches offriront les courtisanes. Malgré les décrets de l’assemblée nationale qui détruit les distinctions, je fais les honneurs du nouveau calendrier aux duchesses et aux marquises qui ont toujours donné le signal du plaisir ; et j’ai laissé les jours maigres aux bourgeoises accoutumées à vivre dans l’abstinence.

Par respect pour les goûts, chaque mois portera un titre analogue au genre de volupté de ses héroïnes.

Les dames françaises ont porté la lubricité aussi loin que les grecques et les romaines ; mais notre langage n’a pas fait les mêmes progrès que notre libertinage ; nous puiserons donc dans le dictionnaire de voluptés des anciens, des expressions simples et énergiques.

Enfin, j’ai substitué à des fêtes sinistres et lugubres des fêtes aimables et dignes des nouvelles patronnes. Puissent tous les Français multiplier leurs actes d’adoration : la perfection sera de pouvoir chômer tous les matins la sainte du jour.

Éclipses.

Le 27 janvier, Mme de Monac entrera en conjonction avec l’abbé l’Enfant son confesseur, à 11 heures 37 minutes du soir. L’éclipse sera centrale à minuit, et ne sera visible que dans la paroisse de S. Sulpice.

Le 7 mars, pareille conjonction entre Mme la duchesse de Valentinois et son médecin, l’éclipse sera visible à l’abbaye de Panthemont.

Le 15 septembre, la grâce congrue de Mme Gilbert de Voisins, sera éclipsée par la grâce efficace de son directeur.

Planètes.

Mademoiselle Miller.
La comtesse de Roquelaure.
Madame Guérin.
La comtesse de Belzuns.
Mademoiselle Joly.
La comtesse de Gand.
Mademoiselle Saulnier.

Dans notre nouvelle astronomie, nous entendons par planètes les femmes qui n’offrent aucunes parties saillantes. M. Bailli ne connaît que sept planètes, Herschel en connaît huit : j’en offrirais des milliers.