Almanach de Québec (1780)/Explication du système solaire et des corps célestes

Guillaume Brown (1p. 17-25).

EXPLICATION

Du Systeme Solaire, et des Corps Celestes qui le compoſent, avec leurs noms, diſtances et magnitudes.

Du SOLEIL.


LE Soleil eſt un globe de feu immenſe, placé près du centre de tous les orbes des Planetes et Cometes. Il tourne autour de ſon Axe en 25 jours 6 heures. Son diamêtre eſt de 763,000 miles. Un Spectateur placé dans le Soleil verrait toutes les Planetes ſe mouvoir régulierement autour de lui ſur le meme ſens ; mais en les obſervant de deſſus la Terre ou de quelqu’autre Planete, il lui ſemblerait que les autres tantôt avancent, tantôt reculent et quelquefois demeurent immobiles. Il eſt à propos de remarquer ici, que ni le Soleil ni aucune des Planetes n’ont point d’Axe matériel qui les ſoutienne : l’Axe des Planetes n’eſt qu’une ligne imaginaire que l’on conçoit paſſer au travers leurs centres, et ſur laquelle elles tournent comme ſur un axe réel. Une boule jettée en l’air en pirouetant tourne ſur elle-même en s’avançant ; et par conſéquent eſt dite tourner ſur ſon Axe ; telles ſont les lignes que nous deſignons en parlant des Corps Céleſtes.

Par les Orbes des Planetes nous entendons leurs cours dans l’eſpace vuide dans lequel elles cheminent, et ſont retenues par l’influence attractive du Soleil, et la force projectile que le Créateur a mis en elles.

De MERCURE.

Mercure, la plus proche du Soleil, décrit ſon cercle autour de lui à peu-près dans l’eſpace de 87 jours 23 heures, ce qui eſt la longueur de ſon année. Sa diſtance du Soleil eſt d’environ 32 milions de miles, et ſon diamètre de 2,600. Dans ſon cours autour du Soleil il meut à raiſon de 95,000 miles par heure. Il reçoit du Soleil preſque ſept fois autant de clarté et de chaleur que la Terre : Cette prodigieuſe chaleur n’eſt cependant pas une preuve que cette Planete ne puiſſe être habitée, parce que le Créateur a pû auſſi bien ajuſter les Corps et la conſtitution de ſes habitans à la chaleur exceſſive du lieu qu’ils habitent, que les notres à la température de la Terre.

De VENUS.

Cette Planete, qui eſt la ſeconde en ordre, eſt éloignée de 59 milions de miles du Soleil, et en tournant à raiſon de 69,000 miles par heure dans ſon orbe, acheve ſa révolution autour du Soleil à peu-près en 224 jours 17 heures, ce qui eſt ſon année, laquelle n’a que 9 jours un quart de ſon tems, parce que ſon jour et ſa nuit, ſont auſſi longs que 24 jours et nuits et un tiers de notre tems. Ce quart de jour chaque année, fait dans Venus une année biſſexe de quatre en quatre ans comme ſur la Terre. Son diamètre eſt de 7,906 miles. Lorſqu’elle parait à l’Oueſt du Soleil elle ſe lève avant lui, et alors on l’appelle l’Etoile du matin ; mais quand elle parait à l’Eſt du Soleil elle ſe couche après lui, et pour lors on la nomme l’Etoile du ſoir.

De la TERRE.

La Terre ſuit immédiatement Venus dans l’ordre du Syſtême. Sa diſtance du Soleil eſt de 81 milions de miles : elle fait ſa révolution autour de lui en 365 jours 5 heures 49 minutes. Elle fait 58,000 miles par heure ; ce mouvement ſurpaſſe 129 fois la viteſſe de celui d’un boulet de canon. Le diamètre de la Terre eſt de 7,970 miles, et en tournant ſur ſon axe en 24 heures de l’Occident à l’Orient, cauſe l’apparence d’un mouvement diurne des Corps Céleſtes de l’Eſt à l’Oueſt.

La Terre eſt ronde comme un globe, ainſi qu’il parait par pluſieurs particularités : 1o  Par ſon ombre dans les Eclipſes de Lune, l’ombre étant toujours limitée par une ligne orbiculaire ; 2o  en ce que nous voyons le mat d’un navire à une grande diſtance en mer tandis que le corps du vaiſſeau nous eſt caché par la convexité de l’eau, et 3o  en ce que pluſieurs navigateurs en ont fait le tour. Les mers et les parties inconnues de la Terre, en les meſurant ſur les meilleurs globes, contiennent 160,522,026 miles quarrés ; ſes parties habitées 38,990,569 ; l’Europe 4,456,065 ; Aſie 10,768,823 ; l’Afrique 9,654,807 ; l’Amerique 14,110,874 ; en tout 199,512,595 miles quarrés que comprend toute la ſurtace du Globe de la Terre.

De la LUNE.

La Lune n’eſt pas une Planete, mais un Satellite de la Terre. Le tems qu’elle emploie à tourner autour de la Terre d’un renouvellement à l’autre eſt de 29 jours 12 heures et 44 minutes ; elle tourne, ainſi que la Terre, chaque année autour du Soleil. Le diamêtre de la Lune eſt de 2,180 miles ; ſa diſtance de la Terre 240,000. Elle chemine autour de ſon orbe en 27 jours, 7 heures, 43 minutes, faiſant environ 2,290 miles par heure : elle emploie préciſement le même eſpace de tems à tourner autour de ſon axe qu’autour de la Terre ; c’eſt la raiſon qu’elle ſe tient toujours du même côté vers nous, et que ſon jour et ſa nuit joints enſemble font notre mois Lunaire.

La Lune eſt un globe opaque comme la Terre, et ne luit qu’en refléchiſſant les rayons du Soleil ; conſéquemment tandis que la moitié qui eſt tournée du côte du Soleil eſt illuminée, l’autre moitié demeure obſcure et inviſible. La Lune n’a quaſi aucune différence de ſaiſon, ſon axe étant preſque perpendiculaire à l’Ecliptique. Mais ce qui eſt très ſingulier eſt, qu’une moitié n’a point du tout d’opacité, la terre lui fourniſſant conſtamment une grande clarté en l’abſence du Soleil, tandis que l’autre moitié a quinze jours d’opacité et 15 jours de clarté alternativement. La terre eſt pour elle un Lune croiſſant et déclinant régulièrement, mais qui lui parait treize fois auſſi groſſe que ne nous parait la Lune, et lui fournit auſſi treize fois autant de lumière qu’elle nous en fournit.

Lorſque nous voyons renouveller la Lune, la Terre lui parait dans ſon plein ; quand elle eſt dans ſon premier quartier, la Terre lui parait être dans ſon troiſieme quartier, &c.

De MARS.

Mars ſuit la Lune dans l’ordre des Planetes, etant la premiere au deſſus de l’orbe de la Terre. Sa diſtance du Soleil eſt de 123 milions de miles, et en cheminant à raiſon de 47,000 miles par heure il acheve ſa révolution autour de lui en 678 jours 17 heures, ce qui fait ſon année, contenant 667 jours 18 heures, chaque jour de 40 minutes plus long que le notre. Son diamètre eſt de 4444 miles ; elle ne reçoit du Soleil que la moitié de clarté et chaleur que la Terre ; et le Soleil ne lui parait que la moitié auſſi gros qu’à nous.

Cette Planete dont la grandeur n’eſt que la cinquième partie de celle de la Terre, eſt de couleur de feu ; et par ſes appulſions à quelques-unes des Etoiles fixes, elle ſemble environnée d’un Atmoſphere très épais. Elle parait quelquefois gibeuſe ou contournée, mais jamais cornée ; ce qui démontre que ſon orbe comprend celui de la Terre, et qu’elle ne luit point par ſa propre lumière.

La Terre et la Lune paraiſſent à Mars comme deux Lunes, une plus grande que l’autre, changeant de place l’une à l’autre réciproquement, et paraiſſant par fois cornées, quelquefois à moitié ou aux trois quarts illuminées, mais jamais pleines, ni même éloignées l’une de l’autre de plus d’un quart de dégré, quoiqu’il y ait effectivement 240,000 miles de diſtance entre elles.

De JUPITER.

Cette Planete, qui eſt la plus groſſe de toute, eſt encore plus haute dans le Syſtême, etant éloignée d’environ 224 milions de miles du Soleil. Elle chemine à raiſon de 25,000 miles par heure dans ſon orbe et acheve ſa révolution annuelle en onze de nos ans, 314 jours et 18 heures. Elle eſt plus de mille fois plus grande que la Terre ; ſon diamêtre, qui eſt de 8000 miles, excede de dix lois celui de la Terre. Jupiter tourne ſur ſon axe en 9 heures 56 minutes, de ſorte que ſon année contient 10,464 jours ; et la rapidité diurne de ſes parties équatoriales ſurpaſſe la viteſſe avec laquelle il meut dans ſon orbe annuel.

Le Soleil ne parait à Jupiter que la vingt-huitieme partie auſſi grand qu’à nous ; la chaleur et la lumière qu’il en reçoit ſont en proportion, mais compenſées par leurs retours fréquens, et par quatre Lunes, les unes plus grandes, les autres plus petites que la Terre, leſquelles tournent autour de lui : ainſi il n’y a preſque aucune partie de cette énorme Planete qui ne ſoit durant toute la nuit éclairée par une ou pluſieurs de ces Lunes, à l’exception de ſes poles, d’où ſeulement les Lunes les plus éloignées peuvent être vues, et où leur clarté n’eſt pas néceſſaire, parce que le Soleil circule conſtamment près de l’Horiſon, et demeure toujours viſible aux deux poles par la réfraction de l’Atmoſphere de Jupiter, lequel, ſupoſé qu’il foit ſemblable au notre, a certainement aſſez de force réfractive pour cet effet.

De SATURNE.

Saturne, la plus éloignée de toutes les Planetes, eſt diſtante du Soleil d’environ 777 milions de miles ; et cheminant à raiſon de 18,000 miles par heure, acheve ſon cours annuel en 29 ans, 167 jours et 5 heures de notre tems, ce qui ne fait qu’une année à cette Planete. Son diamêtre eſt de 67,000 miles, et conſéquemment elle eſt preſque 600 fois auſſi grande que la Terre.

Cette Planete eſt entourrée d’un anneau mince et large tel qu’un Globe artificiel l’eſt par ſon Horiſon. Cet anneau parait double quand on l’obſerve avec un bon téleſcope : il incline de 30 degrés vers l’Ecliptique, et ſa largeur eſt d’environ 20,000 miles, ce qui eſt auſſi ſa diſtance de la Planete de tous côtés. On a lieu de croire que cet anneau tourne ſur ſon axe, parce que quand nous le voyons de côté, il parait quelquefois plus épais d’un bord de la Planete que de l’autre, et que la partie la plus épaiſſe à été vue à differens côtés en differens tems. Mais Saturne n’a aucune tache viſible qui puiſſe faire connaitre le tems qu’il emploie à tourner ſur ſon axe, ni la longueur de ſes jours et de ſes nuits. Le Soleil, vu de la Planete Saturne, ne parait que la quatrevingt-dixieme partie auſſi grand qu’à nous ; la chaleur et la clarté qu’il lui communique ſont dans la même proportion, c’eſt à dire la 90me. partie de ce que nous en recevons : mais pour compenſer le peu de clarté qu’elle reçoit du Soleil, elle a cinq Lunes, qui toutes tournent autour d’elle en dehors de ſon anneau, et à peu-près dans la même Plane, au moyen de quoi et de la clarté qu’elle reçoit de cet anneau, cette Planete eſt ſuffiſamment illuminée.

Des ÉTOILES FIXES.

Comme les Planetes ſont, ainſi que notre Terre, des Corps opaques et ſphériques, qui réfléchiſſent la Lumiere qu’elles empruntent du Soleil autour duquel elles tournent toutes avec une harmonie et un ordre admirables ; de même le Soleil et toutes les Etoiles fixes qui luiſent par leur propre Lumiere, et demeurent immobiles dans leurs places, doivent être regardées comme des Corps de la même nature. Ce qui fait que notre Soleil nous parait ſi grand et ſi illuminée en comparaiſon des Etoiles, dont la clarté beaucoup plus faible diſparait dès que les rayons du Soleil commencent à illuminer la Terre, c’eſt que la Terre etant à une diſtance immenſe de toutes les autres Etoiles, ſe tient voiſine du Soleil, autour duquel elle tourne conſtamment : car un ſpectateur qui ſerait placé auſſi près d’aucune d’elles que nous le ſommes du Soleil, la verrait auſſi grande et auſſi illuminée que le Soleil nous parait, et ſemblable à tout égard : ſi au contraire il ſe trouvait à une diſtance du Soleil égale à celle des Etoiles fixes à notre égard, ce grand corps ne lui paraîtrait pas plus grand qu’une étoile, et ſans doute il le mettrait au nombre des Etoiles : conſéquemment toutes les Etoiles fixes ſont des Soleils, et le Soleil ne diffère en rien d’une Etoile fixe.