Alleluia (Paul Berlier)

Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 37-38).


Alléluia


Ton printemps sur ma route égrène ses lilas ;
Oh ! la liqueur d’amour bue à pleine cuvelle,
Vivifiant alcool où, lorsqu’il se sent las,
L’esprit vient repuiser une vigueur nouvelle !

Oh ! le doux Paradis d’espérances pavé
Ouvert aux seuls élus que ton baiser consacre ;
Indicible bonheur entre tes seins trouvé,
Trônant dans les parfums, arc-en-ciellé de nacre !

Oh ! l’adieu frémissant commencé tant de fois,
Interrompu toujours — et, lèvres contre lèvres,
Cet : « À demain, bien sûr ? » mourant avec ta voix
Sur un ton de prière aux résonances mièvres !

Ton printemps sur ma route égrène ses lilas :
Mes veilles par le spleen ne sont plus attristées ;
L’heure où tes bras d’enfant bercèrent mon front las
S’est gravée en mon cœur parmi les plus fêtées…


Très doux sont les couchers de soleil sur la mer.
Tes tendresses, mignonne, ont des douceurs pareilles.
Et comme — après le soir tombe — le flot amer
Longtemps roule avec lui des images vermeilles ;

Ainsi, quand }’aurai lu ton roman radieux,
Quand la dernière ligne en sera bien finie,
Dans la nuit qui suivra nos suprêmes adieux
La page d’aujourd’hui luira — folle et bénie !