Les Symboles, nouvelle sérieL. Chailley (p. 29-74).


ALLAH


 

I


« Ô prophète roulé dans ton manteau, debout !
Le jour va poindre ; viens, prosterne-toi. C’est l’heure
Où la prière est plus recueillie et meilleure.
Je suis auprès de toi ; j’entends et je vois tout.

« Puis tu t’acquitteras de ton grave message.
Parle à ce peuple avec une puissante voix ;
Instruis-le comme hier ; dis les choses vingt fois ;
Révèle et glorifie en termes d’un grand poids
Le Fort, l’Immuable, le Sage.

« Souviens-toi de la nuit où l’ange Gabriel
T’apporta le Coran des profondeurs du ciel ;

Il le mit sur ton cœur, et ton cœur devint nôtre.
Que de fois nous t’avons délivré du souci !
Va donc et parle : jusqu’ici
Ton peuple, ô Mohammed, n’avait pas eu d’apôtre.

« Ne sois jamais intimidé
Par le bruit d’une foule aux paroles hardies.
Laisse dire aux méchants, lorsque tu psalmodies :
« Mohammed est un possédé. »

« Que ta sollicitude ombrage de ses ailes
Tes frères les croyants, et non les infidèles !
Chacun répond pour soi. Tu n’es pas leur gardien,
Puisqu’ils refusent de te suivre.
Ah ! quelle fureur les enivre !
Des blasphèmes contre mon livre,
Voilà leur pain quotidien.

« Mais je vois que le cœur de l’apôtre se serre.
Il voudrait que chacun eût une foi sincère ;
Et, pendant que l’impie étale un front serein,
Lui, se consume de chagrin.


« Eh bien, parle encore à ces hommes !
Ne hâte point leur châtiment.
Dis-leur, prophète, que nous sommes
Le Pacifique et le Clément.
Va, trouble leur insouciance !
Partage avec eux ta science,
Puisque le Seigneur t’a fait don
D’un livre en langue arabe claire.
S’ils t’écoutent, sois sans colère ;
Pardonne-leur d’un beau pardon.

« Qu’ils ne bouchent point leurs oreilles :
Ils laisseraient passer l’heure du repentir.
Ce n’est pas pour nous divertir
Que nous fîmes tant de merveilles !
Il faut qu’on s’agenouille et qu’on baisse les yeux,
Qu’on nous adore et qu’on nous craigne,
Car nous sommes Celui qui règne
Et qui peut se passer de la terre et des cieux !

« Évitez le sort de l’impie
Qui dans nos frais jardins ne pénétrera pas,

Et qui, loin d’avoir part aux célestes repas,
Sera gorgé d’une eau croupie…

« Je jure par le point du jour
Et par le coucher des étoiles
Que le juste verra mon visage sans voiles
Resplendir de joie et d’amour ! »



II

Ainsi parle mon Dieu. Peuple, sachez l’entendre,
Et livrez-vous à lui d’un cœur pieux et tendre.
N’invoquez plus Aldébaran !
La lune et le soleil, ô vaines créatures,
Ne vous sauveront pas des plus âpres tortures,
Si vous méprisez le Coran.

O pécheurs, détestez les choses que vous faites !
Moi, l’envoyé du Sage et le sceau des prophètes,
Je viens pour vous tirer d’erreur.
Les pages du Coran sont pures et sublimes.
S’il descendait un jour sur les plus hautes cimes,
Elles se fendraient de terreur.

Malheur à qui me raille, et béni soit qui m’aide !
Plusieurs ne veulent pas accepter un remède
Pour le mal qui ronge leurs cœurs ;

Ils couvrent ma parole en riant à voix haute…
Mais soit. Le châtiment, vous le verrez sans faute,
Enveloppera les moqueurs.

« Quitterons-nous nos dieux pour un fou de poète ?
Se disent-ils avec des hochements de tête.
On le voit coudre ses habits ;
Il va dans les marchés, sommeille, boit et mange ;
Et, s’il n’écoute pas ce que lui dit un ange,
Il trait lui-même ses brebis.

« Que la foudre du ciel consume son offrande,
S’il veut que notre foi dans ses rêves soit grande !
Que parle-t-il de nos péchés ?
Mohammed comme nous est un homme, et rien autre.
De quoi se mêle-t-il ? et d’où vient cet apôtre
Qui n’a point de trésors cachés ? »

O mon peuple ! il me fut interdit de me taire.
Si les anges foulaient paisiblement la terre,
Un ange t’aurait averti

Mais Dieu ne m’entend pas dire des choses vaines !
Il eût saisi ma droite et m’eût coupé les veines,
Si Mohammed avait menti.

Incrédules ! voyez, je parle sans colère.
Je travaille pour vous et ne veux nul salaire
Que de vous voir enfin sauvés.
Mais une pesanteur afflige vos oreilles ;
Un voile est sur vos yeux ; vos âmes sont pareilles
Aux idoles que vous servez.

Dieu pourrait me permettre, en sa vaste clémence,
De vous conduire aux cieux par une échelle immense ;
Mais vos cœurs resteraient scellés.
Vous seriez éblouis sans vous résoudre à croire ;
Et vous diriez en haut de l’échelle de gloire :
« Il nous a tous ensorcelés ! »



III

« C’est, dit le Seigneur, un livre
Comme ceux du temps ancien.
Que chaque peuple ait le sien !
Ils ont tous le droit de vivre.

« Mais malheur aux égarés
Qui, ne se plaisant qu’aux fêtes,
Osent narguer mes prophètes,
Porteurs de livres sacrés !

« Mohammed, sais-tu l’histoire
De Saleh mon serviteur ?
C’est l’ange exterminateur
Qui lui donna la victoire.

« Il disait : « Dieu seul est Dieu.
« Voulez-vous perdre vos âmes
« Pour des idoles infâmes ?
« Que vous réfléchissez peu !


« Ce feu dont vous et vos pierres
« Serez l’impur aliment,
« Maudits, éternellement
« Vous léchera les paupières.

« Dieu saura vous châtier,
« Misérables que vous êtes,
« Si, plus rétifs que des bêtes,
« Vous fuyez le droit sentier.

« Bien que vous soyez robustes,
« Il vous tient par les cheveux.
« Craignez le jour des aveux,
« Vous qui n’êtes point des justes ! »

« L’apôtre, toujours priant,
S’éloigna de cette race ;
Et ceux qui suivaient sa trace
L’insultèrent en criant :

« Les conseils que tu nous donnes
« Prouvent un esprit subtil ;
« Mais ton Dieu détruira-t-il
« Irem aux grandes colonnes ? »


« Un nuage ténébreux
Les surprit et les fit taire.
Certes, le ciel et la terre
Ne gémirent pas sur eux.

« Les actes illégitimes
De ce peuple l’ont perdu ;
Un seul cri fut entendu
Lorsque nous l’anéantîmes.

« Que l’on ose me nier !
C’est ainsi que je me venge.
Le Cri terrible de l’ange
Les tua jusqu’au dernier. »



IV

« Écoutez ! dit le Maître aux paroles bénies.
Ne m’associez plus je ne sais quels génies ;
Allah seul est Allah.
Pensez aux transgresseurs qu’en faute nous surprîmes !
Nous fûmes indulgent parfois pour d’autres crimes ;
Jamais pour celui-là.

« O mon peuple, disait Abraham avec force,
« Allez-vous arracher aux cèdres leur écorce
 « Pour en faire des dieux ?
« Moi, ce n’est pas la pierre ou le bois que j’adore ;
« Mais cette étoile, pure entre toutes, qui dore
« L’occident radieux. »

« Quand l’étoile du soir cessa d’être visible :
« Ah ! fit le sage avec un sourire paisible,
« Je m’étais égaré. »

La lune se leva, merveilleusement belle.
«  Salut ! dit Abraham ; car c’est toi que j’appelle
« Mon maître vénéré. »

«  Le juste vit bientôt la lune disparaître.
«  Peuple ! s’écria-t-il, je n’aime pas un maître
«  Qui m’abandonne ainsi. »
Et, comme le soleil surgissait dans sa gloire :
« Qu’il est grand ! dit l’apôtre, et comment ne pas croire,
« Seigneur ; que vous voici ? »

« Mais, lorsque le soleil n’éclaira plus la terre,
Abraham dit aux siens : « Je vois que tout s’altère,
« Mon peuple, et dure peu.
« Je n’invoquerai plus les astres au passage.
« On me verra tourner désormais mon visage
«  Vers l’immuable Dieu. »

« Tout le peuple cria : « Tiens ! blasphème à ton aise. »
Et l’on jeta dans une aveuglante fournaise
Le prophète ébloui.
Mais, derrière un épais nuage, nous parlâmes ;
Nous bénîmes le juste et nous dîmes aux flammes :
« Soyez fraîches pour lui ! »



V

C’est ainsi qu’on vous parle en claires paraboles,
Pour que vous détestiez vos impures idoles.

Louez le seul Seigneur miséricordieux.
Quel horrible conflit, s’il était plusieurs dieux !

Vous qui niez mon Maître, apportez donc vos preuves !
Moi, mes puissants discours roulent comme des fleuves.

Vous dites : « C’est un dieu comme les autres. » Non !
Celui qui vous créa n’a point de compagnon.

Ses ennemis ne font que se détruire eux-mêmes.
Par sa gloire ! il est trop au-dessus des blasphèmes.

Il faudra supporter le feu de son regard ;
Je vous en avertis clairement de sa part.

Vous prodiguez l’insulte et vos langues sont promptes ;
Mais Dieu sera plus prompt encore dans ses comptes.


Il maintiendra son droit sur l’univers entier.
Il est le légitime et le seul héritier.

Vers Dieu retourneront les êtres éphémères
Que lui-même a formés dans le sein de leurs mères.

L’Unique, le Seigneur, le Roi, le Triomphant
D’un vivant fait un mort, et d’un mort un vivant.

Il nous juge d’avance. Il tient nos destinées.
Il voit comme un seul jour mille de nos années.

Il nous suit du regard. Il veille. Il est partout.
On a tort de pousser sa patience à bout.

Une feuille ne peut tomber sans qu’il le sache.
Il voit les clairs métaux sous le sol qui les cache.

La terre ne sent pas germer en elle un grain
Qui ne se trouve inscrit au livre souverain.

Ainsi préparez-vous, mon peuple, au jour terrible,
Vous qui, comme le grain, serez passés au crible.



VI

Ah ! si vous écoutiez l’hymne des vastes cieux,
Que vous croyez silencieux !
La lune et le soleil, les étoiles sereines,
Les champs, les montagnes, la mer,
Les oiseaux, qu’il se plaît à soutenir dans l’air,
Comme les larves souterraines,
Tout murmure un cantique ineffable au Seigneur.
La foudre éclate en son honneur ;
Et la multitude des anges
Ne se lasse jamais d’entonner ses louanges.
L’homme, exaltant Celui qui fixa son destin,
Doit ajouter un hymne à leurs hymnes sans nombre ;
Devant Dieu s’incline son ombre
Chaque soir et chaque matin.

Quoi ! vous ne sentez point que le Seigneur est proche !
Vos cœurs sont durs comme la roche.

Encore les rochers laissent-ils par torrents
Jaillir l’eau qui vous désaltère.
Ah ! prosternez-vous contre terre !
Bénissez mon Seigneur pour des bienfaits si grands.

Il éleva les cieux sans colonnes visibles,
Clairs et polis, de plus en plus inaccessibles,
Et l’un dans l’autre enveloppés.
Le firmament a-t-il une seule fissure ?
Les astres marchent-ils sans ordre et sans mesure ?
Le soleil vous a-t-il trompés ?

L’Éternel Dieu prit soin de vous pétrir lui-même
Avec l’argile du potier.
Qu’il vous fît beaux et grands, et d’un visage altier !
Il n’est rien dans le monde entier
Qui porte mieux le sceau de l’Ouvrier suprême.

Dieu, lorsqu’Adam fut né, rassembla les Esprits
Formés depuis longtemps de feu pur sans fumée.
« Adorez-le ! » dit-il à cette immense armée.
Les anges, pleins de joie et doucement surpris,
Ayant admiré la stature
De la puissante créature,

Poussèrent jusqu’au ciel de victorieux cris.
Hormis le seul Iblis, qui depuis lors se nomme
Le Maudit et le Lapidé,
Comme Dieu l’avait commandé,
Ils s’inclinèrent tous devant le premier homme.

« Vraiment, dit le Seigneur, vous êtes des ingrats.
Lequel de nos bienfaits pourriez vous mettre en doute ?
La terre est sous vos pieds ; vous la possédez toute ;
Elle n’obéit qu’à vos bras.
Et voyez quel tapis radieux elle étale
Sous la lumière orientale !

« Nous vous avons soumis, comme d’humbles ruisseaux.
Deux larges mers que vos vaisseaux
Fendent paisiblement, pareils à des montagnes.
Lequel de nos bienfaits oseriez-vous nier ?
Regardez les beaux fruits du noble bananier,
Les blondes vagues des campagnes,
Et les palmiers touffus, et les grands oliviers,
Et le trèfle rose et les vignes…
Ce sont là de merveilleux signes.
O mes peuples, si vous saviez !


« Ceci ne vous fait-il pas croire ?
J’ai mis, après le jour, la nuit comme un repos.
Je donne l’herbe tendre et fraîche à vos troupeaux,
Dont le lait est si doux à boire.

« Je vous ai dit : Soyez riches par le travail.
Cherchez au fond des mers la perle et le corail.

« Un des meilleurs, parmi les biens qu’on vous accorde,
Est le vent précurseur de ma miséricorde,
Lorsqu’il me plaît de faire abondamment pleuvoir.
Sachez par tout cela que votre Dieu vous aime.
Il n’a point de rancune : il s’impose à lui-même
La clémence comme un devoir.

Je connais trop votre faiblesse,
Et je vous rends mon joug léger.
Ne me forcez pas de plonger
Dans vos flancs l’aiguillon qui blesse.

« Certes, vous remplissez vos entrailles de feu,
Quand vous blasphémez votre Maître.
Mais il faut enfin me connaître :
Le meilleur de tous ceux qui pardonnent, c’est Dieu.


« Abandonnez-moi donc entièrement vos âmes,
Et je raffermirai vos pas.
Comment ne m’aimeriez-vous pas,
Moi qui vous ai donné les parfums et les femmes ? »



VII

« Parle, dit le Seigneur, aux Juifs comme aux chrétiens.
Plusieurs d’entre eux, devant la Parole évidente,
Ont trouvé dans leur cœur une source abondante
De pleurs qui m’ont touché presque autant que les tiens.

« Suis-je heureux de sévir contre ma créature ?
Est-ce pour l’écraser que j’ai fait l’homme ? Non :
J’exige seulement qu’il bénisse mon nom,
Se fie à ma promesse et garde sa droiture.

« Mais presque tous ces Juifs m’exaspèrent. Les cieux
Sont-ils leur patrimoine et leur terre promise ?
Dieu leur appartient-il ? Le peuple de Moïse
N’est qu’un âne chargé de livres précieux.

« J’aimerais mieux laisser mes demeures désertes
Que de les interdire à tant d’êtres humains.
Les bénédictions pleuvent de mes deux mains,
Qui toujours et pour tous sont largement ouvertes.


« Abraham, dont je fus le guide et le soutien,
Vécut pour la justice avant les Écritures ;
Faut-il vous répéter, stupides créatures,
Que cet homme n’était pas plus juif que chrétien ?

« Vous vous glorifiez de tout ce que nous fîmes
Pour vendre la Parole entre les nations,
Vous tous qui, dévorés d’abjectes passions,
Ne songez qu’aux profits, fussent-ils même infimes.

« Mais vous avez traité Moïse de menteur ;
Et, si je n’avais su tromper votre malice,
Vous eussiez fait périr par un honteux supplice
Mon prophète Jésus comme un blasphémateur.

« Ah ! qu’a-t-il donc, ce peuple, à ne jamais comprendre ?
Pourquoi ne porte-t-il qu’un misérable fruit ?
Et ne songe-t-il pas, lui qu’on a trop instruit,
Au compte rigoureux qu’un jour il doit me

« Dis-leur, ô Mohammed, que le Maître irrité
Bientôt effacera les traits de leur visage,
S’ils raillent mon apôtre et ne font point usage
De ce livre où j’ai mis pour tous la vérité.


« Le roi David, à qui je fis présent des psaumes,
Lui qui chantait ma gloire au peuple des oiseaux,
Ne m’empêchera pas de leur broyer les os,
Bien qu’ils soient dispersés à travers mes royaumes.

« Le pieux Salomon qui commandait au vent
Et pour qui travaillaient d’industrieux génies,
S’ils retournent sans cesse à leurs ignominies,
Ne les défendra plus auprès du Dieu vivant.

« Dis-leur, pour les punir de leur morgue insultante,
Qu’ils ne possèdent pas encor le Paradis,
Et que si, dans ton cœur loyal, tu les maudis,
L’opprobre s’étendra sur eux comme une tente ! »



VIII

« Prophète, parle aux chrétiens.
O toi qui nous appartiens,
Tu peux faire avec eux un pacte d’alliance.
Mais qu’ils n’inventent plus des histoires sur nous !
Qu’ils reçoivent à genoux
La véritable science.

« Nous savons que Marie était pure : et pourtant
Les Juifs l’ont accueillie avec des mots infâmes,
Elle qui fut élue entre toutes les femmes
Pour nous manifester par un signe éclatant.

« Nous lui fîmes baisser pudiquement ses voiles,
Car sa beauté brillait à l’égal des étoiles.
Nous guidâmes ses pas légers vers l’Orient
Par une nuit silencieuse ;
La vierge émue et soucieuse
Cheminait dans l’ombre en priant.


« Et notre Esprit s’approcha d’elle
Comme un homme vêtu de gloire et de clarté.
« Ne tremble pas, dit-il, pour ta virginité,
« Toi dont l’âme est chaste et fidèle.
« Le verbe du Seigneur va pénétrer en toi,
« Mais tu ne seras point souillée.
« O vierge, prie agenouillée ;
« Espère un fils avec une immuable foi ! »

« Il disparut. Marie, abritant sa jeunesse
Contre l’ardent regard des hommes, par nos soins
Fut nourrie au désert et souffrit sans témoins,
Pour qu’enfin s’accomplît notre sainte promesse.

« Ce fut sous un palmier flétri par le soleil
Que la surprit un jour l’angoisse maternelle.
Le fruit sacré que nous avions fait croître on elle
Dormit là son premier sommeil.

« Le sable était torride, et la vierge épuisée
Implorait d’une voix timide notre appui.
« Seigneur, si tu ne veux que je meure aujourd’hui,
« Fais pleuvoir sur moi ta rosée ! »


« Saisis l’arbre stérile, et tu le secoueras,
« Marie, avec tes faibles bras ;
« Il laissera tomber des grappes savoureuses.
« Tu vas goûter enfin des heures plus heureuses.
« Regarde : un frais ruisseau coule à tes pieds. Bénis
« Notre inépuisable tendresse…
« Après une longue détresse,
« Vierge, réjouis-toi, car tes maux sont finis. »

« Dans les eaux limpides et calmes
La mère de Jésus rafraîchit ses beaux yeux ;
Le dattier lui donna des fruits délicieux
Et sur elle étendit ses palmes…

« Certes, nous savons tout cela,
Et que Jésus, avant de prêcher l’Évangile,
Ayant un jour soufflé sur un oiseau d’argile,
L’oiseau vécut et s’envola.

« Notre envoyé marchait sur les pas des prophètes.
Il nous glorifia, fit des règles parfaites,
Guérit l’aveugle et le lépreux.

Sa face rayonnait d’une vive lumière.
Il vécut saintement, pieux envers sa mère,
Aimant les siens, béni par eux.

« Il fit abondamment l’aumône.
La paix sur lui ! c’était un de nos familiers.
Mais, ô chrétiens nourris d’erreurs, vous oubliez
Que l’apôtre de Dieu, comme tous ces milliers
D’Esprits que nous avons sans fin multipliés,
Priait devant notre saint trône.

« Peuple, adorez Dieu seul, disait-il. Sachez bien
« Que votre Seigneur est le mien.
« Il peut m’anéantir, lui qui m’a donné l’être.
« Dieu sait toute mon âme, et que sais-je de Dieu ?
« Je sais qu’il est unique, et j’en fais l’humble aveu :
« Votre Maître est aussi mon Maître. »

« Ah ! les moines et les docteurs
Sont d’abominables menteurs…
Que le verbe de Dieu, Jésus, notre messie,
Et sa mère au cœur pur que nous avons choisie
Ne nous soient jamais préférés !
Sachez bien qui vous adorez.


« Nous sommes un Dieu solitaire.
Qui créa le ciel et la terre ?
Nous seul, par notre volonté.
Seul, nous fîmes crever brusquement le déluge.
Le seul péril, c’est nous ; c’est nous, le seul refuge.
Ne vous figurez pas que le souverain Juge
N’est qu’un tiers de la Trinité !

« Le tonnerre s’éveille et roule
Quand vous dites : « Jésus est le fils du Très-Haut. »
A ces paroles, peu s’en faut
Que le ciel sur vos fronts coupables ne s’écroule.

« Le Seigneur peut-il engendrer ?
Aurions-nous par hasard l’ait des anges femelles ?
Ont-ils du lait plein les mamelles
Pour y suspendre un fils et l’y désaltérer ?

« Écoute et sois témoin, large étoile qui brilles
Après le coucher du soleil !
D’autres, ayant tenu conseil,
Décident gravement que nous avons des filles,
Eux qui se plaignent d’en avoir…
Entends-tu leurs discours, pure étoile du soir ?


« Ce sont de terribles paroles.
Mieux vaut encenser les idoles
Que de rire de nous dans vos propos hardis.
Nous sommes sûr de la victoire.
Ainsi, laissez là cette histoire
Mensongère et blasphématoire.
Il n’est point d’autre Dieu que Dieu : je vous le dis.



IX

Votre Seigneur vous parle à présent par ma bouche,
O croyants dont le cœur pieux s’épanouit
Lorsque vous écoutez, au sortir de la nuit,
Cette parole qui vous touche.

Jésus continuait Moïse et m’annonçait.
Or, j’ai reçu de Dieu beaucoup de patience,
Et me voici pour vous enseigner la science
De la part de Celui qui sait.

Que votre piété, mon peuple, croisse encore !
On exige de vous quelque chose de mieux
Que de vous prosterner et de tourner vos yeux
Vers le couchant ou vers l’aurore.

Pieux est celui-là dont les pièces d’argent,
Acquises par un dur labeur et sans reproches,
Témoignent devant Dieu qu’il est bon pour ses proches
Et partage avec l’indigent.


Priez, car la prière efface toute faute ;
Mais, pour être bénis, rachetez les captifs !
Veillez sur l’orphelin en pères attentifs ;
Que le voyageur soit votre hôte.

Maîtrisez votre sang. Ne levez pas la main
Parce qu’on vous a dit quelques mots téméraires.
Malheur au meurtrier ! Dans un seul de ses frères
Il frappe tout le genre humain.

Soyez justes ; suivez l’exemple des apôtres.
Fuyez l’homme pour qui le serment n’est qu’un jeu.
Lorsque vous unissez vos mains, la main de Dieu
Plane invisible sur les vôtres.

Sachez qu’un fils ingrat est toujours châtié.
Faites à vos parents une heureuse vieillesse ;
Dites : « Prends pitié d’eux, Seigneur ; dans ma faiblesse
Ils m’ont pris moi-même en pitié. »

Vos mères savent tout de la souffrance humaine.
Pensez à leur angoisse, à leurs flancs déchirés !
Ce n’est qu’après deux ans que vous fûtes sevrés ;
Elles ont eu peine sur peine.


Ah ! respectez-les donc, de peur d’être maudits !
Qu’elles n’entendent pas une parole amère.
Ne les quittez jamais ; c’est aux pieds de sa mère
Qu’un fils gagne le Paradis.

Vos femmes sont le champ que le Seigneur vous donne ;
Ainsi, lorsqu’il vous plaît, fécondez votre champ.
Mais n’allez pas blesser par quelque mot tranchant
Des âmes qu’on vous abandonne.

De peur que votre bien ne soit trop convoité,
Vos femmes baisseront leurs voiles jusqu’à terre.
Soyez fidèles : Dieu châtiera l’adultère.
Comme il aime la chasteté !

Souvenez-vous, à moins qu’elles ne soient rétives,
Que le Seigneur a mis la tendresse entre vous.
Elles oublieront, grâce aux baisers de l’époux.
Qu’elles sont presque des captives.

O croyants, gardez bien le calme intérieur !
Soyez décents : un ange est là pour tout inscrire.
Ne raillez point. Celui dont vous venez de rire
Vaut souvent mieux que le rieur.


Vous êtes puissant ? l’or entre vos mains afflue ?
Une source murmure en votre frais jardin ?
Soit. Mais ne tordez pas la bouche avec dédain
Lorsque le pauvre vous salue.

Pourquoi tant d’âpreté ? Contentez-vous de peu.
La terre est au Seigneur, et lui seul en dispose.
Ne dites pas : « Demain je ferai telle chose, »
Sans ajouter : « S’il plaît à Dieu. »

Faites résolument tout ce qu’il vous conseille,
Quand même il vous dirait de marcher à la mort.
Ne vous semble-t-il pas qu’aux heures de remord
Votre âme vous parle à l’oreille ?

Le juste, au dernier jour, verra Dieu sans terreur.
Allez, vous serez tous reçus avec clémence !
Mais il faut ressembler à la bonne semence
Qui réjouit le laboureur.



X

O peuple arabe, prends tes flèches et ta lance !
Sois le peuple par excellence ;
Ramène vers le bien tous les autres ; fais vœu
D’extirper le crime et le vice.

Quand Dieu t’appelle à son service,
Ne combattras-tu pas dans le sentier de Dieu ?

Les peuples sont à lui. Seul, il fixe leur terme,
Que nul ne peut hâter ni reculer d’un jour.
Tu disparaîtras à ton tour,
Si tu n’es pas loyal et ferme.

Que toute l’Arabie appartienne aux croyants !
Et, lorsque notre sol sera pur d’infidèles,
Les nations verront resplendir autour d’elles
Nos cimeterres flamboyants.

 
L’Immuable par qui nous sommes
Fit descendre d’en haut le fer pour les combats.
Il cause un mal terrible et je ne l’aime pas ;
Mais il est nécessaire aux hommes.

Que Dieu nous livre enfin la Mère des cités !
O vous tous, croyez-en l’héritier des prophètes ;
Écrasons sous nos pieds les venimeuses bêtes
Qui souillent la demeure où Dieu régla ses fêtes
Et se plut aux solennités.

Les ancêtres de notre race,
Abraham et son fils, le pieux Ismaël,
Virent un jour paraître un messager du ciel
Qui leur fit connaître la place
Où le temple serait construit.
« Que la maison de Dieu ne s’ouvre qu’aux fidèles !
Dit-il. Et, déployant trois larges couples d’ailes,
L’ange prit son vol avec bruit.

Donc, plus un idolâtre et plus une statue
Dans le temple du Dieu vivant !
Chevauchez sans peur en avant :
Quand vous frappez, c’est Dieu qui tue.


Voyez : mes ennemis m’ont chassé. Ce sont eux
Qui viennent jusqu’ici me chercher des querelles.
Mais toutes les tribus peuvent s’unir entre elles !
Dieu les dispersera comme des sauterelles ;
Son triomphe n’est pas douteux.

Tu seras châtié, peuple ingrat qui m’opprimes !
Dieu marche avec les siens. Le jour où nous surprimes
Cette ample caravane au lever du matin,
Nous chargeâmes avec une grande furie !
Mais vous avez trop tôt suspendu la tûrie
Pour vous jeter sur le butin.

Tournez vos cœurs vers Dieu, croyants : vous serez braves.
Faites des prisonniers, serrez fort leurs entraves ;
Et quand vos ennemis seront réduits à rien,
Vous, enfin délivrés d’incessantes alarmes,
Avec de douces mains vous essuierez leurs larmes !
Certes, la paix est un grand bien.

Mais que leur confiance en leurs dieux soit détruite !
Lorsque vous serez cent, j’en mettrai mille en fuite ;
Je donnerai toujours l’exemple que je dois.

Auront-ils seulement la force d’un eunuque,
Si les anges de Dieu les frappent sur la nuque
Ou sur l’extrémité des doigts ?

Vous êtes prêts pour les batailles.
Sabrez-les ! faites-leur de cruelles entailles !
Ne dites pas : « Voici la saison des chaleurs. »
Il fera bien plus chaud dans l’antre des supplices,
Tandis que les élus, abreuvés de délices,
Fouleront des tapis de fleurs.

Ruez-vous au-devant d’un péril salutaire !
Ne soyez pas cloués à terre.
Que craignez-vous ? La mort survient à tout moment ;
Elle escaladera votre tour élevée.
« Mais ceux, dit le Seigneur, qui pour moi l’ont bravée,
Ils vivront éternellement. »

Allah, j’en ai la foi profonde,
Nous livrera dans peu la Mère des cités.
Nous la purifierons de ses iniquités ;
Et, guidés par le cri des anges irrités,
Nous déborderons sur le monde….



XI

Mais, lorsque la trompette aura sonné deux fois,
Tous les peuples, sommés par une forte voix,
Paraîtront devant Dieu, chacun avec son livre.
Peut-être l’heure est proche et vient à larges pas ;
La terre ne sait pas
Ce qui lui reste à vivre.

Vous jetterez le blâme à toute nation
Dont les crimes seront évidents et palpables ;
Je vous accuserai, si vous fûtes coupables ;
Et, si j’ai mal rempli ma sainte mission,
Celui qui m’inspire et qui m’aime
S’élèvera contre moi-même.

« Toute âme goûtera la mort ;
Mais observez, dit le Dieu fort,
Comme, sous l’eau du ciel, la terre sèche et dure
Se gonfle doucement, se ranime et fleurit.
C’est ainsi que, sentant sur elle notre Esprit,
Telle que la mort la surprit,
Revivra toute créature.


« Nous vous ramènerons des gouffres de la mer.
Chaque ossement prendra sa place accoutumée.
Le feu du ciel l’eût-il brusquement consumée,
Vous revêtirez votre chair.

« Par les lances, par les bannières, par les tentes,
Par les cavales haletantes
Aux naseaux pleins de sang, aux crinières flottantes,
Qui font, sous les coups de leurs fers,
Jaillir une grêle d’éclairs,
Nous jurons qu’au premier éclat de la trompette
Tous les êtres vivants mourront en un clin d’œil.
La sombre mer, les cieux muets, la terre en deuil
Attendront qu’à travers le monde elle répète
Son âpre et stridente clameur.
Mais, au deuxième appel, comme une vaste houle
Qui se forme, s’ébranle et roule,
Les morts s’agiteront en foule
En faisant sous le ciel une immense rumeur.

« Alors, que d’âmes angoissées !
Voici qu’il pleut du soufre et de l’airain fondu.
La lune éclate au loin. Le soleil s’est fendu.
Les étoiles sont effacées.


« Le ciel est tout entier rouge comme du cuir
Qu’on vient de teindre en écarlate.
Ah ! le riche n’a plus personne qui le flatte.
Comment se cacher ? où s’enfuir ?

« Les mers bouillonnent avec rage
Les êtres que nous ranimons
Regardent comme un vain mirage
Fuir et disparaître les monts.
La terre n’est plus qu’une plaine.
Telles que les flocons de laine,
Les étoiles ont disparu.
Tous les visages sont livides.
Les méchants, qui se sentent vides,
Disent tout bas : « Si j’avais cru ! »

Lorsque ton Dieu te parle, ô peuple, fais silence !
Crains sa terrible violence.
Malheur à qui sera léger dans la balance !

Tout à coup le Seigneur déchaînera le vent ;
Et la terre, notre humble et forte nourricière,
Ne sera plus qu’un peu d’impalpable poussière
Entre les mains du Dieu vivant…



XII

Qu’on les fasse passer à gauche,
Tous ceux qui préféraient le crime et la débauche
Au service de l’Éternel.
Une âme ne doit pas souffrir pour une autre âme.
Si ton fils a failli, qu’il en porte le blâme !
Ici, point d’amour paternel.

Les méchants garderont un silence farouche.
Mais, si l’aveu cruel ne sort pas de leur bouche,
Leur visage, leurs mains, leurs pieds, leurs durs genoux
Témoigneront contre eux sans souci de leur plaire.
« Ah ! diront-ils alors, suffoqués de colère,
Vous témoignez donc contre nous ? »

S’il ne veut point parler, l’avare,
A qui par-dessus tout ses joyaux furent chers,
Sentira s’incruster dans ses brûlantes chairs
Ce qu’il possédait de plus rare.


« Si, pour me repentir, j’avais jusqu’à demain ! »
Telle sera partout la plainte de l’impie.
Mais Dieu dira : « Silence ! il faut que tout s’expie. »
Et le méchant mordra le revers de sa main.

Éternels sont les supplices ;
Pensez-y, vous qui vivez.
Ne vous faites pas complices
Des antiques réprouvés.
Leurs sanglots seront horribles.
Des anges durs et terribles
Qui, préposés à l’enfer,
Ne haïssent point leur tâche,
Les frapperont sans relâche
Avec des gourdins de fer.

L’incrédule, celui dont la parole est fausse,
L’ingrat, le mauvais fils, descendront dans la fosse.

Que le gouffre sera prompt
A s’emparer de leurs âmes !
Il rallumera ses flammes
Sitôt qu’elles s’éteindront.


Maudits ! qu’importe au feu si votre cœur se gonfle
A force de pleurer votre exécrable erreur ?
Peu s’en faut que l’enfer ne crève de fureur.
Comme il mugit et comme il ronfle !

On vous dira : « C’est bien : chauffez-vous à ce feu.
Que votre âme défaille ou s’accoutume un peu,
Le rouge brasier vous dévore. »
Dieu, penché sur le bord de l’abîme, criera :
« Es-tu plein ? » Et le gouffre avide répondra :
« Jette-les, s’il en reste encore ! »

Telle est ta récompense, ô toi qui blasphémais.
On te nourrit d’une acre et puante fumée ;
Ta peau se renouvelle, aussitôt consumée ;
Sans fin la mort t’assaille, et tu ne meurs jamais.



XIII

« Venez, rassurez-vous, âmes justes et droites,
Dira dans les hauteurs une paisible voix.
Approchez-vous, mon peuple ; entrez tous à la fois ;
Nos portes ne sont pas étroites.

« Oui, beaux et lumineux, plus jeunes et grandis,
Hommes et femmes, vous que j’ai trouvés fidèles,
Pour n’y plus écouter que d’heureuses nouvelles,
Entrez tous dans mon Paradis !

« Vous qui n’avez commis que de légères fautes,
Errez sous mes palmiers, aux fruits mûrs et si doux.
Salut, et que la paix de Dieu soit avec vous !
Ayez la joie au cœur, mes hôtes. »

Par la gloire de mon Seigneur !
Dites si j’étais en démence.
Le règne des élus commence ;
Pour eux c’est une joie immense,
Un inexprimable bonheur !


Dieu vous le dit par son apôtre :
« Tandis que le méchant dans ses crimes se vautre
En rêvant d’accomplir quelque chose de pis,
Sans que l’on vous en avertisse,
Faites des actes de justice :
Ils seront comme un grain qui donne sept épis.

« Pour que vous partagiez notre éternelle joie,
Élevez jusqu’à nous l’encens de vos vertus.
Dans nos jardins ombreux vous serez revêtus
De brocart d’or, de clair satin, de verte soie.

« L’air sera suave et léger.
Vous cueillerez en paix dans notre beau verger
La banane et la figue, et les fraîches grenades ;
Vers vous s’inclineront les fruits,
Et vous sommeillerez aux mélodieux bruits
Des fontaines et des cascades.

« Plusieurs causent entre eux ; l’un chante et l’autre rit ;
Ils revivent les jours anciens par la mémoire ;
Et le vin parfumé qu’on leur permet de boire
Leur réjouit le cœur sans troubler leur esprit.


« Celui qui nous prenait pour guide,
Humble, se prosternant à l’aube comme au soir,
Nos anges lui diront : « Tiens, voici pour t’asseoir
« Un trône de cristal limpide. »

« Vous serez éblouis par la vive splendeur
De vierges aux grands yeux, que nul n’aura touchées,
Et pareilles en leur pudeur
Aux perles de la mer soigneusement cachées.

« A vous leur souple taille et leurs seins arrondis !
Il n’est rien de si pur, ni l’or, ni l’hyacinthe,
Que ces filles du Paradis ;
Dans leur corps virginal respire une âme sainte.

« Vous les contemplerez en de frais pavillons.
L’époux murmurera : « Tes lèvres me sont dues :
« Viens, ô mon âme, sommeillons
« Sous les vastes palmiers aux grappes suspendues. »

« Et tout cela, nous le jurons
Par nos radieux escadrons,
Par la voûte du ciel et par la mer gonflée
Où nous vous frayons des chemins,

Par notre pur soleil, par la nuit que nos mains
Ont splendidement étoilée,
Par tout ce que vos yeux admirent de plus beau,
Par notre invisible présence

Dans le temple où l’on nous encense,
Par le mont Sinaï qui fut notre escabeau,
Par nos chères cités, par la Mecque et Solyme :
Est-il un serment plus sublime ? »