Album des missions catholiques, tome IV, Océanie et Amérique/Antilles

Collectif
Société de Saint-Augustin (p. 124-128).

ANTILLES.

Trinidad. Cocorite. Roseau. Jamaïque. Curaçao.


ANS la chaîne d'îles qui s'étendent entre les deux Amériques ; dans ces Antilles où Christophe Colomb abordait il y aura demain quatre siècles, les missionnaires trouvent à leur zèle une ample carrière.

Nous voudrions parler avec tout le développement qu’elles méritent, de ces nombreuses et belles chrétientés ; mais le temps nous presse et nous devons penser à terminer cette longue pérégrination à travers les missions des Deux Mondes.

Archidiocèse de Port d’Espagne. — L’île de la Trinidad, la plus méridionale des petites Antilles et la plus voisine de l’Amérique du Sud, est située en face du Vénézuela, à peu de distance des Guyanes. En ce moment, cette île, comme la plupart des Antilles, est le rendez-vous de toutes les races humaines, sauf peut-être de celles de l’Océanie ; on y rencontre, en effet, des Européens, des Asiatiques, des Africains et des indigènes de l’Amérique. C’est assurément un des faits les plus étonnants de l’histoire des migrations des peuples.

Lorsqu’on supprima l’esclavage, il fallut pour suppléer au travail des noirs transporter aux Antilles des Chinois loués à Canton et au Fo-kien, et des Hindous de Calcutta et de Madras.


TRINIDAD. — MAISON DES DOMINICAINES DESSERVANT LA LÉPROSERIE DE COCORITE. (Voir p. 124.)

La première importation de coolies hindous eut lieu à Trinidad, en mai 1845.

Bientôt, sous l'autorité du gouvernement, une société se forma, pour régulariser et organiser ce recrutement de travailleurs. Chaque années, ils arrivent par milliers, hommes, femmes et enfants. Leur engagement est de cinq ans, et on leur donne un salaire. Libres, au bout de ces cinq années, de retourner dans les grandes Indes, ou d’acquérir dans la colonie des terrains de la couronne, la plupart préfèrent rester, et ils se constituent en villages, pendant que leurs compatriotes, nouveaux venus, travaillent sur les plantations.

Ces Hindous conservent leur religion, leurs mœurs et même leur costume national. Ils sont répandus sur presque toute la surface de l’île : mais c’est principalement dans la contrée de Naparim, très favorable canne à sucre et où se trouve la majeure partie des plantations, qu’ils sont agglomérés en plus grand nombre. Déjà on peut dire qu’ils forment un peuple, car, sur la population totale de l’île qui est de 115,000 habitants, ils comptent pour un tiers. C’est parmi eux que les missionnaires recrutent leurs meilleurs prosélytes.

En 1863, Mgr Gonin était nommé, par Pie IX, archevêque de Port-d’Espagne ; en même temps, le Saint-Siège confiait aux Dominicains l’administration de la

TRINIDAD. — CATHÉDRALE DE PORT-D'ESPAGNE. (V. p. 124.)


TRINIDAD. — ORPHELINAT DE SAINT-DOMINIQUE DE BELMONT, A PORT-D'ESPAGNE, d'après une photographie. (V. p. 125.)


cathédrale et l’apostolat de la ville de Port-d'Espagne qui, à elle seule, constitue une mission permanente, puisqu'on y trouve des hommes de toute race, de toute langue et de toute religion. La cathédrale est située sur le bord de la mer, à une des extrémités de la capitale (voir la grave page 123).

Cocorite. — L'œuvre la plus touchante fondée par les Pères, c'est leur léproserie de Cocorite, desservie par des Dominicaines.

« Nos visiteurs et visiteuses, écrivait dernièrement une Sœur, n'emportent pas un trop mauvais souvenir de notre hôpital : « Mais c'est le « Paradis » ici ! disaient naguère deux dames de la vile en descendant notre rude esclaier. Une atmosphère de joie et de paix enveloppe notre communauté. C'est la récompense des légers sacrifices qu'entraîne la vocation de garde-malades des lépreux.

« Une salle a été ajoutée à notre hôpital. Cette salle compte 30 lits, occupés par les plus impotents, car c'est l'infirmerie. C'est une place excellente pour faire une méditation bien sentie sur les misères humaines. En effet, ces lépreux les résument toutes : nous avons des aveugles, des borgnes, des boiteux, des estropiés, des idiots, des grangreneux, etc. Je craindrais de vous


TRINIDAD. — LÉPROSERIE DE COCORITE, DESSERVIE PAR LES DOMINICAINES.


effrayer en entrant dans le détail ; il n’y a pas jusqu’à un vieux Chinois qui ne nous rappelle parfaitement un de ces dieux ou diables de son pays que certaines gravures représentent.

« Nous comptons maintenant cent quatre-vingts malades. C’est le 19 août 1887 que nos richesses se sont soudainement accrues ; aussi quelle journée mémorable ! Dès le matin, nous attendions. A quatre heures, un premier équipage à deux chevaux est salué par les hourras de nos pensionnaires. Vingt compagnons en descendent ; quel coup d’œil ! Ces pauvres gens sont littéralement en haillons. L’un s’avance en sautant sur une jambe ; l’autre tremble sur son bâton ; un troisième est soutenu par un camarade aussi écloppé que lui ; plusieurs font l’effet d’arcs ambulants, d’autres enfin, les plus malades, sont portés sur les bras. Dès le lendemain, tous les visages s’étaient éclaircis. « Ma man french too much good, Mère française trop bonne ! » répétait notre vieux Chinois, et tous témoignaient la même reconnaissance... »

Dans le modeste cimetière qui confine à l'établissement, on ne lit pas sans émotion les noms des nombreuses religieuses tombées victimes de leur dévouement et appelées à la fleur de l'âge à recevoir la récompense de leur admirable apostolat. »

Belmont. — Un mot d’une autre création fondée en faveur des enfants nègres.

L'orphelinat de Saint-Dominique de Belmont fut ouvert, au mois de septembre 1871, par Mgr Gonin. Il ne comptait que trois enfants de race nègre. On dit que ses débuts parurent si misérables, à un personnage haut placé de la Trinidad, témoin de la cérémonie d'ouverture, qu'il s'écria, faisait allusion aux trois pauvres petits : « — Ils seront certainement les premiers et les derniers ; cela ne peut pas tenir. »

En effet, à le considérer humainement, il devait en être ainsi. Mais les voies de Dieu ne sont pas les nôtres, et du moindre grain de sénévé peut sortir un grand arbre.

À la fin de l’année 1871, c’est-à-dire trois mois après, il y avait déjà, à l’orphelinat de Saint-Dominique de Belmont, dix-huit enfants créoles.

Malgré le dévouement de tous ceux qui se consacraient corps et âme au service de l’orphelinat, l’œuvre avait besoin de mères selon la grâce, formées par


ILE DE SAINTE-CROIX (Antilles). — ÉGLISE SAINTE-CROIX A CHRISTIANSTED.


vocation à cet apostolat. Mgr Gonin fit appel à la charité des Sœurs Dominicaines qui avaient fait si admirablement leurs preuves à la léproserie de Cocorite. Saint-Dominique de Belmont leur fut confié au mois de février 1876. À cette date, on comptait dans l’établissement 66 enfants et 11 personnes employées au service de l’œuvre. Actuellement le nombre des pupilles de l’orphelinat atteint 125.

La province métropolitaine de Port-d’Espagne comprend :

1° L’archidiocèse de Port-d’Espagne, dans l’île de la Trinidad ;

2° L'évêché de Roseau, dans l'île de la Dominique.

Un diocèse sera très probablement créé plus tard à Saint-Thomas, pour les îles danoises et le groupe des îles Vierges.

3° Le vicariat apostolique de la Jamaïque ;

4° Le vicariat apostolique de Curaçao, dans l'île hollandaise de ce nom ;

5° Le vicariat apostolique de la Guyane anglaise ;

6° Le vicariat apostolique de la Guyane hollandaise.

Roseau. — Ce siocèse englobe six îles anglaises : Dominique, Montserrat, Antigoa, Saint-Christophe Nevis, Tortola, et trois îles danoises : Sainte-Croix, Saint-Thomas, Saint-Jean.

Grâce au zèle des deux prélats qui se sont succédé à la tête de cette grande missions, NN. SS. Poirier et Naughten, le nombre des catholiques s'est rapidement accru dans ces diverses îles et atteint 50.000, sur une population totale de 146.000 habitants.

Saint-Thomas mérite une notice spéciale. C'est dans ce centre des populations danoises que le catholicisme a fait le plus de conquêtes, grâce au zèle des Pères Rédemptoristes. De 6.000, le nombre des catholiques est monté à 10.000 ; une église nouvelle, un couvent, un hôpital, des écoles, des associations charitables ont été fondées et sont en pleine prospérité.

Jamaïque. — Ce vicariat apostolique, desservi par les Pères Jésuites, comprend, outre l'île de ce nom, tout le Honduras britannique.

Mgr Thomas Porter, de la Compagnie de JÉSUS, vicaire apostolique de la Jamaïque, écrivait le 1er septembre 1880 :

« Le 11 août dernier, un ouragan d’une violence épouvantable se déchaîna sur une partie considérable de l’île et causa d’affreux ravages à nos établissements. L’école Saint-Joseph, à Kingston, a été entièrement détruite. Le dortoir de l’école industrielle des jeunes filles, fondée il y a trois mois dans la même ville, a été ruiné. L’église en fer d’Agualta Vale, près de la baie d’Aunotto, a été renversée ; l’autel seul est demeuré debout : six mille dollars (30,000 fr.) avaient été dépensés pour élever ce sanctuaire. La toiture des églises de King-Weston, d’Above-Rocks et de Saint-George Avocat a été en grande partie enlevée. Les écoles et les chapelles de Friendship et de May-River sont démolies de fond en comble. La plupart des autres églises du vicariat sont plus ou moins sérieusement éprouvées.

« Les catholiques de la Jamaïque, ajoute Mer Porter, sont, à peu d’exceptions près, fort pauvres, et si des secours ne nous viennent du dehors, il faudra bien des années pour que nous puissions relever les ruines. »

Le nombre des catholiques de tout le vicariat est de 35.000.

Curaçao. — Cette île, située à 120 latitude nord et et 71° longitude est de Paris, entre les îles de Bonaire et d’Aruba, n’est éloignée de la côte américaine que de vingt-cinq heures environ, de sorte que souvent l'on peut parfaitement distinguer, à l’œil nu, les montagnes du Vénézuéla.

Ce n'est que vers l'an 1739 qu'un missionnaire hollandais y vint. Depuis lors l'église Sainte-Anne eut régulièrement ses pasteurs, espagnols pour la plupart ; il y eut aussi quelques-uns hollandais et même français.

En 1824, Rome envoya, en qualité de Préfet apostolique, M. Martin-Jean Nieuwindt. Secondé par plusieurs missionnaires qu'il avait amené avec lui, ce saint prêtre, alors âgé de vingt-huit ans à peine, se voua entièrement au troupeau confié à sa garde.

En 1829, M. Nieuwindt commença à bâtir dans l'intérieur de l'île, à l'ouest, une église qui fut dédiée à saint Joseph. Dix ans après, il en faisait ériger une nouvelle à l'est, en l'honneur de sainte Rose. En 1847, une troisième s'élevait dans l'ouest sous le vocable de la Sainte-Vierge. En 1849, une quatrième se consacrait encore dans l'ouest en l'honneur de saint Willibrord, et enfin, en 1854, l'extrémité occidentale de l'île eut aussi la sienne, dédiée à saint Pierre.

Dans l'île d'Aruba qu'il avait fait évangéliser dès 1825, trois églises furent bâties par ses soins. Bonaire en eut deux avec deux prêtres. Saint-Eustache, Saint-Martin et Saba eurent aussi chacune leur église et leur missionnaire.

Le Saint-Siège le nomma, en 1842, vicaire apostolique et évêque de Gytrum in parkibus.

Ce prélat étant mort en 1860, Mgr Kistemaker, curé de Saint-Eustache depuis 1839, luis succéda immédiatement. Il avait été déjà nommé son coadjuteur cum jure successionis. Sacré en Hollande, il revint en 1861. Mais, dès son retour à Curaçao, Mgr Kistemaker se vit obligé, pour cause de santé, d’offrir au Saint-Siège sa démission qui fut agréée en 1867.

M. le curé C. J. Schermer fut nommé administrateur par la Propagande. Il fallut songer alors à nommer un nouvel évêque ; mais, vu la pénurie de prêtres séculiers, Rome n’eut d’autres ressources que de céder la mission à un Ordre religieux. Ce fut aux Dominicains de la province de Hollande qu’elle fut confiée. Mgr Henri-Joseph Van Ewijk, ancien missionnaire au Cap de Bonne Espérance, fut nommé évêque en juin 1869. Ce prélat ne gouverna que sept ans la mission. En 1866, il mourut et fut remplacé par Mgr Ceslas Reynen, lequel fut aussi enlevé après quelques mois d’épiscopat. Le chef actuel de la mission de Curaçao est Mgr Fooster.