Alain de Boüard. Le régime politique et les institutions de Rome au moyen âge (Lauer)

Alain de Boüard. Le régime politique et les institutions de Rome au moyen âge (Lauer)
Bibliothèque de l’École des chartes82-83 (p. 188-189).
A. de Boüard. Le régime politique et les institutions de Rome au moyen âge (1252-1347). Paris, E. de Boccard, 1920. In-8o, XXX-362 pages et carte. (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, fasc. 118.)


Bien qu’il porte le millésime de 1920, cet ouvrage n’a paru qu’en 1921, car il a servi, à cette dernière date, de thèse de doctorat ès lettres. Il se présente comme la suite des Études sur l’administration de Rome au moyen âge (751-1252), de L. Halphen[1], et c’est, en effet, de même que celles-ci, le résultat des recherches faites à Rome par un membre de l’École française.

L’année 1252 avait été adoptée comme date terminale par M. Halphen, parce que c’était celle du choix fait par les Romains d’un sénateur étranger, le Bolonais Brancaleone degli Andalò, événement qui coïncide avec des modifications importantes dans l’organisation du pouvoir communal, et marque une étape dans l’accession du peuple aux affaires publiques de la cité. De là part le présent ouvrage, pour s’étendre jusqu’à l’arrivée de Cola di Rienzi au Capitole (1347). C’est le moment où la République romaine se substitue à l’autorité pontificale, et où les papes cherchent un refuge à Avignon. On regrettera que l’auteur n’ait pas poussé son étude jusqu’à la mort du célèbre tribun (1354), et même jusqu’au retour des papes à Rome (1377) ; il eût embrassé ainsi une période présentant un développement plus complet et plus intéressant.

Tous les historiens de la Rome médiévale ont unanimement déploré la perte des archives municipales du Capitole. Plus de livres de délibérations, plus de registres de chancellerie, plus de registres judiciaires, mais seulement des documents épars, isolés, et par suite difficiles à retrouver et à grouper. C’est ce qui explique l’aspect un peu touffu de ce livre, qui est plus une suite de considérations d’ordre général sur l’histoire politique de Rome et ses principaux facteurs, pendant un peu moins d’un siècle, qu’un tableau méthodique du développement de l’administration municipale et de ses rouages, de son fonctionnement et de son évolution, comme on l’aurait souhaité.

Il débute par un long chapitre sur la papauté et les vicissitudes du pouvoir temporel à Rome, esquisse d’ensemble puisée aux meilleures sources, mais trop développée, qui dépasse les limites d’une étude comme celle-ci, consacrée à la Ville Éternelle et non au Saint-Siège, et ne laisse qu’une place insuffisante au sujet même. Celui-ci n’est traité en réalité qu’au chapitre III, intitulé « le Peuple et la commune », en une centaine de pages, dont la moitié seulement concerne les institutions proprement dites, statuts, conseils, magistratures, justice, armée, police, finances et approvisionnement. Le titre du livre en promettait davantage. Il est vrai que deux très courts chapitres, sur la noblesse et le clergé, viennent combler certaines lacunes, mais d’une manière encore bien imparfaite.

La liste chronologique des sénateurs et magistrats suprêmes de la commune romaine de 1252 à 1347, qui accompagne l’ouvrage et remet au point le livre classique de Vitale, Storia diplomatica de’ senatori di Roma, d’après les dernières publications, offre heureusement un utile complément ; et elle aurait même gagné à plus de détails dans les références, où les citations sont trop brèves. Par contre, le nombre des pièces justificatives aurait pu être réduit sans inconvénient, car là encore le choix indique que l’auteur a un peu trop oublié qu’il s’agissait de documenter, non pas une histoire politique de la papauté et de la ville de Rome, mais une étude du régime et des institutions urbaines.

Ce mémoire, composé peut-être un peu hâtivement, est écrit d’une plume facile, à la manière d’un livre de philosophie de l’histoire. On y trouvera cités un certain nombre de textes judicieusement choisis et en général bien interprétés. La difficulté de rechercher les pièces d’archives dans les divers dépôts où elles se trouvent dispersées, explique que le temps ait pu manquer pour leur mise en œuvre complète. C’est un premier travail de déblaiement, et non des moins méritoires, qui pourra servir de guide aux historiens et aux juristes pour aller plus avant dans l’étude du mécanisme des institutions et pénétrer plus profondément dans le cœur même du sujet.


Ph. Lauer.


  1. Paris, Champion, 1907 (Bibl. de l’École des Hautes-Études, fasc. 166).