Actes de la seconde seance des Estats generaux de France
generaux de France,
tenus à Blois,
le mardy xviiij.
du mois d’Octobre, 1588.
Essievrs, Ie vous ay
cy deuant dict & teſmoingné
le iour de Dimanche dernier,
le deſir que i’ay touſiours
eu de voir de mõ regne tous
mes bons & loyaux ſubiects vniz
en la vraye Religion Catholicque,
Apoſtolique, & Romaine, ſoubs l’obeyſſance
& l’auctorité qu’il a pleu
à Dieu me donner ſur vous. Et ayãt
pour ceſt effect ordõné mon Edict
du mois de Iuillet dernier, pour eſtre
& tenir lieu de Loy fondamentale en ce Royaume, pour obliger
& nous tous, & la poſterité, encores
que la plus part de vous l’ait particulierement
iuré & promis : Neantmoins
à ce que ceſt Edict demeure
ferme & ſtable à iamais, cõme faict
de l’aduis & commun cõſentement
de tous les Eſtats de ce Royaume :
& à ce qu’aucun ne pretende cauſe
d’ignorance de l’eſſence & qualité
d’iceluy, & qu’il ſoit marqué de la
marque de Loy du Royaume à iamais :
ie veux que ceſt Edict ſi ſainct
ſoit preſentement leu à haulte voix,
entendu de tous, puis iuré par vous
tous en corps d’Eſtat. A quoy faire
ie monſtreray l’exemple tout le premier,
à fin que ma ſaincte intention
ſoit cognuë deuant Dieu, & deuant
les hommes.
Le Roy ayant finy, commanda à Ruzé Sieur de Beaulieu, l’vn des Secretaires de ſon Eſtat, de lire à haute voix la Declaration que ſa Majeſté auoit faicte ce iour meſme (dont la teneur s’enſuit) ſur ſon Edict d’Vnion du mois de Iuillet dernier, enſemble ledict Edict.
ENRY par la grace
de Dieu Roy de France,
& de Polongne, à
tous preſens & à venir,
Salut. Chacun ſçait aſſez que dés les
premiers ans de noſtre ieuneſſe, &
meſmes auant que Dieu nous euſt
appellé à ceſte Couronne, nous n’auons rien tant deſiré que de veoir
ce Royaume repurgé de l’hereſie, &
tous les ſubiects d’iceluy remis à
l’vnion de ſon Egliſe ſaincte. Pour
à quoy paruenir nous n’auons eſpargné
noſtre propre perſonne, ains
l’auõs ſouuẽt exposée pour la manutention
de la foy Catholique, Apoſtolique
& Romaine : & depuis qu’il
a pleu à Dieu nous eſleuer en ceſte
dignité Royalle, tout ainſi que nous
auons ſuccedé au nom & tiltre de
Roy tres-chreſtien, que noz predeceſſeurs
nous ont acquis par leur
pieté & valeur, auſſi auons nous
monſtré que nous eſtions heritiers
de leur zele & affection à l’honneur
de Dieu, & accroiſſement de ſa
ſaincte Religion. Car recongnoiſſans
le debuoir auquel la charge
que Dieu nous a commiſe ſur ſon peuple Chreſtien, & le ſerment
que auons faict à noſtre ſacre
nous obligent, nous auons eſſayé
cy deuant les voyes les plus
douces que nous auons pensé pouuoir
ſeruir à extirper les hereſies
de ceſtuy noſtre Royaume, & revnir
tous nos ſubiects à ladicte
Religion Catholique, Apoſtolique,
& Romaine. Mais en fin ayant recongneu,
que la douceur, dont pour
quelque temps nous auions voulu
vſer, eſperans les rappeller au giron
de l’Egliſe, auoit ſeruy que
d’accroiſtre & endurcir leur obſtination :
Nous auons depuis quelque
temps tenté de les ramener par
la force à l’obeiſſance qu’ils doiuẽt
à Dieu & à nous, & maintenant pẽſons
y pouuoir mieux & plus promptement
paruenir, par le moyen de la ſaincte vnion que nous auons
faict à nous de tous noz ſubiects
Catholiques, par noſtre Edict du
mois de Iuillet dernier, lequel eſtimant
deuoir eſtre à l’aduenir, l’vn
des principaux fondemens de la
conſeruation de ladicte Religion
Catholique, que nous auons plus
chere que noſtre propre vie, & de
la reſtauration de noſtre Eſtat, l’authorité
qui nous appartient, & la
fidelité & obeyſſance à nous deuë
par nos ſubiects, pour le rendre
plus ferme, ſtable, & à iamais irreuocable :
Nous auons par le Conſeil
de la Royne noſtre tres-hõnorée
Dame & mere, des Princes de noſtre
ſang, Cardinaux, & autres Princes
& Seigneurs de noſtre Conſeil,
& de l’aduis & cõſentement de nos
trois Eſtats, aſſemblez & conuocquez par noſtre commandement
en ceſte ville de Blois, ſtatué & ordonné,
ſtatuons & ordonnons &
nous plaiſt, par ces preſentes ſignées
de noſtre main, que noſtre dict
Edict de Vnion cy attaché ſoubs le
contreſeel de noſtre Chancellerie,
ſoit & demeure à iamais Loy fondamentale,
& irreuocable, de ce
Royaume, & comme tel voulons &
ordõnons qu’il ſoit gardé par tous
nos ſubiets preſens & à venir, &
que par eux il ſoit preſentement iuré,
ſans deſroger toutesfois, ny
preiudicier en aucune choſe aux
droicts, franchiſes, libertez, & immunitez
de noſtre Nobleſſe. Enſemble
de garder & obſeruer toutes les autres
loix & ordõnãces de ce Royaume,
cõcernant l’auctorité qui nous
appartient, & la fidelité & obeiſſance qui nous eſt deue par tous nos
ſubiects. Si donnons en mandement
par ces preſentes, à nos amez &
feaux les gens tenans nos Cours de
Parlement, Baillifs, & Seneſchaux,
ou leurs Lieutenans, & à tous nos
autres Iuges & Officiers, & à chacũ
d’eux, ainſi cõme il luy appartiendra,
que ledict Edict cy attaché auec
la presẽte Loy, ainſi ſolemnellement
faicte & arreſtée en l’aſſemblée
generalle de noz Eſtats, il facent
lire, enregiſtrer, entretenir,
garder, & obſeruer inuiolablemẽt,
comme Loy fondamentalle & perpetuelle
du Royaume, & conſeruation
d’iceluy, contraignent & facẽt
cõtraindre à ce faire tous noſdicts
ſubiects, par toutes voyes iuſtes &
raiſonnables, procedant contre les
infracteurs d’icelles, par toutes les peines contenues aux ordõnances
ſur ce faictes, ſelon l’exigẽnce des cas.
Donné à Blois en l’aſſemblée des Eſtats, le mardy xviij. du mois d’Octobre, l’an de grace mil cinq cens quatre vingts & huict, & de noſtre regne le quinzieſme.
Lecture faicte à haute voix par le Secretaire d’Eſtat, Remonſtrance fut faicte par l’Archeueſque de Bourges Preſident aux Eſtats, en l’ordre Eccleſiaſtique ſur ſa dignité & grandeur de ce ſerment & obſeruation d’iceluy.
reprint la parolle, diſant :
Eſſieurs, vous auez ouy
la teneur de mõ Edict,
& entendu la qualité
d’iceluy, & la grandeur
& dignité du ſerment que vous allez
preſentemẽt rendre. Et puis que
ie voy vos iuſtes deſirs tous conformes
au mien, ie iureray, comme
ie iure deuant Dieu, en bonne &
ſaine conſcience, l’obſeruation de
ce mien Edict tãt que Dieu me donnera
la vie ça bas : veux & ordonne
qu’il ſoit obſerué à iamais en mon
Royaume pour Loy fondamentale, & en teſmoignage perpetuel de la
correſpondance, & conſentement
vniuerſel de tous les Eſtats de mon
Royaume, vous iurerés preſentemẽt
l’obſeruation de ce miẽ Edict d’Vnion,
tous d’vne voix : mettãt par les
Eccleſiaſtiques, les mains à la poictrine,
& tous les autres leuans
les mains au ciel.
Ce qui fut faict auec grand applaudiſſement & acclamations de tous, crians, Viue le Roy.
Viourd’huy dixhuictieſme
iour d’Octobre, mil
cinq cens quatre vingt &
huict. Le Roy ſeant à
Blois, en pleine aſſemblée des Eſtats
generaux de ſon Royaume : A iuré
en ſa foy & parole de Roy de tenir
& obſeruer la preſente loy en tout
ce qui dependra de ſa Majeſté. Et
Meſſeigneurs les Cardinaux de
Bourbon, de Vendoſme, Comte de
Soiſſons, Duc de Montpenſier,
Cardinaux de Guyſe, de Lenoncourt, &
de Gondy, Ducs de Guyſe, de Nemours, de Neuers, & de Rets, Monſieur
le garde des Seaux de France,
& pluſieurs autres ſeigneurs, tãt du
Conſeil de ſa Majeſté, que deputez
des trois Eſtats de cedit Royaume,
ont iuré de garder & entretenir inuiolablement
ladicte Loy, tant en
leurs noms propres & priuez, que
pour l’Eſtat & les Prouinces, qui les
ont deputez pour ſe trouuer en ceſte
aſſemblée generalle des Eſtats :
Moy Ruzé Secretaire d’Eſtat & des
Commandemens de ſadicte Majeſté
preſent.
E faict ſa Majeſté teſmoigna
le grand deſir qu’elle
auoit de mettre fin à ceſte
aſſemblée, & pourueoir à tous ſes
ſubiects, ſur leurs iuſtes plainctes, & doleances, & pour ceſt effect promeit
ne ſe departir de la ville de
Blois, iuſques à l’entier paracheuement
de la tenue deſdicts Eſtats.
Ordonnant pareillement à tous
ceux de la dicte aſſemblée, de ne s’en
departir aucunement. Dont ſa Majeſté
fuſt remerciée de toute l’aſſiſtance.
L’aſſemblée ſe retirant, ſa Maieſté, auec les Roynes, Princes, Princeſſes, Meſsieurs les Cardinaux, Prelats, & autres Sieurs, auec tous les deputez des trois Eſtats, alla en l’Egliſe de S. Sauueur faire chanter le Te Deum, où ils furent touſiours accompaignez du commun conſentement, & voix generalle de tout le peuple, criant, Viue le Roy, & monstrant vne extreme ioye & allegreſſe.