Acte de naissance de René Descartes/Courrier de M. C. Gautier
CORRESPONDANCE ET COMMUNICATIONS
Nous recevons la lettre suivante, relative à un entrefilet que nous avions reproduit à la suite d’un certain nombre de journaux :
Monsieur le Rédacteur,
Je lis, dans le dernier numéro de la Revue pédagogique, (page 180), que notre grand philosophe Descartes serait né non pas à La Haye, en Touraine, comme on l’a cru jusqu’à présent, mais à Sucé-sur-Erdre, dans le département actuel de la Loire-Inférieure.
Il y a là une erreur qu’il importe de ne pas laisser s’accréditer.
L’acte de baptême découvert dans les archives de la commune de Sucé porte la date du 9 septembre 1644. Or Descartes, mort en 1650, à l’âge de 54 ans, ne peut être né en 1644. De plus, sa mère s’appelait Jeanne Brochard et non Marguerite Dupont. Son père se nommait bien Joachim, mais cette similitude de prénoms ne peut prévaloir contre les dates.
Il s’agit donc, dans l’acte que vous avez publié, d’un autre René Descartes, qui était probablement le neveu de l’auteur du Discours de la méthode.
Joachim Descartes épousa en secondes noces Anna Morin, fille du premier président de la cour des comptes de Nantes. Il n’est pas impossible que, du chef de sa femme, il ait possédé des propriétés à Sucé, qui est aux portes de Nantes. Le Joachim dont il question dans l’acte de baptême est probablement un fils qu’il aura eu de son second mariage.
Permettez-moi de profiter de l’occasion pour relever une autre erreur dans laquelle sont tombés plusieurs écrivains contemporains, et notamment, je crois, M. Cousin, à savoir que Descartes était d’origine bretonne. Son père était Tourangeau, sa mère Poitevine. Il ne tenait à la Bretagne que par la charge de son père, conseiller au parlement de Rennes. On ne peut pas dire qu’il soit Breton.
Il est vrai que sa famille se fixa dans le pays. Son frère aîné, Pierre Descartes, se maria à Elven (aujourd’hui dans le département du Morbihan), où il établit son domicile. Ce fut là que naquit Catherine Descartes, sa fille, qui eut un certain renom comme écrivain.
Mais tout cela ne suffit pas pour faire un Breton de notre illustre philosophe. C’est une gloire à laquelle notre province doit renoncer.
Veuillez agréer, etc.
Directeur de l’École normale de Rennes.