A travers les origines d’une Guerre

A travers les origines d’une Guerre
Revue des Deux Mondes, 6e périodetome 23 (p. 206-221).
A TRAVERS
LES ORIGINES D’UNE GUERRE [1]

Au mois de mars 1907, M. Stephen Pichon, ministre des Affaires étrangères, soumettait à l’approbation du Président de la République un décret instituant au quai d’Orsay une commission chargée de réunir et de publier les documens diplomatiques relatifs à la guerre de 1870-1871. Approuvée par le chef de l’Etat et formée aussitôt, la Commission se mit à l’œuvre sur-le-champ, sous la présidence de M. Deluns-Montaud, ministre plénipotentiaire, chef de la division des Archives du département. Ce haut fonctionnaire étant décédé l’année suivante fut remplacé par M. Joseph Reinach qui, depuis cette époque, dirige les travaux et publications dont son prédécesseur avait eu l’initiative.

Dans le rapport que M. Pichon adressait au Président de la République à l’appui de sa proposition, se trouvent résumés les motifs qui la justifiaient. Le ministre, s’autorisant des modifications que les événemens de 1870 ont fait subir à la carte politique de l’Europe, rappelait que, depuis cette époque, des écrivains de tous les pays se sont exercés à retracer l’histoire de ces jours tragiques et à en tirer des enseignemens pour la politique ou pour la guerre. On sait en effet que les jugemens et les appréciations à cet égard ont été abondans et qu’encore à l’heure où nous sommes, la fécondité des historiens ne semble pas épuisée. Etudes des opérations militaires, exposés des motifs dont s’inspirèrent les belligérans avant d’en venir aux mains, récits justificatifs publiés par les personnalités qui avaient eu alors la lourde charge du gouvernement et par celles qui, à des titres divers, avaient contribué à l’attaque ou à la défense de notre territoire, rien n’a manqué à la vaste enquête ouverte du côté des vainqueurs comme du côté des vaincus, à l’effet d’établir les responsabilités d’un événement qui a transformé, pour un temps, les assises de l’équilibre européen.

Toutefois l’auteur du rapport, signalant le caractère incomplet et parfois tendancieux de ces nombreux travaux, en tirait cette conclusion qu’en vue de combler des lacunes inévitables, il était devenu nécessaire « de réunir et de mettre au jour, dans un esprit de complète impartialité, des documens qui permettraient de raconter en pleine connaissance de cause l’histoire d’une époque si féconde en enseignemens. » — « Les conséquences de la guerre, ajoutait-il, ont été infinies ; quelles que soient les idées qui prévalent à cette heure à leur sujet, l’intérêt paraîtra capital de bien déterminer le rôle et les responsabilités de chacun dans sa préparation, dans sa déclaration et dans les négociations qui l’ont précédée, accompagnée ou suivie. Il ne sera pas d’un moindre intérêt de préciser les causes de notre isolement à l’heure où les hostilités s’engagèrent et les motifs pour lesquels telles Puissances, sur l’aide desquelles nous étions peut-être en droit de compter, nous ont fait défaut. »

Rechercher les origines diplomatiques de la guerre, complément nécessaire de l’étude de ses origines historiques, tel était donc l’objet de la publication que la Commission entreprenait. On en comprendra l’importance lorsque nous aurons dit que les neuf volumes actuellement parus, bien qu’ils n’embrassent qu’une période de trois années, 1863-1866, ne contiennent pas moins de deux mille cinq cent trente dépêches, lettres ou circulaires, datées de toutes les capitales de l’Europe et au bas desquelles se trouve la signature des divers personnages qui composaient alors l’élite de la diplomatie. Ce vaste recueil atteste l’effort méritoire de la Commission et permet de prévoir qu’il ne lui en faudra pas un moins grand pour mener sa tâche à bonne fin. Il est vrai qu’elle en sera dédommagée par la gratitude des historiens qui auront désormais sous les yeux la presque totalité des documens propres à donner plus d’autorité à leurs récits, surtout si les gouvernemens étrangers suivent l’exemple que leur donne le gouvernement français et s’ils y mettent la même loyauté que lui.

Toutes ces pièces n’ont pas la même importance. Si les unes nous révèlent les vues des gouvernemens, leurs variations et l’état d’âme des souverains et des hommes d’Etat, à l’heure où elles ont été écrites, il en est d’autres qui ne reflètent qu’une impression plus ou moins accidentelle et fugitive, recueillie au passage, résultant d’une chose vue ou d’une parole entendue, qu’effacera celle du lendemain et qui, sans influence sur les événemens, n’a de prix pour l’histoire que parce qu’elle éclaire les phases successives par lesquelles ils ont passé avant de se dénouer. En outre, plusieurs de ces documens ont été utilisés déjà dans des ouvrages antérieurs et ne sont plus pour nous une nouveauté. Mais, quel que soit leur degré d’intérêt et d’importance, leur réunion dans leur ordre chronologique en rend la lecture singulièrement suggestive, en ce sens qu’en nous rappelant des souvenirs aussi douloureux pour nous qu’inoubliables, elle les précise et y répand la lumière au profit de la vérité : c’est en cela que l’ouvrage dû à l’initiative de M. Stephen Pichon et mis sur pied par la commission ministérielle, constitue un trésor documentaire d’une valeur incontestable.

En tête du premier volume et à la suite du rapport adressé par le ministre au Président de la République, s’en trouve un autre qui lui a été adressé à lui-même par les membres de la Commission. Ils y exposent d’abord l’embarras qu’ils ont éprouvé lorsqu’ils ont voulu assigner une date précise aux origines de la guerre et les raisons pour lesquelles ils les ont placées à la fin de l’année 1863, et au commencement de l’année 1864, c’est-à-dire au début des péripéties dont les duchés de l’Elbe furent la cause et le théâtre. Bien que ces péripéties soient encore présentes à toutes les mémoires, il y a lieu de les résumer ici brièvement, afin de rendre compréhensible ce qui va suivre.

En 1852, cédant à la nécessité de mettre un terme aux conflits qui s’étaient élevés depuis trop longtemps dans le Schleswig et le Holstein incorporés à la Confédération germanique, quoique faisant partie du royaume danois, les grandes Puissances réunies à Londres avaient signé, le 8 mai, un traité par lequel, après avoir obtenu du souverain de ce pays la promesse de réformes intérieures que commandait la justice, elles adoptaient et prenaient sous leur protection le principe de l’intégrité de la monarchie de Danemark, et garantissaient en outre à la maison royale l’ordre de la succession au trône, telle qu’elle l’avait réglée. Malheureusement, quelques années plus tard, le conflit que la diplomatie européenne s’était flattée d’apaiser, renaissait à la suite des récriminations des populations allemandes établies dans les duchés, à qui les réformes réalisées semblaient insuffisantes. La Diète germanique était alors intervenue par les armes pour soutenir leurs prétentions, ne parlant de rien moins que de détacher des Etats danois, contrairement au traité de 1852, les deux provinces qui donnaient lieu au litige et d’en faire un Etat autonome sous le gouvernement du duc d’Augustenbourg, Les troupes fédérales venaient d’y entrer sans rencontrer de résistance, lorsque, se substituant à la Diète malgré ses protestations, l’Autriche et la Prusse s’étaient arrogé le droit, qui n’était que le droit du plus fort, d’avoir seules raison de l’opposition du Danemark. Au mois de janvier 1864, après des combats sanglans, elles occupaient les duchés et, si l’Autriche semblait disposée à s’en remettre pour leur sort aux décisions de la Diète, la Prusse laissait percer le dessein de ne s’en dessaisir ni pour les abandonner au duc d’Augustenbourg, ni pour les restituer au Danemark.

Antérieurement à cette date, et lorsque la crise qu’elle rappelle venait aggraver les alarmes de l’Europe, déjà troublée par l’insurrection polonaise et par les visées de l’Italie sur la Vénétie et sur Rome, l’empereur Napoléon avait, le 4 novembre 1863, proposé aux Puissances la réunion à Paris d’un Congrès où toutes seraient représentées. Pour justifier sa proposition, il faisait valoir que l’édifice politique de l’Europe, élevé à Vienne en 1815, s’écroulant de toutes parts, il était urgent de lui en substituer un autre, c’est-à-dire « de régler le présent et d’assurer l’avenir » sur des bases plus justes et plus propres à garantir la paix. Un grand Congrès, où toutes les questions politiques seraient discutées et toutes les difficultés résolues dans un intérêt commun, pouvait seul accomplir cette tâche pacificatrice. Sauf l’Angleterre et l’Autriche, tous les gouvernemens, avec ou sans réserves, s’étaient montrés favorables au projet de l’Empereur. L’Angleterre l’avait écarté par un refus formel. Quant à l’Autriche, tout en reconnaissant l’utilité de cette réunion, elle n’y voulait participer qu’à la condition que les Puissances signataires du traité de 1852 y seraient seules admises et qu’on n’y traiterait que les affaires du Danemark. La proposition de Napoléon III était ainsi tombée dans l’eau et, bientôt après, une offre de médiation faite par l’Angleterre allait avoir le même sort. La Prusse et l’Autriche, pendant ce temps, poursuivaient l’exécution de leurs desseins à travers de multiples incidens qui devaient les brouiller et les armer, en 1860, l’une contre l’autre. Tel est en résumé l’événement dans lequel les membres de la Commission dont l’œuvre est sous nos yeux ont placé le berceau de la guerre de 1870.

Ils ne se dissimulent pas qu’il y a dans leur choix une certaine part de convention. Mais ils font justement remarquer que la période à laquelle ils se sont arrêtés est celle où, dans la confusion où l’Europe se trouva tout à coup jetée, commencent à se révéler les mobiles et les ambitions du gouvernement prussien. D’autre part, en remontant plus haut pour retrouver les origines de la guerre, ils eussent rencontré sur leur route des événemens qui, par des étapes successives, les auraient ramenés de siècle en siècle jusqu’au plus lointain passé. Notre histoire nationale n’est-elle pas alimentée à tout instant par les rivalités de la France avec l’empire allemand ?

Il faut cependant constater qu’encore aujourd’hui, les historiens ne sont pas entièrement d’accord sur la date à laquelle il convient de placer les origines de la guerre. L’un d’eux et non des moindres, Emile Ollivier, est d’avis « qu’on a démesurément grossi cette affaire du Danemark en la présentant comme la source d’où sont sortis tous nos maux et qu’il n’y a aucun lien nécessaire entre 1863 et 1870. » Peut-être est-ce trop dire, et serait-il plus juste de reconnaître que si le gouvernement impérial commit, en 1863, la très lourde faute de laisser l’Autriche et la Prusse comploter ensemble et porter la plus grave atteinte à l’intégrité de la monarchie danoise garantie par le traité de 1852, il commit, en 1866, une faute plus lourde encore en laissant la Prusse écraser l’Autriche. N’est-ce pas surtout de cette faute que nous avons subi trop longtemps les douloureuses conséquences ? Sans insister autrement sur la question de savoir à laquelle des deux dates précitées est la source de nos malheurs, il est aisé de mettre d’accord les opinions contradictoires en rappelant que, de 1863 à 1866, ont été commises de notre côté des fautes irréparables et qu’en conséquence, si l’on veut s’en tenir aux causes immédiates de la guerre, indépendamment de la plus visible de toutes, qui est la candidature Hohenzollern, c’est dans cette période qu’il les faut chercher.

D’autres toutefois, pour être d’un caractère différent, ne sont pas moins décisives. Mais, avant d’y regarder, il me parait utile de formuler une observation préliminaire. Les auteurs du rapport adressé au ministre des Affaires étrangères semblent s’attacher, en recherchant les origines de la guerre de 1870, à établir une différence entre ses origines diplomatiques et ses origines historiques. Cette différence existe-t-elle autant qu’ils paraissent le supposer et, dans la réalité, ces origines ne se confondent-elles pas ? Peut-on, en un mot, séparer les unes des autres ? Pour ma part, je ne le crois pas : c’est dans leur ensemble, je dirai même dans leur confusion ou, si l’on préfère, dans leur suite logique, que j’aperçois comme en un bloc les causes immédiates et les causes lointaines du conflit retentissant qui se dénoua par la défaite de nos armes. Il en est deux cependant qui dominent toutes les autres : en premier lieu, le ressentiment séculaire de la Prusse contre la France, qui la disposait à voir dans celle-ci une ennemie et une rivale que l’intérêt national commandait d’abattre ; puis la présence, du côté prussien, de l’homme d’Etat qui, dans les temps modernes, a incarné, avec le plus d’éclat et le plus de bonheur aussi, ce qu’on est convenu d’appeler le génie politique, bien que ce ne soit souvent que la résultante des faveurs de la fortune. Bismarck a résumé dans sa personne comme dans sa conduite toutes les jalousies, toutes les convoitises, toutes les haines de la Prusse. Patriote ardent, ambitieux de renommée, il a voulu passionnément la guerre, c’est lui-même qui nous en a fait l’aveu. Il n’y a vu que des avantages pour son pays. Au début du conflit allemand-danois, elle lui semblait déjà nécessaire, et il s’est efforcé de la rendre inévitable.

Voici plus de trente ans qu’un éminent diplomate, le regretté Rothan, le constatait dans ses belles études sur la politique française en 1866 : « On ne peut contester, disait-il, que le comte de Bismarck attachait le plus grand prix au conflit des duchés de l’Elbe, ni la peine qu’il s’est donnée de longue date pour diviser et pour paralyser les Puissances le plus directement intéressées au maintien de l’intégrité de la monarchie danoise et empêcher que celle-ci fût secourue. » Rien n’est plus vrai et, pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les documens officiels qui viennent d’être tirés de nos Archives. Ils nous fournissent à tout instant, dès le début de la crise danoise, des preuves de la duplicité du ministre prussien.

En 1864, tandis qu’il se réjouit ouvertement d’être « sur le pied d’une alliance croissante avec l’Autriche » et d’avoir dissipé un dissentiment qui s’était élevé entre elle et la Prusse, à propos d’un traité de commerce, il dit à l’un de ses confidens : « Je la ménage un peu sur ce point pour qu’elle me laisse les mains plus libres dans les duchés. D’ailleurs, nous sommes d’accord sur les grands principes, et, si quelque incident nouveau soulève momentanément une discussion entre nous deux, ce ne sera qu’une dissidence passagère et de courte durée. Pour toutes les grandes affaires, nous marchons et nous marcherons ensemble. » Lorsqu’on se rappelle ce qui s’est passé en 1866, on ne peut lire ces propos sans stupéfaction et ne pas se demander si, dès ce moment, Bismarck ne jouait pas une comédie vis-à-vis de son alliée. Comment pouvait-il supposer que l’Autriche lui laisserait les mains libres pour faire dans les duchés ce qu’il se proposait d’y faire, c’est-à-dire s’approprier non seulement ce qu’on lui laisserait prendre, mais encore ce qu’il saurait prendre si, d’aventure, on le lui refusait ? Assurément il est plus sincère lorsque, après avoir constaté que sur certains points il est d’accord avec l’Autriche, il ajoute : « Le temps fera le reste. La mission de la Prusse est de s’étendre. Nous devons toujours y penser. Il faut que nos prévisions soient vastes, qu’elles aient un large horizon. »

D’autres aveux justifient plus formellement encore l’affirmation de Rothan. A propos du désir exprimé à la même époque par le roi de Prusse de se rencontrer avec l’empereur Napoléon, Bismarck révèle à un confident que cette entrevue, si elle a lieu, n’aura pas pour objet « de conclure une alliance sérieuse avec la France. « Une telle alliance serait, selon lui, sans efficacité et il constate avec satisfaction que le souverain français se trouve en ce moment complètement isolé en Europe, ainsi que le démontre le piteux avortement de son projet de congrès. Si le roi de Prusse cherche à se rencontrer avec Napoléon, « ce n’est que pour rendre l’Autriche plus souple en lui montrant qu’il ne dépend que de nous de marcher d’accord avec le Cabinet des Tuileries. »

Les desseins que traduit ce langage éclatent ainsi en plusieurs circonstances entre lesquelles l’historien n’a que l’embarras du choix. En voici une encore qui mérite d’être rappelée. A peine l’Autriche et la Prusse sont-elles entrées dans les duchés que l’on constate une différence sensible dans l’attitude des deux Puissances. Autant l’Autriche se montre modérée, autant la Prusse se montre ardente dans ses revendications contre le Danemark. L’Angleterre ayant offert sa médiation et demandé qu’un armistice soit conclu pour permettre la réunion d’une conférence à laquelle seraient soumises les prétentions réciproques des belligérans, l’Autriche se rallie à ce projet et se déclare résolue à soutenir le principe de l’intégrité de la monarchie danoise. La Prusse, au contraire, signifie qu’elle n’en veut tenir aucun compte et que la conférence ne l’empêchera pas de continuer la guerre jusqu’à ce que le Danemark ait accepté les conditions qu’elle veut lui imposer. Ce qui est plus grave encore, c’est que les dispositions conciliantes de l’Autriche n’exercent aucune influence sur la marche des événemens et qu’en dernière analyse, c’est la politique de la Prusse qui ne cesse de prévaloir, au grand regret de l’Europe qui s’inquiète et se demande si les contradictions qu’on remarque dans les allures de l’un et de l’autre allié sont feintes ou réelles. Personne ne veut admettre « qu’ils aient mobilisé quatre-vingt mille hommes, dépensé beaucoup d’argent et de sang, » uniquement pour imposer au Danemark des réformes dans les duchés, et on commence à les soupçonner, la Prusse surtout, de vouloir purement et simplement s’annexer ces pays.

Il est donc vrai que Bismarck dans toute sa conduite nous a montré ce que peuvent une volonté énergique aux prises avec l’indécision d’autrui. A la marche irrésolue et capricieuse du gouvernement français, à l’inertie de l’Angleterre, il a opposé l’activité audacieuse et réfléchie d’un homme d’Etat qui, s’étant proposé un but, déploie pour l’atteindre la prévoyance, la persévérance, la dissimulation et, pour tout dire, l’esprit de ruse poussé jusqu’à la perfidie.

Ce qu’il poursuit de longue date avec une indomptable ténacité, c’est la substitution en Allemagne de la prédominance prussienne à la prédominance autrichienne ; il entend que de Vienne la couronne impériale passe à Berlin. Il ne craindra pas de déclarer que « c’est par le fer et par le feu que doit se dénouer la querelle ouverte depuis Frédéric et Marie-Thérèse pour la domination en Allemagne. » La prise de possession des duchés de l’Elbe est un premier pas vers le but qu’il poursuit. Lorsqu’il associe l’Autriche à cette conquête en commençant à la partager avec elle, c’est dans le dessein de lui disputer bientôt la part qu’il lui en laisse et de faire surgir de leur rivalité une cause de guerre. Au milieu des obstacles qui de tous côtés s’élèvent autour de lui, il ne doute pas qu’il arrivera à ses fins, obtiendra la victoire et réalisera ainsi les ambitions qu’il a conçues pour la grandeur de son pays. Mais son projet n’est qu’un acheminement vers un autre objet. L’Empire allemand reconstitué au profit de la Prusse, il couronnera son œuvre en vengeant sa patrie de la défaite d’Iéna et des humiliations de Tilsitt. Rappeler cet état d’âme de Bismarck, qui, plus ou moins avoué, fut aussi celui de plusieurs de ses compatriotes militaires et civils, c’est mettre en lumière une des causes immédiates de l’événement de 1870.

Mais il y a aussi les causes lointaines, c’est-à-dire les vieilles préventions de la Prusse contre notre pays, auxquelles j’ai fait allusion et qui l’ont rendue plus sensible aux défaites que nous lui avons infligées qu’aux victoires qu’elle a remportées sur nous. Ici, et sans remonter plus haut que la Révolution, les preuves abondent. Lorsqu’on 1792, la guerre éclate entre l’Autriche et la République française, le roi de Prusse se hâte de faire cause commune avec l’Empereur et de cette campagne il ne conservera que l’humiliant souvenir de Valmy. En 1795, il se détache de la coalition, mais à contre-cœur, et parce que les revers des alliés ont épuisé ses ressources. L’ambassadeur de la République, Barthélémy, qui négocia cette paix, constate qu’elle fut de la part du monarque prussien un aveu d’impuissance et déclare expressément dans ses Mémoires que ce prince ne s’y décida que parce qu’il ne pouvait plus continuer la guerre. Comment donc ne pas voir une part de comédie dans les manifestations auxquelles il se livre, la paix une fois conclue, pour faire croire que c’est de bon cœur qu’il a déserté la coalition et encouru les reproches de ses alliés d’hier abandonnés par lui ? En signant le traité qui le réconcilie avec la France, il nourrit le secret espoir de reprendre ultérieurement les armes contre elle.

En 1800, à la requête de Talleyrand, il s’entremet pour opérer un rapprochement entre la Russie et la République ; mais c’est moins pour rendre service à celle-ci que pour servir ses propres intérêts en créant une ligue contre ce qu’il ose appeler « l’incalculable avidité de l’Autriche et de l’Angleterre, » comme si lui-même n’avait pas témoigné d’une égale avidité en prétendant à une part des conquêtes qu’elles espéraient faire. Talleyrand, qui a recouru à l’intermédiaire du Cabinet de Berlin pour ouvrir des négociations avec la Russie, ne se trompe pas sur ce qu’il peut attendre de la Prusse et ne compte guère sur son bon vouloir : « Nous ne pouvons douter, écrit-il, que son intermédiaire ne soit pas moins officieux au fond qu’en apparence. » Il sait que si l’Autriche a espéré, durant la période révolutionnaire, profiter des malheurs de la monarchie française pour mettre la main sur l’Alsace, sur la Franche-Comté et même sur la Provence, le roi de Prusse s’est flatté d’avoir sa part dans ces conquêtes.

Déçu de ce côté, l’ambitieux monarque, au cours des années qui suivent, reste en paix avec Napoléon, et son attitude lui vaut de notables agrandissemens de territoire. Aussi se garde-t-il bien de prendre part à la levée de boucliers, entreprise contre la France à la fin de 1805, par la Russie et l’Autriche. Sa conduite en cette circonstance donne la mesure de sa duplicité. Il commence par déclarer que, dans la guerre qui s’engage, il restera neutre, mais, en même temps, il conclut avec Vienne et Saint-Pétersbourg un traité secret d’alliance qui, dans sa pensée, n’aura d’effet, que si, comme il le souhaite. Napoléon est vaincu. Brusquement le canon d’Austerlitz déjoue ses calculs. Napoléon est maître de Vienne et c’est au palais de Schœnbrunn où il s’est installé qu’il reçoit dans le cabinet de Marie-Thérèse les félicitations que le ministre prussien Haugwitz lui apporte de la part de son maître. L’Empereur les prend pour ce qu’elles valent. — « Voilà un compliment dont la fortune a changé l’adresse, » dit-il en raillant.

Néanmoins, il propose à son interlocuteur, qui l’accepte aussitôt, un traité d’alliance. Porté à Berlin, ce traité est ratifié par le Roi, malgré la convention qu’il a conclue avec la Russie et l’Autriche. Mais il existe à Berlin un parti de la guerre où figurent la reine Louise, son beau-frère le prince Ferdinand, de vieux généraux comme Brunswick, Blücher, Hohenlohe et autres. Ce parti s’indigne à la pensée que les Français feront la loi à la Prusse. Napoléon a pu vaincre les Autrichiens et les Russes, mais il n’aura pas raison des Prussiens. « Pour leur assurer la victoire, il ne sera pas besoin de sabres, disent-ils, des gourdins suffiront. » Blücher met le comble à ces vantardises en prédisant que la première rencontre entre Prussiens et Français sera la répétition de Rosbach.

Le roi de Prusse se laisse entraîner par ces excitations. Le 7 octobre 1806, il envoie à, Napoléon un ultimatum exigeant comme première condition l’évacuation immédiate de l’Allemagne et que ce mouvement de retraite commence dès le lendemain. Pour toute réponse. Napoléon fait marcher son armée. La campagne dure trente-neuf jours. Lorsqu’elle s’achève, la Prusse n’existe plus. Plus tard, Henri Heine le reconnaîtra. A Saalfeld, à Iéna et à Auerstaedt l’armée prussienne a été anéantie ; elle a laissé sur les champs de bataille des milliers de morts et de blessés, sans parler des nombreux prisonniers, des canons et des drapeaux tombés aux mains des vainqueurs. L’un des frères du Roi, le prince Louis-Ferdinand, a été tué ; un autre, le prince Auguste, a dû rendre son épée et avec lui la plupart de ces généraux qui s’étaient flattés avec tant de jactance de détruire à jamais la puissance française. Napoléon est entré à Berlin, et la famille royale est en fuite. A dater de ce moment et jusqu’en 1812, le Roi vaincu n’est plus dans les mains de l’impérial vainqueur qu’un jouet condamné à subir toutes ses exigences et tous ses caprices. C’est là ce que la Prusse ne devait plus oublier, et il suffit de rappeler ce tragique souvenir pour faire comprendre comment et pourquoi sa haine est devenue plus ardente et a réveillé ses anciennes convoitises.

Lorsque commence la campagne de Russie, elle est contrainte comme l’Autriche de marcher avec Napoléon. Mais, comme l’Autriche, elle n’attend pour le trahir qu’une occasion propice. Lorsque le destin semble se prononcer contre lui, deux corps allemands abandonnent brusquement l’armée impériale et tournent leurs armes contre elle. Maintenant, le ressentiment prussien, grossi des griefs de l’Allemagne presque entière, ne se contiendra plus. C’est en 1815 qu’il atteint toute sa violence. Le 8 juillet, vingt jours après Waterloo, les armées alliées entrent dans Paris. Les troupes prussiennes sont commandées par le feld-maréchal Blücher, et c’est lui qui se montre le plus acerbe et le plus intraitable de nos ennemis. Il faut l’attitude résolue du roi Louis XVIII et l’intervention de l’empereur Alexandre pour l’empêcher de faire sauter le pont d’Iéna, et sa volonté, désarmée en cette circonstance, se dédommage par la rigueur des avanies qu’il prodigue aux vaincus partout où ses soldats sont en possession du territoire envahi.

Pendant les négociations pour la paix, la Prusse se distingue par ses exigences et par sa cupidité ; il faut que de nouveau l’empereur de Russie intervienne en faveur de la France qu’il ne veut pas laisser écraser, alors que la Prusse ne poursuit pas d’autre but. Il en sera de même en 1818, au congrès d’Aix-la-Chapelle. C’est malgré la Prusse que le négociateur français, le duc de Richelieu, obtiendra, avec l’appui de l’empereur Alexandre, la libération anticipée du territoire et l’entrée de la France dans la quadruple alliance.

Ces événemens mémorables ne sont pas seuls à établir que la Prusse n’a pas cessé de poursuivre le dédommagement de ses anciens désastres et qu’avant 1870 elle n’était pas encore consolée de l’humiliation infligée à son patriotisme pendant la durée du premier Empire. Waterloo ne lui a pas suffi. Nous en avons d’autres preuves : il y a les aveux du maréchal de Moltke, reconnaissant qu’à peine adolescent, il a été la proie d’un inlassable désir de tirer vengeance des malheurs de son pays ; il y a le mot significatif adressé en 1866, à un diplomate, par le roi de Prusse, au moment où allaient s’ouvrir les hostilités entre Vienne et Berlin : « Si nous avons maintenant la guerre entre nous, nous nous réconcilierons un peu plus tard en faisant une autre guerre en commun. » Il y a enfin les multiples commentaires de Bismarck où, avec une franchise qui touche au cynisme, il révèle les procédés auxquels il a recouru pour rendre inévitable une guerre avec la France. Cette guerre, c’est sa guerre ; il l’a préparée, tout en affectant vis-à-vis du gouvernement français, dont l’inaction favorisait ses desseins, une confiance qui ne fut jamais sincère et qui dissimulait les plans les plus hostiles.

Ce fait indéniable autorise une double supposition, d’abord que, dans sa pensée, l’annexion des duchés de l’Elbe à la Prusse, à l’exclusion de l’Autriche, devait mettre aux prises les deux Puissances et, si l’Autriche succombait dans la lutte, favoriser le conflit avec le gouvernement français à une échéance plus ou moins rapprochée ; ensuite, que, si celui-ci eût été assez heureux pour conjurer la guerre à l’heure où elle éclata, elle aurait éclaté plus tard. Bismarck n’aurait pas été embarrassé pour faire naître ultérieurement des circonstances dont elle eût été le dénouement nécessaire. Le gouvernement impérial avait eu en face de lui des adversaires dont l’inimitié avait ses racines dans le passé que je viens d’évoquer et qui étaient résolus à faire naître et à saisir toutes les occasions de porter à la France des coups mortels. Bismarck a été le plus fort d’entre eux et il a réussi. Sans doute on doit admettre que son savoir faire a été exagéré. On n’ignore pas que, dans la partie de » risquons tout » qu’il avait engagée audacieusement, il faillit, à plusieurs reprises, se casser les reins, et qu’il dut maintes fois au bon vent qui soufflait dans ses voiles, de conjurer les périls auxquels il s’était exposé. Tout, au contraire, s’est réuni contre nous, et la mauvaise fortune qui nous a atteints et frappés a été d’ailleurs singulièrement aidée par nos fautes.

Elles n’ont été que trop réelles. Il ne semble pas cependant qu’elles soient aggravées, — je ne parle ici que pour les années antérieures à 1866, — par les documens que met au jour le recueil publié par le ministère des Affaires étrangères, lequel ne nous conduit encore qu’à cette date. Après les avoir lus, on est même amené à se demander s’il n’y a pas excès de sévérité à accuser le gouvernement impérial « de s’être laissé conduire par des considérations exclusivement dynastiques » et trop souvent en opposition avec ce que commandait l’intérêt français. Au surplus, ne serait-il pas étonnant que dans une monarchie, il ne fut pas tenu compte de l’intérêt dynastique, lequel après tout n’est pas nécessairement en contradiction avec l’intérêt national et le plus souvent au contraire se confond avec lui ? Il me semble donc qu’à cet égard, un jugement définitif ne pourra être rendu que lorsque la publication documentaire qui m’a mis la plume à la main sera achevée. J’en dirai tout autant d’un autre grief formulé dans l’introduction de l’ouvrage, et d’où il résulterait, s’il était fondé, « que la diplomatie du second Empire, toujours attentive, souvent avisée et clairvoyante, a été malheureusement contrecarrée par une diplomatie occulte. » Les documens publiés jusqu’ici ne le prouvent pas. Ce n’est pas à dire que dans la suite ils ne nous en donneront pas la preuve ; mais, jusqu’à ce moment, une réserve impartiale s’impose. Elle est d’autant plus facile que, dans la circonstance, la question à résoudre ne présente plus qu’un intérêt purement historique. Fùt-il démontré que, sous le second Empire, il y a eu une diplomatie occulte, la responsabilité du gouvernement impérial telle qu’elle est établie aujourd’hui n’en serait pas plus aggravée qu’elle ne serait diminuée par la preuve contraire.

Quant aux fautes commises, il faut en faire deux parts : d’un côté, celles que nous constatons dès le début de la crise des duchés de l’Elbe, de l’autre, celles qui, à la veille et au lendemain de Sadowa, vinrent ajouter de nouveaux périls à tous ceux que nous avaient déjà créés les ambitions de la Prusse. De cette seconde part, nous n’avons pas à nous occuper ici, la publication du ministère des Affaires étrangères s’arrêtant au moment où les défaites de l’Autriche vont imposer au gouvernement impérial de nouveaux devoirs et où il n’est que trop certain qu’il n’en a pas entrevu !a nécessité, ou que, s’il l’a entrevue, il ne s’y est pas conformé. Reste donc la première part et, pour celle-ci, il serait contraire à toute équité de ne pas reconnaître que le gouvernement impérial n’a pas été seul responsable de l’abstention qui a été observée et que, s’il a eu le tort de ne pas donner aux autres gouvernemens l’exemple de la décision et de la fermeté, ils ont tout fait pour lui faire entendre qu’ils ne le suivraient pas dans les voies coercitives. Assurément, il répugnait à y entrer ; mais, peut-être, s’y serait-il décidé, s’il avait pu espérer le concours de l’Angleterre ou celui de la Russie. La certitude que ce concours lui ferait défaut a certainement encouragé ses dispositions et contribué à l’engager dans l’attitude qu’on lui a vu prendre.

Cette attitude est exposée tout au long dans la circulaire que, le 12 février 1864, le ministre des Affaires étrangères de France adressait à nos agens diplomatiques pour leur rappeler la conduite qu’avait tenue le gouvernement impérial dès l’ouverture du conflit. « Sa politique, disait-il, a été constamment une politique de conciliation et de paix. S’inspirant à la fois de ses sympathies anciennes pour le Danemark et des ménagemens qui lui semblaient dus au sentiment national de l’Allemagne, il a prêté les mains à toutes les tentatives d’arrangement. À défaut du congrès qu’il avait proposé sur la situation générale de l’Europe, il a accepté l’idée d’une conférence proposée par le gouvernement anglais et d’un armistice qui aurait eu pour effet de maintenir le statu quo politique et militaire pendant la durée des négociations, lequel aurait eu pour effet de suspendre la marche des deux puissances germaniques. Elles y ont répondu en alléguant qu’elles ne pouvaient rester plus longtemps inactives et, pour prévenir l’intervention de la Diète allemande, elles vont entrer elles-mêmes dans le Schleswig et l’occuper à titre de gage afin de contraindre le Danemark à remplir ses obligations et d’écarter les chances d’un conflit entre ce pays et la Confédération. Vainement, la France a fait observer que l’intervention des deux Puissances offrait le même danger que celle de la Diète et que d’ailleurs la possession du Holstein était déjà entre les mains des Etats confédérés un gage suffisant, Vienne et Berlin n’ont rien voulu entendre. Leurs armées sont entrées dans le Schleswig, le sang a coulé et la guerre continue.

« C’est en vain que les deux Cabinets reconnaissent le principe de l’intégrité établi par le traité de 1852, on peut craindre que les vainqueurs ne soient exposés à subir des entraînemens. Dans cette circonstance, le gouvernement impérial ne saurait voir avec indifférence un peuple de deux millions d’âmes aux prises avec deux des plus grands Etats de l’Europe et consent d’avance à toute démarche propre à arrêter l’effusion du sang. »

Voilà certes qui témoigne d’intentions excellentes. Mais les intentions ne suffisent pas toujours et l’expression de celles du Cabinet des Tuileries ne pouvait être que platonique envers des gens résolus à ne pas se laisser arrêter en chemin par de vagues paroles. Pour leur donner toute l’autorité qu’elles devaient avoir, il aurait fallu se montrer prêt à les appuyer d’une action effective. Cette action, si elle avait été annoncée dès le début de la crise, aurait eu sans doute d’heureux résultats sans qu’il fût nécessaire d’y donner suite. Il y a eu là une faute initiale qui reste à la charge du gouvernement impérial, bien que, à mon avis, d’autres en soient responsables au même degré que lui : ceux qui pouvaient intervenir avaient, volontairement ou non, fait le jeu de la Prusse. Les conséquences ont été ce que l’on sait. La guerre de 1866 a été fatale à l’Autriche ; celle de 1870 l’a été à la France et pèse encore sur elle.

En présence de ces résultats, est-il possible de nier les fautes du gouvernement français, durant la période qui les a préparés ? On ne peut contester davantage qu’il aurait pu les empêcher, non plus peut-être en 1866, mais en 1864, lorsque existait encore plus d’un moyen d’empêcher la Prusse de s’approprier les duchés de l’Elbe. En laissant à la Prusse la liberté d’agir à son gré, a-t-il espéré obtenir des dédommagemens territoriaux du côté du Rhin ? En ce cas, il ne tardera pas à se convaincre qu’il s’est trompé et malheureusement il ne sera pas seul à subir les conséquences de son erreur.

L’ouvrage qui m’a inspiré l’étude et les réflexions qu’on vient de lire comprend actuellement, je l’ai dit, neuf volumes. Le huitième se clôt sur une dépêche en date du 3 mai 1866, écrite par le duc de Gramont, ambassadeur de France à Vienne, à Drouyn de Lhuys. Il y est dit « que le projet de désarmement réciproque sur lequel l’Autriche et la Prusse étaient tombées d’accord est définitivement repoussé par le Cabinet de Berlin. » Désormais donc la guerre est inévitable et quand l’Autriche sera vaincue, les ambitions de la maison de Hohenzollern pourront librement se réaliser. La leçon à tirer de cette publication, qui remonte si haut pour rechercher les origines de la guerre de 1870 et qui aurait pu remonter plus haut encore, est enfermée dans le vieux mot latin : principiis obsta. On a dit que Bismarck avait été si fort encouragé dans son audace par l’abstention de l’Europe en 1864, qu’il avait cru que tout lui serait désormais permis et qu’il pouvait effectivement tout se permettre. Il ne s’est pas trompé. Quand nous avons voulu l’arrêter, il était déjà trop tard, et il a construit sur nos ruines l’immense édifice qui, pendant quarante-quatre ans, a pesé sur le monde d’un poids si lourd. Peu de lectures sont aussi passionnantes que celle des huit volumes que nous a déjà donnés M. Joseph Reinach, et nous n’en connaissons pas de plus propre à nous instruire des procédés que la Prusse a employés au profit de sa fortune et au détriment de la nôtre.


ERNEST DAUDET.

  1. Les Origines diplomatiques de la guerre de 1870-1871. Recueil de documens publiés par le ministère des Affaires étrangères ; 8 vol. in-8. Paris, Gustave Ficker.