1914-1916 : poésies
Mercure de France (p. 119-121).

SOLDATS


« Nous voici. Nos voix sont fortes,
Car nos cœurs sont glorieux
Et le pas de nos cohortes
Semble une marche de Dieux ;

« Nos visages sont farouches
Sous nos casques faits d’acier
Et nous avons dans nos bouches
Un âpre goût de laurier ;


« Nos mains sont noires de poudre,
Et l’on voit sur notre peau
Les mêmes traces de foudre
Que sur les plis du drapeau ;

« Nos semelles de cuir rude
Sont lourdes au pied pesant,
À Verdun comme à Dixmude,
D’avoir marché dans du sang…

« Ne regarde pas nos nippes
Sales et nos pieds boueux,
Ni nos bidons, ni nos pipes.
Regarde plutôt nos yeux,


« Car ce qu’ils ont vu, prodige
Que nul autre n’égala,
Ce qu’ils ont vu, c’est, te dis-je,
La Victoire, ces yeux-là ! »


14 septembre 1916.