0° cocktail (Recueil)/Cette heure qui est entre l’hiver et le printemps

0° cocktailChampion, coll. Les Amis d’Édouard (p. 59-84).
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CETTE HEURE QUI EST ENTRE L’HIVER ET LE PRINTEMPS…


I

Une lumière nouvelle s’étire avec une grâce insolite sur la montagne soudain plus lointaine, fondue dans le ciel. Cette heure qui est entre l’hiver et le printemps, dirait Claudel, est une heure femelle, une heure chatte, douce avec d’aigres retours, joyeuse avec une tristesse subtile qui s’insinue jusqu’au cœur et le rend lâche.

De la tristesse… Pourquoi ? Cette lumière est belle, ce paysage est beau. Sur les reliefs ciselés par l’hiver, dur sculpteur, sur le cobalt éblouissant de l’horizon, une brume transparente a passé l’estompe. Les plans reculent, le ciel s’allège, s’aère, laisse flotter des nuages dans la trame plus molle de l’éther ; le soleil n’est plus ce feu blanc d’arc électrique qui projetait sur la neige l’ombre des sapins en une masse unie, d’un bleu profond : il est déjà vermeil et lorsqu’il décline, la lumière frisante de ses rayons dore les contours. Des touches de gris se mêlent aux ombres, brouillent finement les traits du dessin, naguère si pur.

Est-ce cela que je regrette, ces beaux traits pétrifiés, cette perfection de Gorgone que l’hiver donne à la terre ? N’est-ce pas simplement l’animation du village, qui retombe peu à peu à son assoupissement savoyard, ses rues, où la neige commence de fondre en pâte noire, de nouveau livrées au va-et-vient des bestiaux et à leurs bouses placides ? Le flot des hivernants se retire, abandonnant un limon de monnaie qui sera peu à peu transformé en prés, en ruches ou, hélas ! en hôtels. À la terrasse de l’isba, dont le soleil chauffe les planches, quelques attardés savourent les derniers cocktails ; l’après-midi n’en finit plus et pour tromper les heures le haut-parleur du phonographe parle son jazz dans le désert. Encore une semaine et le petit chasseur, ayant mis de côté pour l’année prochaine son sourire et son clin d’œil, remplacera sa toque à jugulaire par une casquette fatiguée et remontera vers la ferme de ses parents, pour les semailles.

Le décor de la fête hivernale s’effondre. Il n’y a plus que des malades étendus sur leurs chaises-longues et qui se réjouissent quand le vent devient tiède. Et puis une poignée de sportifs obstinés, en rébellion contre le code mondain qui leur ordonne d’aller figurer maintenant sur la Côte d’Azur ou de rallier Paris. Ceux-là sont pareils à ces danseurs qui retrouvent à l’aube de nouvelles forces et quittent les salons où les lustres s’épuisent pour aller danser sur le gravier blêmissant du jardin. La neige de Février, toute molle, a fondu. Ils attendent la neige de Mars.

Maintenant que le soleil s’attarde à l’horizon jusqu’à cinq heures du soir, les pentes exposées au sud n’y tiennent plus. Elles ont commencé par se creuser de fissures et de rigoles — et cela serrait le cœur, de voir la neige se rider. Ce visage de vieille vierge, tout grimaçant comme s’il allait pleurer, après la splendeur hautaine qu’on lui avait connue…

Puis est apparue, par places, la toison roussâtre, courte et brûlée qui fait si bien comprendre que la terre est un fauve et que son pelage mue ; la mollasse détrempée, aux sphaignes couleur de rouille, s’est mise à vivre avec une incroyable avidité, à pousser un duvet d’herbe verte, de pâles fleurs jaunes et les petits cornets blancs et violets des crocus, à ras du sol.

Un vent tiède, écœurant, a précipité la débâcle. Plus une moucheture de neige aux arbres, partout des bruits de source et cette insolence des bourgeons… Ne laisseront-ils pas le bel hiver mourir en paix ?

Cependant, les pentes du nord restaient blanches, dernier rempart. En quelques heures, tout a changé : le vent apaisé, le soleil disparu, on s’est trouvé au centre d’un enveloppement de nuages jaunâtres, fourmillants de points gris. Et pendant deux jours il a neigé : de la bonne neige de Mars, en flocons serrés, ronds et fins, grésillants. Elle a nappé le sol, encapuchonné les arbres : on ne voyait même plus dans les branches la flamme rousse des pommes de pin.

Le paysage tout blanc est frais comme la mer que l’on retrouve. Une joie oubliée bondit dans le sang. C’est aujourd’hui qu’il faut monter jusqu’au col où le vent souffle si fort qu’il vous plaque contre la cabane de bois et de pierre sèche, les oreilles pleines de cloches et les dents serrées. Grande âpreté de la montagne, défendez-vous, défendez-moi contre l’approche en lacets de ce printemps sournois, triste et méchant comme l’adolescence.

On passe un ruisseau, et l’eau murmure sous les galets coiffés de blanc. On longe un ravin et une petite note obstinée vous poursuit : c’est la mésange qui essaie son chant, écolier malhabile étrennant un sifflet.

Un corbeau part d’un bosquet de coudriers : son aile lourde a effleuré les branches et vaporisé dans l’air une poudre de givre et de pollen mêlés. L’odeur descend doucement, l’odeur étrangement complexe et vivante — miel, foin et duvet — que l’on respire au fond d’une fleur, lorsqu’on plonge le nez dans le buisson animal des étamines. Regardez les bourgeons éclatés, leur fourrure jaune de frelons débordant d’un corselet de peluche grise : voilà d’où vient l’odeur.

À mesure qu’on s’élève, le soleil devient brûlant. C’est encore trop, sous ses rayons, d’une chemisette de linon fin. Pénétrer sous les sapins, l’étoffe mince collée à la peau, c’est comme si l’on passait sous la manche à air d’un paquebot : une vraie douche. Ha ! l’air pur et froid, enfin, l’alcool de neige, conservé à l’ombre des branches ! Mais un baume l’alourdit, une secrète essence huileuse : là aussi, les bourgeons roses et bruns, gluants de sueur résineuse, distillent leur encens.

Passé le dernier ravin, on arrive dans un cirque éblouissant dont il faut gravir les pentes. Neige et ciel. Comme il est lointain, aujourd’hui, et pâle, et vaporeux, ce ciel qui semblait en Janvier, si proche et d’un bleu opaque, relié à la terre par la charnière de la montagne. Et ce cirque blanc, on l’imagine déjà tel qu’il sera sous les feux de l’été : un sec alpage étoilé de chardons d’argent, avec des éboulis de pierraille à la place de ces éboulis de neige dont se détachent par moment de petits blocs qui roulent le long de la pente en laissant derrière eux une trace d’une ravissante délicatesse : tatouage en creux, à faire rêver un sorcier nègre. Dans une heure, le soleil aura tout effacé.

Voici le col, voici la cabane, enfin voici le vent. Il est tel que je l’attendais : un terrible coup d’aile, et glacial. Vite, les chandails et les moufles de laine. Mais les moufles sont mouillées, d’être tombées dans cette neige lourde que le soleil désagrège en eau. Le vent mord cruellement les mains désarmées. Tant pis, allons affronter l’ange impitoyable. Ange, aigle, loup, vent des hauteurs, magnifique adversaire…

Ouiche ! il faut bientôt se réfugier dans l’écurie encombrée de fagots, qui sent le poil de vache. On se dérobe, les membres contractés, les larmes aux yeux. De froid ? Ou bien de se sentir indigne ?

Quoi ! n’est-ce pas l’hiver que j’étais venue chercher ? Le voilà, l’hiver, j’en ai la crampe aux mains. Non, l’hiver n’est pas là. Il est là et il n’y est plus. Il fuit à travers cette heure diaphane qui est entre l’hiver et le printemps. Il fuit, et avec lui la bravoure de la chair dure, l’allégresse des muscles bandés, du cœur chaud, du nez mourant de froid, des joues pelées toutes vives par le vent aux mille couteaux…

Hélas ! Penthésilée, tu n’es plus bonne qu’à épier la première violette au bord du ruisseau libéré !

Mais pourquoi méconnaître le sourire unique de cette journée ? Les lointains profonds dont une buée argentée confond les plans, l’or subtil coulé dans l’air, les verts naissants dans la vallée, la ramure des saules et des bouleaux comme une fumée grise sur une colline découverte et rousse, et le contraste violent de la neige et des sapins, plus haut — ce paysage ambigu rayonne une volupté fine.

Et tout à l’heure, pendant la descente, il y aura des moments inoubliables. Par exemple, cette glissade sous bois, le long d’un sentier au sol durci — et les chutes héroïques, parce qu’un branchage encombrait la route ou parce que le mince cheveu de l’équilibre s’est rompu — et, durant qu’on se frotte les reins, on entend frémir le bois sous le vent doux et jaillir des chants d’oiseaux.

Le bruit d’un torrent éveille la soif. Ma camarade se penche sur ses bords frangés de neige, emplit un gobelet d’eau pure. Les yeux de la jeune fille, bleus comme des campanules, son teint verni au brun étrusque par le hâle de la journée, disent la joie de vivre. Elle rit ; le soleil oblique, à travers les branches, l’entoure d’un halo qui bouge. Puis, quand nous sortons du bois, cette fin de journée paisible, dorée, où la lumière décline sans effet théâtral, sans coloris violents, à l’horizon vaste et comme détendu…

Oui… Cela est exquis. Cela, pourtant, ne triomphe pas de souvenirs nostalgiques : l’haleine froide et le ciel flamboyant des crépuscules de Janvier, précédant une nuit brusque et compacte qui engloutissait tout, sauf le reflet livide de la neige.

La vision d’une caravane cheminant à flanc de montagne sous un couvercle de nuages gris : des flocons se mettent à tourbillonner, on ne voit plus rien des distances, on est perdu dans l’infini ; des voix disent : « Quel sale temps ! comment va-t-on descendre ? » et l’on feint d’être ennuyé, mais au fond de soi chacun éprouve un ravissement inexprimable.

Une autre vision, par temps clair : certaine cabane isolée sur un sommet, au milieu du silence, comme au centre d’un cube de cristal. Pas une voix, pas un être. Le panorama figé, le ciel dense, tout cela d’un bloc. Et l’espace, un désert de lumière. On a l’impression d’avoir touché le fond de l’océan, mais de l’océan d’en haut.

Pourquoi ces souvenirs me poursuivent-ils ? Est-ce le regret de quelque chose de fini ? Serons-nous toujours des enfants rechigneurs que la Nature entraîne à grands pas et qui tournent la tête en arrière et trébuchent ?

Je ne veux pas donner ce spectacle ridicule. Je veux me soumettre à l’ordre des saisons, et qu’elles me sourient d’un visage égal. Vienne donc le printemps : puisque l’heure est passée, je n’irai plus chercher dans la montagne une exaltation dont le secret m’échappe.

Je pense ainsi en déchaussant mes skis, car nous sommes arrivées à la limite de la neige. Nous descendrons à pied par le chemin boueux, dans le beau et lent crépuscule. Contentes ?

Ah ! prétendre nous satisfaire par le raisonnement, c’est vouloir épuiser la mer avec un seau. Épictète pourrait bien me flanquer à droite, Marc-Aurèle à gauche : ces messieurs bien pensants n’empêcheront pas que ne me poisse à l’âme je ne sais quelle mélancolie.


II

Trois mois plus tard, au cinéma des Ursulines.

On passe des vues documentaires sur les mœurs des insectes aquatiques. La poésie prodigieuse de ces sortes de films n’est plus à dire : les moins sensibles l’éprouvent. Mais l’inexprimable, l’imprévisible, ce sont les rapprochements qu’ils nous suggèrent, les éclairs que cette révélation visuelle d’une vie ignorée ou connue seulement par nos facultés abstraites peut projeter sur les tréfonds de notre propre vie.

Je regarde, sur l’écran, tournoyer au bout d’une branche le cocon qui renferme une chrysalide. Voici le moment où l’insecte s’éveille et va sortir de son enveloppe. Le sac allongé, assez semblable à un noyau d’olive rugueux, s’agite, se déforme, par l’effet d’une convulsion interne et c’est inquiétant, comme chaque fois que nous constatons les manifestations de la vie sous des apparences inanimées. Ce cocon qui se boursoufle et va se fendre insulte à nos habitudes comme un caillou qui se mettrait à chanter.

Une ouverture s’est faite, quelque chose apparaît. Animal ? plante ? On ne sait. Sous une figure encore brouillée, imprécise, c’est le douloureux désir qui s’efforce vers la lumière. Il faut voir le travail frénétique des pattes et des mandibules, dégagées les premières, les spasmes du corps engaîné. À demi sortie du cocon, avec sa grosse tête, ses ailes collées au corps, la momie de tout à l’heure ressemble pendant un instant à un Bédouin traînant ses voiles : elle se balance de droite et de gauche, comme pour une lente lamentation, et sa peine est si lourde qu’on en est oppressé. Mais l’enveloppe fibreuse adhère encore, coiffe l’abdomen trop mou : alors l’insecte s’opère lui-même, coupe, cisaille, arrache. Le voilà libre enfin : c’est tout juste s’il a la force de se traîner jusqu’à l’extrémité de la branche, où il demeure aplati, gourd, mouillé, succombant sous un éblouissement confus. Le cocon déchiqueté virevolte au vent : toute la joie est en lui, qui a fini sa tâche.

Devant cette vision, et sans que ma conscience y soit pour rien, voici que s’éveille cette mémoire des sens qui précède et contient toute idée, au moins pour nous, femmes. J’entends de nouveau le sifflet de la mésange écolière, je revois le ravin, les bourgeons de coudrier éclatant en fleurs velues, la lumière d’or pâle coulant sans bruit sur le paysage ambigu, la jeune fille aux yeux de campanule puisant une eau mêlée de neige et riant sous les rayons obliques, et je retrouve intacte, et vive à croire que je viens de l’inventer, la tristesse qui, ce jour-là, doublait chacun de nos plaisirs.

Pourquoi ces impressions : la vision du film, le souvenir de la journée en montagne — se sont-elles juxtaposées ? Qu’est-ce que cela veut dire, sinon que l’une est la clé de l’autre ?

Ce jour où je m’en allais dans la neige de Mars, bien plantée sur mes deux pieds et pour le reste à peu près aveugle et sourde (la grossièreté de nos sens est à faire pitié ; il est vrai qu’elle préserve fort heureusement notre égoïsme), ce jour-là, je n’étais pas à même de saisir le message de l’heure. Seule une perception vague, trop vague pour la raison, mais d’autant plus tenace, m’avertissait.

Aujourd’hui, grâce au témoignage de l’objectif qui a su voir pour moi, je comprends l’avertissement. Il y avait, sous toutes les brindilles, des sacs pareils à celui-ci, où commençait à s’étirer une douleur. Et d’autres dans la terre : les graines. Et d’autres sur les branches : les bourgeons. Et dans chaque cellule de la sève et du sang, et peut-être même dans la lumière, battait la pulsation avide et malhabile de la vie à son commencement. Et ce n’était pas gai. Le printemps n’est pas gai, pas plus qu’une naissance.

Alors, cet attrait de l’hiver, cette plénitude regrettée ? C’est le beau visage aux yeux clos du renoncement. L’hiver nous fait aimer la mort. C’est-à-dire, la mort physique, car la rigidité de ses formes inaltérables ne dessine pas la figure du néant, mais celle de l’éternité : une grandiose image de concentration spirituelle. Dans la montagne, plus que partout ailleurs, quand on a franchi les dernières zones de la vie sensible, et qu’on arrive au sommet nu où ne parvient plus la poussière — cette monnaie de notre usure quotidienne — on est saisi par la présence d’une Pensée dont la densité parfaite est sans poids, dont l’immensité n’a pas besoin de l’espace. S’il est un lieu où l’esprit monologue, c’est là. Et le corps ? En abaissant le regard, on le découvre, muet, qui a renoncé à s’exprimer par la couleur, ce corps de la terre dont les lignes sculptées par la lumière ont retrouvé leur vigueur essentielle. Les sinuosités du paysage d’hiver dessinent bien la frontière de la vie concrète : au-delà est un domaine au bord duquel on reste suspendu, contracté par une merveilleuse angoisse. Et, dans cette angoisse, la sensation de l’accomplissement : le fond de l’océan, touché.

Peut-être la géométrie réserve-t-elle pareille ivresse à ses élus. Sûrement, l’ascétisme et au suprême degré, la contemplation mystique : mais ce sont là des voies extraordinaires.

La méditation de midi, sur un piton neigeux, par temps clair de Janvier, est accessible à tout le monde — cardiaques exceptés. J’entends bien ce que m’objecte la voix moqueuse : que la méditation de midi consiste, pour la plupart, à dévorer du saucisson et à parsemer la neige de pelures d’oranges. Paix, Caliban ! Je ne songe pas à nier le saucisson. Il est vrai que cette caravane d’alpinistes, si on lui demandait les raisons de sa joie, alléguerait l’oxygène, l’appétit, les globules rouges. Cependant, ils s’en vont, tout à l’heure, peiner dans la neige pour monter plus haut, endurer le froid, la fatigue ; cette nuit, ils étendront leurs membres endoloris sur la paillasse d’un refuge en contemplant par le carreau trouble des milliards d’étoiles, leur seule compagnie. Moines sans le savoir, ils livrent leur chair à la poigne rude de l’hiver, quêteur d’âmes. Ils redescendront fourbus, et joyeux extraordinairement. S’ils n’ont pas pénétré les causes de leur allégresse, qu’est-ce que cela fait ? On ne demande pas aux combattants de comprendre la victoire, mais de la gagner.

Et c’est bien une atmosphère de victoire qui rend si précieuse la morsure des journées claires, des nuits glaciales. On ne se lasse pas de boire à cette coupe de Walkyrie l’illusion de l’absolu, du grand triomphe. Jusqu’au jour où vous envahit l’inquiétude d’un fléchissement. Cette heure qui est entre l’hiver et le printemps, c’est l’heure où l’esprit s’aperçoit qu’il ne se suffit plus à lui-même. Première défaillance, long frisson du découragement. Plus tard, la joie viendra, parée de toutes les séductions, et on aimera la défaite. Pas maintenant. Maintenant, c’est l’heure où la neige devient boue, où le pur cristal se désagrège, où la méditation virile et sûre qui s’élevait au-dessus du sommeil extatique de la terre se dissout en vapeurs. Et les membres de la guerrière deviennent lourds dans sa cuirasse amollie. Et de toutes parts la vie charnelle monte à l’assaut, avec ce visage que je viens de lui voir à l’écran : informe, convulsif, une douleur forcenée.

Si l’on accepte de rêver sur le dogme de la résurrection des corps, il faut convenir que le christianisme est passé maître dans l’art de créer du tragique : peut-on imaginer sans accablement le désarroi de ce grand Printemps, et l’effroi de la cendre apaisée qui sentira sourdre à travers son repos le cheminement de taupe du sang vorace ?

Mais n’est-ce pas trop rêver ? Il ne songeait guère au Jugement Dernier, ce skieur vêtu d’un caleçon et de ses bas de laine, qui se rôtissait le torse, à deux mille mètres, aux rayons du soleil de Mars.