Œuvres posthumes (Verlaine)/Qui veut des merveilles




QUI VEUT DES MERVEILLES…

REVUE DE L’ANNÉE 1867
PAR PAUL VERLAINE ET FRANÇOIS COPPÉE

QUI VEUT DES MERVEILLES

REVUE DE L’ANNÉE 1867

par paul verlaine et françois coppée



PROLOGUE


Le HANNETON dans un vague paysage

Précieux abonnés, aimables acheteurs,
Au numéro, deux très-spirituels auteurs
Vous offrent le fruit de leurs veilles,
S’étant promis, afin de vous voir égayés,
D’imiter ces fusils récemment essayés
Et de faire aussi des merveilles.

Donc, sans ordre et donnant au diable les vieux us,
Ils vont vous faire avec ces rimes de Crésus
Dont maint Legouvé s’exaspère,
Le tableau de l’an mil huit cent soixante-sept,
Sans marcheuses offrant la fleur de leur corset,
Sans trucs vieillis et sans compère.

Au rideau ! Voici les trois coups du régisseur.
Ne demandez pas des nouvelles de leur sœur
À leurs scènes sans buts ni suites.
Les auteurs sont émus ; car c’est leur premier pas.
Mesdames et messieurs, ne les accablez pas
D’un déluge de pommes cuites.


Scène I

l’intérieur d’un wagon de train
de plaisir lancé a toute vapeur
le commis-voyageur à un père de famille

Vous venez à Paris pour voir le Champ-de-Mars ?

le père de famille

…De Condé-sur-Noireau, Monsieur.

le commis-voyageur

Les cauchemars
Causés par les courriers que signe Biéville
Sont moins affreux que les dangers de la grand’ville,
— Le saviez-vous ?

le père de famille

Mon bon monsieur, éclairez-nous,
Regardez. Ma famille embrasse vos genoux.

le commis-voyageur

Homme des champs ! il faut tout d’abord que je sache
Quels roubles, quels louis, quels écus à la vache,

Quel ventre de cagnotte ancienne, quel trésor
D’émigré qui dans sa paillasse mit son or,
Quels dollars d’Amérique et quels doublons d’Espagne,
Vous avez pris avant de vous mettre en campagne ?

le père de famille

Nous avons cinq cents francs pour quatre.

le commis-voyageur
Homme des champs,

Votre famille et vous, vous êtes très-touchans,
Et, rien qu’en prévoyant votre sort, je sanglote.
Universel, cosmopolite et polyglotte,
Paris est maintenant lin nouveau paradis
Où se paye un louis la botte de radis.
Votre gousset, chez les gargotiers où l’on dîne,
Sera nettoyé dès la première sardine.
Quant aux chambres d’hôtel, on ne peut y songer
Qu’en s’ornant le patron d’un ruban étranger.
Les nouveaux omnibus prennent trois francs la course,
Honte ! et les strapontins sont cotés à la Bourse.
Croyez-moi. Retournez vers les bords plus cléments
Du Noireau.

le père de famille

Renoncer aux embellissements
De Paris, aux splendeurs des époques modernes !
Nous mendierons la soupe aux portes des casernes.
Monsieur, et nous irons coucher dans les platras.

la mère de famille

Mais…

le père de famille

Pas un mot de plus, ma femme.

(La locomotive qui saute).

Patatras !!!

(Accident de chemin de fer. — Horribles détails.)
quelques voyageurs en compote

— Mon pied ! — Mon cubitus ! — Mon oreille ! — Mon né !
— Ma cuisse ! — Mon tendon d’Achille !

le père de famille

Heureux qui né
Dans un humble hameau n’en quitte point l’asile !

une jeune personne

Ah ! maman ! j’ai mal à la…

la maman

Taisez-vous, Lucile !

La fumée des wagons incendiés voile cette scène d’horreur, et le machiniste du Hanneton profite de la circonstance pour changer le décor.)

Scène II

(Une petite dame poursuit un fiacre et supplie le cocher qui fouette ses chevaux en sifflant l’air : Comme des perles, les étoiles…)
la petite dame

Cocher, cocher, cocher !

le cocher

Mon œil !

la petite dame

Joli cocher,
Cent sous pour vous !

le cocher

Du flan !

la petite dame

Ne peut-on vous toucher ?
N’avez-vous pas de cœur ?

le cocher très-spirituel

Non. J’ai la quinte à trèfles.

la petite dame

Puisque je ne vais pas au Champ-de-Mars !

le cocher
Des nèfles !
la petite dame

Cocher ! gros chien chéri ! vers toi je tends les bras,
Et je te donnerai tout ce que tu voudras.
Arrête ! gracieux cocher ! — Pas de réponse !
Je ne serai jamais à l’heure chez Alphonse.
— Arrête ! et si je pus te déplaire, pardon !
Hélas ! ayez pitié ! mon bel automédon !
Car je suis à vos pieds. — Je ne suis qu’une femme,
Mais je puis te donner mon amour et mon âme !
Conduis-moi seulement, et demain viens me voir
Chez moi, dans la journée ; et pour te recevoir,
Mon ami, je mettrai des peignoirs de batiste
Et tu seras traité, vois-tu, comme un artiste.

Aujourd’hui, conduis-moi, j’ai beaucoup de chemin
À faire. Conduis-moi ! tu m’aimeras demain.

le cocher descendu de son siège

Allons ! Je le veux bien ! Mais puisque tu m’adores,
Montons dans le sapin ; j’en vais baisser les stores.

(À cette mise en demeure, la petite dame tombe inanimée sur le macadam. — Changement de décor).

Scène III

la nacelle du ballon captif de l'exposition
premier prudhomme

Ah ! que l’homme est petit alors qu’on le contemple
De si haut !

second prudhomme

Et lui-même est-il petit, ce temple
Qui sert de rendez-vous à mainte nation !

Ici le câble du ballon se casse. L’aérostat disparaît dans les airs. Il faudrait Henri Monnier pour dépeindre l’effroi des deux Prudhommes ci-dessus : c’est pourquoi nous y renonçons, bien qu’avec peine.)
(Le décor change.)

Scène IV

l’exposition proprement dite
un anglais

Aoh ! yes, je venais voir l’Exhibition
Et je voulais savoir comment on s’y comporte
Pour n’être pas flanqué dans le sein de la porte.

gavroche

Si ce n’est que cela qui vous gêne, je puis
Dire à la Vérité de sortir de son puits.

(Il déclame sur un rhythme de Ronsard.)


Cherchons d’abord un mètre,
Pour dire, ô Gazomètre,
L’étonnante splendeur
De ta hideur.

Où trouver des fanfares
Pour vanter tes deux phares
Éclairant sur les quais
Les tourniquets

Quels fifres, quels trombonnes
Diront combien sont bonnes
Les œuvres d’art en zinc
Du groupe cinq,

Et combien est utile,
À l’humain projectile,
L’inodore décent
Du groupe cent ?

(Il continuerait probablement très-longtemps sur ce ton ultra-lyrique, si l’Anglais, moins curieux de la poésie française que des choses pratiques, ne l’interrompait à la quatrième strophe pour lui dire :)

Je n’aimais pas du tout ce bizarre façonne
D’exprimer vous ; parlez un langage plus bonne,
Et dites-moi d’abord ce que c’étaient que ces
Créatioures, et comme on les nomme en français.

gavroche

Biches, à votre choix, mylord, crevettes, grues,
Trumeaux, cocottes ou cocodettes. Les rues
Savent leur âge et les omnibus ont avec
Elles plus d’un rapport. — Total : cent sous. — Prix sec.

l’anglais, rougissant.

(Se ravisant :) Aôh schoking ! —

Je voulais rigoler avec cette

Petite cocodette ou cocotte ou crevette
Ou grue ou biche qui porte des suivez-moi
Jeune homme si longs.

(Gavroche lui fait dans le tuyau de l’oreille des révélations énormes, touchant la personne en question.)
l’anglais, ponceau

Aôh ! alors je tiens moi coi !

(Gavroche, qui tient à placer son rhythme de Ronsard, profite de la surprise douloureuse de l'insulaire pour s’écrier :)

Mais Sallot nous réclame,
Qui d’un revers de lame
Guérit les maux de dents
Les plus ardents.

Vers les lieux qu’il habite
Vole et se précipite
Un amas furieux
De curieux,

Dont l’Anglican profite,
Glissant au néophyte
Doucement dans la main
Son parchemin !…

(Un peu soulagé, Gavroche s’arrête et regarde le fils d’Albion qui paraît en proie à d’étranges pensers. Il jette autour de lui des regards anxieux, son corps, par une expressive pantomime, a bientôt révélé à l’esprit subtil de Gavroche ses inexprimables besoins).
gavroche

Ma vieille ! j’ai compris — là-bas, sous la verdure,
Sont deux dames dont l’une est jeune et l’autre mûre ;
Gardiennes d’un noir dépôt, qui voudront bien,
Moyennant des égards nombreux, ô mon gros chien,

Et deux ou trois louis t’ouvris de sombres portes
Et t’offrir du papier, couleur des feuilles mortes.
Et quant aux appareils, je déclare immortels
Leurs inventeurs, car ils sont merveilleux, et tels —
Je ne t’en ferai pas plus longtemps un mystère —
Qu’ils n’en ont pas, qu’ils n’en ont pas dans l’Angleterre !

(L’Anglais file vers les lieux désignés. Gavroche va ouvrir quelques portières. — Le décor change.)

Scène V

au théâtre-français. — la première d'hernani
tous les spectateurs, moins un

Bravo ! bravo ! bravo ! bravo ! bravo ! bravo !

un vieux refroidi (qui voudrait bien tirer sa clef de sa poche, mais n’ose, de crainte qu’on ne la lui fasse avaler.)

De mon temps on faisait des fables. — Ce nouveau
Public n’a pas le sens délicat. — Monsieur Luce
De Lancival, le seul poète que je lusse
Et que lussent les gens doctes d’alors, était
Un fier esprit que son époque reflétait.
Belle époque ! L’abbé Delille, un romantique
Pourtant déjà, tenait la grande lyre antique

Et Parny célébrait les belles et les ris !
Le bon goût régentait la province et Paris ;
L’Odéon jouait ma Suite à la Thébaïde
De Racine !… ô le temps passé ! —

delaunay, sur la scène.

Vieillard stupide !

(Le décor change).

Scène VI

chez mademoiselle hortensia, actrice de genre célèbre
Un très riche appartement : portraits d’hommes aux types aussi accentués que dissemblables, en costumes éclatants ; deux immenses cornes de bœuf, dorées du reste, se dressent des deux côtés de la cheminée qui fait face au spectateur — symboles d’hymens successivement nombreux en même temps que préservatifs efficaces contre quelque jettatura ambiante ; sur une table de marqueterie est entr’ouvert un coffret plein de bijoux).
judas gugenheim, revendeur, continuant une conversation commencée

Pas un maravédis de plus, en vérité !

hortensia, somptueux déshabillé.

Pourtant…

gungenheim, sordide.

Pas un de plus, j’ai dit.

hortensia

Quel entêté
Vous faites ! Des bijoux exotiques…

gungenheim

Quand même
Ils seraient Kurdes j’ai donné mon prix suprême.
Oui. Non. Réfléchissez, il en est temps encor.
(Désignant les bijoux d’un doigt méprisant.)
D’ailleurs, toc, galvanoplastie et similor !

hortensia, indignée.

Du toc ! — Un bracelet donné par mon monarque
Abyssin, mon beau nègre aimé ! — Du toc ! — La marque
Du contrôle est visible, et quant au diamant,
S’il est faux je veux bien vous prendre pour amant
De cœur. — Du similor ! Veuillez moins me la faire
À l’oseille : un collier qui me parvint du Caire
Un mois avant l’auguste arrivée et l’amour
Suave du plus fort des Turcs ! Voyez ! le jour
Pénètre, allume et fait flamboyer les topazes
Et métamorphose en éclairs les chrysoprases !
J’enpasse, et des meilleurs. — C’est de la galvano-
Plastie, hein ? ce camée, offre d’un Hispano-
Américain qui m’a su plaire, le pauvre ange !
Et ce nœud de rubis plus vaste qu’une orange
Toc, peut-être ? — Il me vient — tais-toi, mon cœur, tais-toi
De l’Empereur Machin Quatorze, — non du Roi
Balandard Cinq, ce vieux si simple en sa toilette
Et qui se contentait d’une pure omelette

À déjeuner. — De quoi parlais-je ? — Ah ! bien, j’y suis.
Voyons, mon cher monsieur Gugenheim, vingt louis
De plus ?

gungenheim, brusquement

Soit, au comptant, et vingt pour cent d’escompte,

hortensia, extatique.

Tope là, vieux voleur !

(Gugenheim met les bijoux dans ses poches paye lentement et minutieusement, se fait délivrer un reçu, salue et sort. — Entre un crevé.)
hortensia, minaudant.

Bonjour, monsieur le comte.

(Le décor change.)

Scène VII

à l’académie française
le récipiendaire, homme jeune encore.

Messieurs, si j’ose ainsi m ’exprimer, la faveur
Immense dont je suis…

une dame

Il a l’air d’un coiffeur !

le récipiendaire

…L’objet de votre part m’embarrasse, mais elle
N’a rien d’étonnant pour qui connaît votre zèle

Alors qu’il faut choisir afin d’admettre dans
Cette enceinte, non pas des rêveurs imprudents
Qui, tout en possédant et l’esprit et le style,
Sucèrent le venin que ce siècle distille,
Mais au contraire des écrivains sérieux,
Délicats, pondérés, toujours plus curieux
Du suffrage…
(à ses collègues)
… des gens de goût…
(à l’auditoire)
des gens du monde,
Comme il en rese peu sur la machine ronde,
Si cette expression du fabuliste peut
M’être permise à moi, prosateur…

m. viennet

Il m’émeut
Beaucoup, et je suis très-inquiet de voir comme
Sortira du pétrin le malheureux jeune homme.

le récipiendaire

Et messieurs, puis-je même aspirer à ce nom
Pour quelque humble brochure orléaniste ? Non
Certes, et je sais bien que je suis peu de chose ;
Mais mes intentions sont pures, et, si j’ose…

Ici un de nos anciens généraux d’Afrique, endormi depuis le commencement de la séance, tombe bruyamment par terre, et cet accident suspend un moment le discours qui sera repris tout à l’heure et se terminera au milieu des applaudissements discrets de l’illustre aréopage.
(Le décor change.)

Scène VIII

la terrasse du café de suède à cinq heures du soir
garçons de café, courant en tous sens.

— Un bitter pavillon ! — Baoumm ! — Versez frontière !
— Le Hanneton ? Il est en mains.

premier échotier

Une portière…

premier joueur de dominos

As partout.

deuxième joueur de dominos

As et six.

premier joueur de dominos

Je boude.

deuxième joueur de dominos

Double six !

deuxième échotier

Ah ! mon mot de la fin est coupé par Francis
Magnard ; mais, pour ne pas me faire de réclame,
Il a soin de ne pas citer mon nom, l’infâme
Coupeur, qui n’a pas fait le Dernier Mohican.

gustave aimard

Présent !

alphonse duchesne

La loi Tinguy n’est pas bonne…

premier échotier

Un cancan…

un dîneur

Comment faire ce soir pour me garnir la panse ?

une dîneuse, qui en est à sa troisième consommation.

Hélas ! et nul crevé pour payer la dépense !

un jeune homme, à un de ses amis.

Colcassé se battit hier avec Vestoncourt
Au premier sang pour Cou-de-Marbre…

premier échotier

Le bruit court…

premier vaudevilliste

J’ai le titre : Le Gendre aux Nénuphars. La scène
Est à Bondy…

m. clairville

Présent !

deuxième vaudevilliste

Oui, pas mal. C’est obscène.
Parlons-en à Koning… — Et rien pour les genoux
De l’orchestre ?

premier vaudevilliste

On verra… Delval… — La faisons-nous ?

le chœur

Tiens ! Le Guillois !

le guillois

Je fonde un journal : l’Écrevisse
Dans la tourte.

le chœur

Excellent !

un homme de lettres

A-t-il assez de vice ?

le guillois

Charges par Penoutet. — C’est pour demain matin.

quelqu'un

La prime ?

le guillois

Une noisette à surprise.

premier échotier

Un potin…

(Le décor change.)

Scène IX

à l’arène athlétique
le régisseur, annonçant.

Monsieur Polyte, dit la Colonne impollue
Contre Larfaillou, l’Homme à l’aisselle velue.

(Les deux lutteurs s’empoignent.)
une dame sérieuse

Ce torse me rappelle un homme que j’aimais,

Ce torse tatoué d’un tendre emblème ! — Mais,
Si forts qu’ils soient tous deux, j’en sais un qui les tombe.

un naïf

Tiens, ce caleçon porte écrit : Gare la bombe !

(Les lutteurs redoublent d’efforts.)
une dame moins sérieuse que la précédente

S’ils portaient aussi bien que Dumaine le frac,
Ce serait un bonheur inexprimable…

un caleçon, se déchirant
Crac !!!
(La toile tombe avec un louable à-propos).

Scène X

l’antre d’un critique
M. Francisque Sarcey, vêtu de pantoufles et d’un coin de feu, et assis devant un harmonium Alexandre et Cie, laisse errer ses doigts sur cet instrument et improvise l’élégie suivante.)

Puisque dans le théâtre
Le plus français
Got n’est plus idolâtre
Du Dieu succès,


Qu’il va jouer le drame
À l’Ambigu,
Ce qui cause à mon âme
Un mal aigu ;

Puisque, malgré son zèle
Et ses appas,
La pauvre demoiselle
Royer n’est pas

Assez portée aux nues
Tous les lundis,
Puisque des femmes nues
Que je maudis

Au sein du ministère
Vont bafouer
Cette sociétaire
Qu’il faut louer ;

Puisque Augier s’exile,
Puisque Hernani,
Ce bandit imbécile,
N’a pas fini

De souffler, pitre obscène,
Dans son vieux cor
Sur la première scène
Qui soit encor ;


Puisque l’Alsace ingrate
N’a pas porté
About, ce démocrate,
Pour député,

Semblable aux fleurs vermeilles
Qu’on voit pâlir,
Je vais dans mes oreilles
M’ensevelir !

(Il s’y ensevelit en effet).
(Le décor change).

Scène XI

l'administration du chemin de fer de méry-sur-oise
(Le bureau des convois à la gare. — Un employé en casquette galonnée de larmes et de sabliers d’argent cause avec un monsieur en grand deuil).
l’employé faisant l’article

Nous avons pour conduire aux sépultures neuves
Un grand choix de wagons : — violets pour les veuves
Qui suivent leur maris — et blancs pour ceux qu’abat
La mégère Atropos pendant le célibat ;
— Puis, entre nous, car il se peut qu’on en médise,
Pour les pauvres, nos vieux haquets de marchandise.

Mais chez nous il n’est pas une chose qu’on n’ait
En payant bien ; et s’il s’agît d’un gros bonnet
Et qui sera suivi par d’illustres ganaches,
Nous avons des wagons superbes, à panaches,
Commodes, ventilés et ne manquant de rien,
Avec des boules d’eau chaude, où l’on est fort bien
Quand on veut jouir des beautés du paysage.
— Voici les règlements et les tarifs d’usage.
Voyez ; il sera fait selon votre désir.

le monsieur

Veuf d’aujourd’hui…

l’employé, obséquieux.

Monsieur veut un train de plaisir ?

(Le décor change).


ÉPILOGUE


(Le Paris de 1868 dans une apothéose a l’éclairage électrique. — Boulevards immenses et rayonnant en tous sens. — Casernes superbes. — Arbres emmaillottés à faux-cols de zinc. — Innombrables établissements de photographie).

les sergents de ville

De l’ordre gardiens taciturnes
Non moins que des chaises Tronchons,
Dans le sein du bloc nous fichons
Les tapageurs nocturnes.

les financiers

Aux lieux qu’il faut qu’on sous-entende
Notre papier fait ce qu’il sied
Tandis que nous levons le pied
Avec le dividende.

les petits crevés et les petites crevettes

Nos vestons courts jusques aux nuques
Nous donnent un galbe parfait.
Et nos chignons font leur effet
Même sur les eunuques.

les boulevardiers

Forts de notre mission sainte,
Nous sommes amis de Carjat,
Et Pelloquet plus que l’orgeat
Trempe dans notre absinthe.

les aïssaouas

Les tas d’ordures, les sentines
N’ont rien qui nous puisse écœurer,
Mais nous ne saurions digérer,
Ô Veuillot, tes tartines.

tous

Hanneton, vole, vole, vole,
Et va dans un rapide élan
Souhaiter bonjour et bon an
Au lecteur bénévole.

(Le Hanneton obtempérant prend son essor et envoie des baisers à droite et à gauche. — Feux de Bengale. — La toile tombe.)