Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Euphrosine

Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 71-72).


X[1]

EUPHROSINE


Ah ! ce n’est point à moi qu’on s’occupe de plaire.
Ma sœur plus tôt que moi dut le jour à ma mère.

Si quelques beaux bergers apportent une fleur,
Je vois qu’en me l’offrant ils regardent ma sœur.
S’ils vantent les attraits dont brille mon visage,
Ils disent à ma sœur : « C’est ta vivante image. »
Ah ! pourquoi n’ai-je encor vu que douze moissons ?
Nul amant ne me flatte en ses douces chansons ;
Nul ne dit qu’il mourra si je suis infidèle.
Mais j’attends. L’âge vient. Je sais que je suis belle
Je sais qu’on ne voit point d’attraits plus désirés
Qu’un visage arrondi, de longs cheveux dorés,
Dans une bouche étroite un double rang d’ivoire,
Et sur de beaux yeux bleus une paupière noire.

  1. Édition 1819. Le manuscrit n’indique pas de nom.