Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 92-93).


XXX[1]


TRADUIT D’EURIPIDE

Il faut joindre à la traduction que je fis autrefois étant encore au collège, je m’en souviens, des vers de Virgile sur Médée[2], la traduction du magnifique début de la Médée d’Euripide, qui nous reste traduit en latin par Ennius et par Phèdre.

Au sang de ses enfants, de vengeance égarée,
Une mère plongea sa main dénaturée ;
Et l’amour, l’amour seul avait conduit sa main.
Mère, tu fus impie, et l’amour inhumain.
Mère ! amour ! qui des deux eut plus de barbarie ?
L’amour fut inhumain ; mère, tu fus impie.
Plût aux dieux que la Thrace aux rameurs de Jason
Eût fermé le Bosphore, orageuse prison ;
Que, Minerve abjurant leur fatale entreprise
Pélion n’eût jamais, au bord du bel Amphryse,
Vu le chêne, le pin, ses plus antiques fils,
Former, lancer aux flots, sous la main de Tiphys,
Ce navire éloquent, fier conquérant du Phase,
Qui vint ravir aux bois du nébuleux Caucase
L’or du bélier divin, présent de Néphélé,
Téméraire nageur qui fit périr Hellé !
....................
Et Dodone agitant sous la noire tempête
De ses chênes sacrés le feuillage prophète[3].

  1. Édition 1819.
  2. En effet, les six premiers vers qui suivent sont déracinés d’une pièce qu’André Chénier avait composée au collège et qui commence par ces mots :
    Hâte-toi, Lucifer, que ta marche trop lente, etc.
  3. Deux vers annexés par M. Gabriel de Chénier, au morceau précédent.