Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 265).

L[1]


Souvent le malheureux sourit parmi ses pleurs,
Et voit quelque plaisir naître au sein des douleurs.
Sous ses hauts monts ainsi l’Allobroge recèle,
Sous ses monts, de l’hiver la patrie éternelle,
Et les fleurs du printemps et les biens de l’été.
Sur leurs arides fronts le voyageur porté
S’étonne. Auprès des rocs d’âge en âge entassée,
En flots âpres et durs brille une mer glacée.
À peine sur le dos de ces sentiers luisants
Un bois armé de fer soutient ses pas glissants.
Il entend retentir la voix du précipice.
Il se tourne et partout un amas se hérisse
De sommets ou brûlés ou de glace épaissis,
Fils du vaste mont Blanc, sur leurs têtes assis,
Et qui s’élève autant au-dessus de leurs cimes
Qu’ils s’élèvent eux-mêmes au-dessus des abîmes.
Mais bientôt à leurs pieds qu’il descende ; à ses yeux
S’étendent mollement vallons délicieux,
Pâturages et prés, doux enfants des rosées,
Trient, Cluses, Magland, humides Élysées,
Frais coteaux, où partout sur des flots vagabonds
Pend le mélèze altier, vieil habitant des monts.

  1. Édtion 1833.