Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 127-129).

LXI[1]


PASIPHAE AD AMOREM.


Εἰ ποθέειν μ’ ἐδιδάξας ἐν οὔρεσι ταῦρον ἀλήτην,
μυκηθμόν με δίδαξον, ὅπως φίλον ἄνδρα καλέσσω.
Analect., tome III, p. 141, ep. 3.


Cette reine de Crète, incestueuse amante,
Qui demande un prodige au dieu qui la tourmente,
Veut apprendre à mugir, sûre qu’à cette voix
Son amant vagabond la suivrait dans les bois.

Sa main royale, osant l’arrêter au passage,
Souvent jette des fleurs sur sa tête sauvage,
Descend sur sa poitrine aux longs replis tremblants,
Le flatte, l’applaudit, fait résonner ses flancs.

D’après une autre version, deux interlocuteurs auraient été en scène racontant diverses histoires et entre autres celle de Pasiphaé.

Le premier interlocuteur aurait dit :


Cette île chère aux dieux, mère de Jupiter,
Aux cent belles cités maîtresses de la mer,
Où, pour punir Athène, un épais labyrinthe
Recèle un double monstre eu son obscure enceinte.
Fruit coupable et cruel de perverses amours.
Lorsque (si les Crétois ne mentent point toujours)
Leur reine dans un temple, incestueuse amante,
Demandant un prodige au dieu qui la tourmente,
Veut apprendre à mugir, sûre qu’à cette voix,
Son amant mugissant la suivrait dans les bois,
Sa main royale, osant l’arrêter au passage,
Souvent jette des fleurs sur sa tête sauvage,
Descend sur sa poitrine aux longs replis tremblants,
Le flatte, l’applaudit, fait résonner ses flancs.
Bientôt pour le tromper un savant artifice
Creuse un bois imposteur d’une feinte génisse ;
Elle entre, elle revêt, aussi bien que les yeux.
Les membres, et la force, et le front tortueux.

L’autre interlocuteur répond :

Les Crétois sont menteurs… puis il raconte plusieurs fables intéressantes et finit ainsi : Voilà quelles histoires m’apprennent les Muses.

Non, si Gnosse jamais vit sa reine inquiète
Se soumettre à l’orgueil du taureau de la Crète,
Et son fils monstrueux, son opprobre éternel,
Garder la voix farouche et le front paternel.

Les dieux pour se venger envoient quelquefois la folie.

C’est ainsi qu’autrefois, dans leurs délires vains,
Courant au pâturage et fuyant les humains,
Les filles de Prœtus, vagabondes compagnes,
De faux mugissements remplirent les campagnes.
L’aspect du soc leur fit chercher les bois profonds,
Tremblantes que le joug ne menaçât leurs fronts ;
Et leur main crut sentir, peureuse et mensongère.
Se dresser sur leur tête une armure étrangère.

  1. Éd. G. de Chénier.