Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 2 (p. 250-252).


III[1]

LA FRANCE LIBRE


1791

Entre l’Océan, les Alpes et les Pyrénées, j’ai vu une femme (la France) malade, languissante… mais à travers cet état de langueur, on découvrait ce qu’elle aurait été.

Quelques grands hommes sont éclairés, mais la nation est encore barbare… tel un arbre né sur un terrain fangeux a beau pousser vers le ciel des rameaux magnifiques… ses racines ne s’en plaisent pas moins à s’enfoncer dans la fange…


Mais qui est-ce qui avance de si folles maximes ? — Est-ce l’Hôpital…



Charron, qui fut un prêtre et connut la sagesse ;
Montesquieu, ce mortel qu’eût adoré la Grèce,
Et que, dans ce palais qui devrait l’écouter,
sot en écarlate a le front d’insulter ?…[2]
Non, ..... hactenùs.......


Pour son roi, pour son père, il vient te reconnaître[3].
Si dans un rang obscur le destin t’eût fait naître.
Homme bon, vertueux, c’est toi, c’est encor toi[4]
Que la France équitable aurait choisi pour roi.


Ô jour ! s’écriront-ils, jour grand et précieux.
Jour sacré, le plus beau qu’aient fait luire les cieux,
Quand le roi citoyen, l’idole de la France,
Vit chaque citoyen de son empire immense
Lui jurer d’être libre et fidèle à la loi.
Fidèle à sa patrie et fidèle à son roi !
Roi, l’amour des Français, l’honneur du diadème !
Compagne de sa gloire et de son rang suprême,
Reine, couple chéri, contemplez vos bienfaits :
Par vous la liberté naît au sein de la paix !
Vous ne voulez de nœuds, entre vous et la France,
Que d’amour, de respect, de foi, de confiance !
Contemplez vos bienfaits, et qu’en un long oubli

Tout sujet de douleur demeure enseveli.
Toujours sur son berceau qu’anime un grand courage,
La liberté naissante élève quelque orage.
Et le peuple, agité dans ses fougueux efforts,
Souvent à quelque excès égare ses transports ;
Mais la concorde enfin, et l’ordre, et l’harmonie,
Amènent près de vous la France réunie ;
Et le calme et la paix sont préparés pour vous,
Dans le port que vos mains ont ouvert devant nous.

  1. Édition de G. de Chénier.
  2. Allusion à la lettre du cardinal de Fleury, lorsque Montesquieu se présenta à l’Académie française.
  3. Le peuple français.
  4. Variante :
    Juste, bon, vertueux, c’est toi, c’est encor toi.