Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 122-123).

LVI[1]


Bacchus se déguisait sous un moins beau visage,
Quand de Tyrrhéniens une troupe sauvage

Vint le ravir plongé dans un profond sommeil.
Leur vaisseau le reçoit ; on part ; à son réveil,
Il s’étonne. On lui jure, au moment qu’il les prie,
De voguer vers Naxos qu’il nomme sa patrie.
Il dissimule, et puis, l’œil errant sur les flots :
« Ô ciel ! ah ! malheureux ! ce n’est point là Naxos…
Dieux ! grands dieux ! » et ses mains, dans ses feintes alarmes,
Déchirent ses cheveux, et ses yeux sont en larmes.
« Jeune homme, lui dit l’un, que nous font tes malheurs ?
Tu viendras nous servir ; et laisse là tes pleurs. »
Il dit. — Le vaisseau tremble. Et des formes terribles
De tigres, de lions, de panthères horribles
Fondent sur eux. En foule et n’ayant plus de voix,
Les traîtres du vaisseau s’élancent à la fois,
Ô prodige ! et, couverts d’une écaille étrangère.
Se vont, légers dauphins, cacher sous l’onde amère.

  1. Ibid.