Œuvres inédites (Staël)/Tome II/Avertissement de l’éditeur

Œuvres inéditesTreuttel et WürtzTome second. (p. 9-11).


AVERTISSEMENT
DE L’ÉDITEUR.




Les Essais dramatiques contenus dans ce Volume n’ont jamais été destinés à l’impression. Les trois premiers, Agar, Geneviève de Brabant, et la Sunamite, ont été composés, non pas seulement pour un théâtre de société, mais pour un théâtre de famille, et cette raison explique l’analogie qui existe entre les situations qui y sont représentées. Elle explique aussi pourquoi ma mère n’a pas craint de choisir des sujets déjà traités par d’autres auteurs, et de profiter de leurs conceptions. Ainsi, dans son Agar, elle a emprunté plusieurs traits à celle de madame de Genlis, et surtout à celle de M. Lemercier : l’on verra, toutefois, qu’elle leur a imprimé le caractère de son propre talent. Sans doute je ne puis espérer que ces drames produisent, à la lecture, le même effet que lorsqu’ils étoient représentés par ma mère elle-même au milieu de sa famille et de ses amis ; les rapprochemens involontaires que l’on faisoit entre la situation des acteurs et celle des personnages, rapprochemens qui accroissoient l’émotion des spectateurs, paroîtront peut-être des imperfections aux yeux de la critique. Mais on ne pourra méconnoître la sensibilité religieuse qui a inspiré ces compositions dramatiques.

La petite comédie du Capitaine Kernadec, et les deux proverbes qui la suivent, sont des plaisanteries de société auxquelles on ne doit pas attacher plus d’importance en les lisant, que ma mère ne leur en a donné en les écrivant. À Genève, une personne du caractère et de l’esprit le plus aimables, retenue chez elle par une maladie de langueur, désiroit que ses amis vinssent lui jouer des proverbes. Ceux de Carmontel étoient trop rebattus ; on pria ma mère d’en composer de nouveaux : elle consentit à essayer son esprit dans un genre si étranger à la direction habituelle de ses pensées ; et, au moment où elle étoit le plus malheureuse par les persécutions de Bonaparte, le désir d’offrir quelque distraction à une personne souffrante lui fit retrouver de la gaîté. En quelques matinées elle écrivit les trois petites pièces que l’on va lire, laissant à chaque acteur la liberté d’amplifier son rôle.

Enfin, le drame de Sapho, qui termine ce volume, n’a été ni représenté, ni même entièrement achevé. C’est une esquisse que ma mère se proposait de retoucher, et dont il est facile de voir que la première idée a été puisée dans Corinne ; mais comme on ne peut lire cette pièce sans être frappé de l’élévation du style, et surtout du caractère antique dont il est empreint, j’ai cru qu’il m’étoit permis de la livrer à l’impression.