Œuvres de Turgot (Daire, 1844)/Géographie politique

Texte établi par Eugène DaireGuillaumin (tome IIp. 611-626).

GÉOGRAPHIE POLITIQUE[1].

Idées générales. — 1o Le rapport de la géographie physique à la distribution des peuples sur le globe, à la division des États. Vue générale de la division des peuples considérée historiquement. De la formation des États, de leurs réunions. Principes de ces réunions tirés du droit public, combinés avec les obstacles ou les facilités qu’y mettent les situations respectives des provinces.

2o La géographie considérée par rapport à la richesse respective des différentes contrées, aux denrées différentes qu’elles produisent, aux branches de commerce qui naissent de ces variétés, à la circulation des marchandises, d’abord en général sur le globe ou de climat à climat, puis de peuple à peuple, et enfin de province à province.

3o La géographie considérée par rapport aux facilités plus ou moins grandes des communications par terre, par mer et par rivières. Des effets de cette communication sur les conquêtes, sur les ligues, sur les intérêts respectifs des États, sur les craintes qu’ils peuvent inspirer. De ses effets sur les différentes branches de commerce relativement à la nature des denrées plus ou moins faciles à transporter, plus ou moins précieuses, sous un volume et un poids plus ou moins grands.

4o La géographie considérée par rapport aux différents gouvernements, aux différents caractères des peuples, à leur génie, à leur valeur, à leur industrie ; séparer ce qui appartient là-dedans aux causes morales : examiner si les causes physiques y ont part, et comment.

5o Le résultat de tous ces principes et leur application, 1o aux intérêts des princes, aux rapports des parties du monde, à ceux des États de l’Europe dans leur situation présente, à leur puissance, à leur commerce, à leurs intérêts faux ou vrais, à leurs vues, à leurs espérances bien ou mal fondées, aux différents systèmes de politique embrassés successivement par chaque cour, au système de l’équilibre, aux révolutions ou possibles, ou vraisemblables. 2o L’application de ces principes à la politique intérieure ; à la situation des capitales, à la division des provinces, à la distribution de l’autorité dans ses différents départements, aux diverses branches de productions et de commerces que l’on voudrait favoriser, à l’établissement des ports de mer, des canaux, des chemins, des points de réunion, des capitales, des provinces, des tribunaux, des gouvernements municipaux, de celui même des communautés ; à la balance de la capitale et des provinces, des villes et des campagnes, des provinces et des villes entre elles ; 3o au rapport de la nature du gouvernement à l’étendue des États, aux projets soit de république générale, soit de monarchie universelle.

Il me semble que toutes ces idées développées formeraient ce que j’appelle la géographie politique.

On peut faire une division plus générale encore, et comprendre tout ce qui regarde le rapport de la géographie politique sous deux articles. La diversité des productions et la facilité des communications ; ce sont là, en effet, le deux éléments variables d’après lesquels il faut résoudre tous les problèmes de la géographie politique. Il faudrait cependant y ajouter encore la division des États, qui dépend en partie de ces deux principes, mais qui tient aussi en partie aux événements fortuits qui se sont succédé dans la suite des temps.

On peut ranger tout ce qui regarde la géographie politique sous deux divisions : la géographie politique théorique, et la géographie positive ou historique.

La première n’est guère que le rapport de l’art du gouvernement à la géographie physique ; comme la terre est le théâtre de toutes les actions humaines, cet objet renfermerait presque tout l’art de gouvernement, et pour ne l’y pas insérer tout entier, il faudrait souvent faire violence à la suite des idées. Mais si on y fait entrer tout, pourquoi déguiser un traité complet de gouvernement sous ce nom étranger de géographie politique ? Ne vaut-il pas mieux présenter la partie sous le nom du tout, que le tout sous le nom de la partie, quelque principale qu’elle puisse être ?

La géographie politique positive ne renferme que deux parties, le présent et le passé. L’état actuel du monde politique, les différentes forces des nations, leurs bornes, leur étendue, leurs qualités physiques, morales et politiques : c’est-à-dire, la quantité d’hommes, les richesses de chaque État, le caractère de ses habitants, la facilité ou les obstacles que met à leur agrandissement la nature de leur gouvernement, le commerce des différentes nations, leurs prétentions respectives, leurs intérêts faux ou vrais, le chemin qu’ils suivent à présent, et la direction de leurs mouvements vers un progrès plus grand encore ou vers leur décadence ; voilà la vraie géographie politique, à prendre le mot de géographie sous le sens dans lequel il est pris ordinairement, d’une description actuelle de la terre. Mais la géographie, par là même qu’elle est le tableau du présent, varie sans cesse ; et puisque tout ce qui est passé a été présent, l’histoire, qui est le récit du passé, doit être une suite de ces tableaux de l’histoire du monde pris dans chaque moment.

Si l’on comprend dans la géographie l’état des nations, comme paraît l’exiger le titre de géographie politique, il y a bien peu à ajouter à la géographie des différentes époques pour en faire l’histoire universelle, tout au plus les noms et les actions de quelques hommes. En un mot, l’histoire et la géographie placent les hommes dans leurs différentes distances ; l’une exprime les distances de l’espace, l’autre celles du temps. La description nue des terrains, d’un côté, la suite sèche et numérale des années, de l’autre, sont comme la toile où il faut placer les objets. La géographie ordinaire et la chronologie en déterminent les situations ; l’histoire et la géographie politique les peignent de leurs propres couleurs. La géographie politique est, si j’ose ainsi parler, la coupe de l’histoire. Il en est des différentes suites d’événements qui forment l’histoire de chaque pays par rapport à celle du monde, comme des libres qui forment le tissu d’un arbre depuis sa racine jusqu’à son sommet ; elles varient sans cesse entre elles, et chaque point de la hauteur, si on y fait une section transversale, présentera la figure qui lui est propre, en sorte que l’arbre entier n’est que la suite de ces tranches variées. Voilà l’histoire universelle. Chaque moment a son espèce de géographie politique, et ce nom convient spécialement à la description du moment présent où se termine nécessairement le cours des différentes suites d’événements. Je vois encore que, par rapport à cet objet, le nom de géographie politique serait un déguisement de l’histoire universelle. Ne vaut-il pas mieux ranger les choses sous leur vrai titre, et donner 1o une histoire universelle raisonnée ; 2o une géographie politique qui en serait la suite ; 3o un traité du gouvernement, qui renfermerait ce que j’appelle la théorie de la géographie politique ?

Esquisse d’un plan de géographie politique.

L’idée générale du globe terrestre considéré comme habitable ; de la diversité des terrains et de leur fertilité ; des plaines, des vallées, de leurs divisions et des bornes naturelles qui les ont occasionnées ; des communications plus ou moins faciles entre certaines limites ; des obstacles plus ou moins insurmontables qu’y met la nature ; ruisseaux, rivières, fleuves, mers, coteaux, montagnes, chaînes de montagnes, finages, cantons, territoires, provinces, régions, grands continents. — Description géographique du globe sous ce point de vue, ou mappemonde, telle que pourrait la dresser un habitant de la lune avec de bons télescopes.

Deuxième point de vue du globe, considéré par zones et par climats : par rapport à la différente action du soleil, aux différentes lois que suivent les variations du froid et du chaud. Effets généraux et non contestés de ces lois sur la terre considérée en tant qu’habitable. Idée générale de la manière dont les hommes ont pu être épars sur la surface du globe, en supposant qu’ils soient partis d’un centre unique, ou en admettant qu’ils ont été, dès l’origine, répandus en plusieurs lieux : les deux hypothèses doivent produire à peu près les mêmes effets. Vue des habitants du globe ainsi dispersés, et des nations isolées par leur ignorance au milieu des nations. Rapport du nombre d’hommes dans un espace donné aux productions de cet espace. Considérations générales sur la population des États, sur les progrès passés et futurs du genre humain. Rapport de ces productions à la manière de vivre des hommes. Premier état où l’on doit supposer à cet égard les habitants du globe. Pour expliquer ce que nous voyons, un philosophe doit remonter jusqu’à cet état de barbarie au delà duquel le genre humain n’aurait pu subsister. Supposition des hommes distribués par familles vivant de ce que le hasard leur offre, fruits, insectes, animaux.

Première mappemonde politique, ou division du monde habité par rapport aux différentes espèces d’hommes : blancs, noirs, rouges, Lapons, Celtes, Tartares, Chinois, Maures, Levantins, Indiens, Malais.

Des changements successifs dans la manière de vivre des hommes, et de l’ordre dans lequel ils se sont suivis : peuples chasseurs, pasteurs, laboureurs.

Des causes qui ont pu retenir plus longtemps certains peuples dans l’état de chasseurs, puis de pasteurs. Des différences qui résultent de ces trois états, par rapport au nombre des hommes, aux mouvements des nations, aux facilités plus ou moins grandes de surmonter les barrières par lesquelles la nature a pour ainsi dire assigné aux différentes sociétés leur part sur le globe terrestre, aux communications, aux mélanges des peuples plus ou moins faciles.

Comment les petites sociétés resserrées entre certaines bornes ont, par des mélanges plus fréquents, contracté un caractère, une langue, des mœurs, peut-être même une figure commune, qui forment des nations ; comment des mélanges un peu moins fréquents, renfermés entre des limites plus étendues, mais plus difficiles à franchir, ont donné à ces nations entre elles une ressemblance moins marquée, mais toujours sensible. Comment le genre humain s’est ainsi trouve divisé en grands peuples ; comment ces peuples mornes se sont encore mêlés sur toute la surface des grands continents, en sorte que tous les peuples qui se touchent ont pris nécessairement, comme deux couleurs voisines, quelques teintes l’un de l’autre ; tandis qu’on ne peut observer de teintes communes entre les peuples d’un continent qui paraissent partir de différents centres, et dont la nuance s’étend jusqu’aux extrémités les plus reculées, en s’affaiblissant par des dégradations plus ou moins rapides, suivant que les communications avec le lieu où l’on doit en chercher l’origine, ont été plus ou moins faciles, et par là plus ou moins fréquentes.

Seconde mappemonde politique, ou distribution des peuples et des nations sur le globe.

Des bornes principales que la nature a données à ces grands peuples, et des communications principales qu’elle laisse ouvertes entre eux, et qui ont pu en quelque sorte diriger les mouvements des nations dans toutes leurs grandes migrations.

Nouvelles réflexions sur les changements successifs dans l’état des nations, et sur l’inégalité de leurs progrès.

Vue générale des hommes divisés en peuples plus ou moins barbares, plus ou moins policés, et représentant sous un coup d’œil dans le tableau du présent les différentes nuances de la barbarie et de la civilisation, par lesquelles la nation la plus avancée a successivement passé depuis la première époque de la barbarie.

Idées générales de ces progrès dans les différentes nations ; du transport des lumières de l’esprit et du perfectionnement du gouvernement d’un pays à l’autre, et des tableaux que l’univers, considéré sous ce point de vue, a présentés et présentera successivement.

Considérations, plus détaillées sur le progrès des peuples.

Les hommes considérés comme formant des sociétés politiques.

De la première formation des gouvernements parmi les peuples sauvages, chasseurs, pasteurs, laboureurs. Des variétés relatives à ces trois manières de vivre.

Considérations générales sur la propriété des choses et des terrains ; occupation, conservation ou occupation continuée, et des effets qui ont dû en résulter.

Laboureurs, habitations, distances, à quoi relatives. Mesure des distances, villes. Du rapport entre une ville et son territoire. Origine de ces rapports.

Premiers États plus étendus ; comment ils ont pu se former ; que la force est le seul lien qui en unisse les parties.

Colonies et guerres. — Colonies, rapports entre elles et les métropoles relativement à la facilité de la communication, et par conséquent à la distance de l’une à l’autre : relativement à l’inégalité de la puissance, et ainsi à l’avantage des situations et même à la bonté du gouvernement.

Comparaison des situations des villes entre elles par rapport à l’étendue et à la fertilité du territoire qu’elles occupent, par rapport aux commodités pour le commerce, par rapport à la difficulté de les attaquer.

Guerres entre les villes ; leurs effets. Destruction des vaincus ; transport des habitants, esclavage, ou lois et tributs imposés. Une ces sortes de guerres ont rarement produit des effets durables et formé des États étendus. Guerres des peuples policés avec les barbares. Conquêtes rapides dans un grand espace, et peu durables par le défaut de liaison entre leurs différentes parties.

Que la conservation à certains égards est une conquête perpétuelle, et suppose par conséquent une aptitude perpétuelle à conquérir, une force constante et toujours appréciable, quoique dans un degré inférieur.

Conquêtes moins étendues et renfermées entre des limites naturelles. États médiocres, établissement des capitales. Premiers liens du gouvernement despotique. L’asservissement d’un peuple suppose toujours dans l’État une partie opprimante qui, dans les mains du prince, est l’instrument de l’oppression. Cette partie est ou un peuple particulier dominant par la force de sa situation ou de son caractère, ou un peuple conquérant répandu ans toute l’étendue du pays conquis, ou simplement un corps de troupes disciplinées. Ce dernier moyen est d’autant plus rare, qu’on remonte plus haut dans l’antiquité, parce que, dans l’art militaire comme dans les autres, les premiers éléments appartiennent à tous les hommes, les progrès seuls y mettent des différences.

Du gouvernement des provinces dans les États médiocres et dans les grands empires formés par des conquêtes. Rapport de la forme du gouvernement à l’étendue des États. Despotisme des grands empires nécessaire dans les premiers temps. Effets du despotisme sur les mœurs civiles. Sur la pluralité des femmes. Causes du despotisme dans certains pays, tels que l’Asie, etc. 1o La nature du pays et la trop grande facilité des conquêtes par l’étendue des plaines et la distance trop grande des barrières que la nature a mises entre les nations. 2o Le progrès trop rapide de la société dans ces contrées, et l’art de conquérir perfectionné avant que l’esprit humain fut assez avancé pour avoir perfectionné l’art de gouverner, avant que les petits États eussent un gouvernement fixe qu’un conquérant pût laisser subsister, avant que les peuples sussent former des ligues et s’associer entre eux pour défendre leur liberté, avant que les conquérants trouvassent des peuples déjà policés dont ils fussent obligés d’adopter les mœurs et les lois.

Digression sur les climats ; combien leur influence est ignorée. Danger qu’il y aurait à faire usage du principe trop adopté sur cette influence. Fausses applications qu’on en a faites au caractère des peuples et de leurs langages, à la vivacité de l’imagination, à la pluralité des femmes, à la servitude des Asiatiques. Vraies causes de ces effets. Nécessité d’avoir épuisé les causes morales avant d’avoir droit d’assurer quelque chose de l’influence physique des climats. De l’influence morale des climats par les objets qu’ils nous présentent. Différence de l’influence des climats d’avec les effets de la situation, qui sont la première donnée dans tous les problèmes de la géographie politique. Utilité de cette digression.

Réflexions générales sur la manière dont les différents génies des peuples doivent entrer dans le plan de la géographie politique. Réflexions générales sur la manière dont les nations, d’abord isolées, ont porté leurs regards autour d’elles, et sont parvenues peu à peu à se connaître de plus en plus. Progrès dans l’étendue des connaissances géographiques relatives aux états successifs du genre humain. Des principaux rapports qui peuvent unir les peuples ; voisinage, commerce. Désir de conquérir, craintes réciproques, intérêts communs. Que chaque peuple qui a devance les autres dans ses progrès est devenu une espèce de centre autour duquel s’est formé comme un monde politique composé des nations qu’il connaissait et dont il pouvait combiner les intérêts avec les siens ; qu’il s’est formé plusieurs de ces mondes dans toute l’étendue du globe indépendants les uns et des autres, et inconnus réciproquement ; qu’en s’étendant sans cesse autour d’eux, ils se sont rencontrés et confondus, jusqu’à ce qu’enfin la connaissance de tout l’univers, dont la politique saura combiner toutes les parties, ne formera plus qu’un seul monde politique, dont les limites sont confondues avec celles du monde physique.

Étendue de ces mondes politiques relative, 1o à l’étendue des États et à la division plus ou moins grande des nations, parce qu’on connaît toujours ses voisins : un Espagnol connaît l’Allemagne, parce qu’il n’y a qu’une nation entre deux. Si cette nation intermédiaire était divisée en cent petits États, il ne connaîtrait que les plus voisins de l’Espagne ; 2o à la facilité des communications et aux progrès du genre humain dans cette partie ; progrès du commerce, de la navigation. De l’invention de la navigation dans les différentes parties du globe.

Troisième mappemonde politique, — Aspect des nations anciennes : Égypte, haute Asie, Chine, Phénicie et commencement de la Grèce, pays barbares. Idée générale des principaux inondes politiques dans la première époque connue. Nouvelle source du mélange des peuples, le commerce et la navigation. Vues générales sur les progrès du commerce des Phéniciens et leurs colonies. Des colonies maritimes, du commerce, de ses différents états, de son influence sur la balance des nations par rapport à la richesse, et sur les révolutions des Phéniciens en Grèce.

Idée générale du commerce dans ces premiers temps si différents des nôtres. De la proportion de puissance des colonies avec leur métropole.

Quelle était alors la circulation de l’argent sur tout le globe.

Indépendance réciproque des colonies, qui devient indépendance absolue lorsqu’elles sont assez puissantes pour se passer de leur métropole, et qui forment autant d’États égaux, dans lesquels la police a profité du degré de connaissance auquel était parvenu Y Orient, sans être infectée par le despotisme qui a présidé à la formation des États dans cette partie du monde, parce que c’est dans cette partie du monde qu’ont été formés les premiers États.

Rapports des colonies phéniciennes avec les anciens habitants de la Grèce. Idées de ces anciens habitants, Pelasges, Thraces, Épirotes, Cariens. Guerres dans la Grèce. Conjectures sur les guerres des Héraclides.

Tableau de la Grèce nécessairement divisée en petits États, par la simultanéité de la fondation des États, et par la nature du pays que coupent les montagnes et la mer.

Des Grecs considérés comme nation et comme république fédérative. — Comme nation, s’étendant par leurs colonies, Sicile, grande Grèce, Ionie, Pyrène, Marseille ; comme nation, comprenant plusieurs petits royaumes, Macédoine, Épire ; d’autres, comme la Carie, la Lydie, prenant les mœurs grecques, ainsi qu’aujourd’hui le roi de Prusse prend les mœurs françaises. — Comme république fédérative, formant un corps moins étendu. Ligue des Amphictyons ; droit public des Grecs ; rapports des colonies et des métropoles ; équilibre entre elles. Premiers États de la Grèce ; ce qu’on sait de leur politique.

Guerre de Troie. Passage du gouvernement monarchique au républicain. Des principales républiques successivement dominantes : Thèbes, Athènes, Lacédémone. Institutions singulières de ces républiques, et leur influence sur leurs forces respectives.

De Lacédémone en particulier. Rapports de ses lois à la situation et à l’étendue de l’État. Danger de ces institutions singulières, et de leur impossibilité dans les grands États.

Carte politique de la Grèce, de ses principaux États, de leur puissance relative à la navigation. Des principales branches de leur commerce, de leurs ligues les uns contre les autres. De la Grèce comparée avec ses voisins. Des rois de Macédoine, de l’Asie Mineure, de Lydie ; effet singulier de la conquête de la Lydie par Cyrus, qui dévoila l’un à l’autre comme deux mondes politiques. Idée des révolutions qui avaient précédé cet événement dans la haute Asie. — Accroissement du premier empire d’Assyrie, toujours conquis et alternativement augmenté par ses défaites et par ses victoires. Babyloniens, Mèdes, Perses, Syriens, Égyptiens, effets de la géographie politique sur ces peuples. — Considérations sur ces révolutions ; des vallées du Tygre et de l’Euphrate, et des montagnes qui les environnent.

Des incursions des barbares sur les peuples policés. Des Scythes ; leur double route par la Transoxane et par les gorges du Caucase.

De l’empire de Cyrus, de ses rapports avec la Grèce. Changement que ces rapports mettent dans ceux des Grecs entre eux. Grecs d’Asie, Grecs d’Europe. Influence des forces maritimes. Puissance d’Athènes.

Guerre du Péloponèse. Expédition d’Agésilas. Progrès de la Macédoine. Politique de Philippe ; ses projets exécutés par Alexandre.

Quatrième mappemonde politique, à l’époque d’Alexandre. Rome, Carthage, la Chine, Indes. Considérations sur l’expédition d’Alexandre, considérée dans ses effets, 1o par rapport à la Grèce ; 2o par rapport à ses conquêtes ; 3o par rapport aux projets qu’on lui prête.

Discussion sur la possibilité de la durée de son empire, et du gouvernement à y établir.

Division entre ses généraux ; de ses effets. Comment la géographie politique a influé dans l’établissement et dans la fixation des nouveaux États. Plusieurs classes d’États sous les successeurs d’Alexandre. États grecs fondés par ses capitaines dans les pays conquis. États grecs revenus dans leur ancienne situation. Satrapies persanes devenues indépendantes. Intérêts respectifs de ces différents États.

Des États de la Grèce ; combien leur situation était changée et leur état avili par la comparaison des grandes puissances qui mêlaient leurs intérêts avec ceux des petites républiques. Politique des rois de Macédoine, d’Épire, d’Égypte et de Syrie entre eux et avec les Grecs. Les rois de Syrie oublient la haute Asie. Leur situation et le choix qu’ils ont à faire de dominer dans l’ancienne Perse ou en deçà de l’Euphrate. Effets de ce choix.

La haute Asie abandonnée aux Parthes. Premier rapprochement des Chinois et des Européens par les conquêtes de Tsin-chi-Hoangti, que nous appelons Gengiskan. Tableau de la formation de l’empire de la Chine ; son commerce avec le Japon. Des royaumes de l’Asie Mineure. État du commerce d’Alexandrie, de Carthage, de Marseille, de la Sicile, de la Grèce. Du commerce des Indes ; de quelle nature il pouvait être.

Circulation générale sur le globe dans ce temps. Des mines d’Espagne ; des îles britanniques. Considérations sur l’état de l’Europe qui, sans être encore policée comme la Grèce, n’était déjà plus barbare. Rapprochement des ligues latines, étrusques, etc., avec l’état où les Carthaginois trouvèrent l’Espagne, et César les Gaules.

Considérations particulières sur les progrès simultanés de Home et de Carthage. Idée des conquêtes des Humains. Combinaison singulière de leur caractère, de leur gouvernement, et de la disposition des peuples qui les environnaient. Leur rencontre avec les Carthaginois. Eorme de leur guerre. Intérêts que les puissances grecques désiraient y prendre. Destruction de Carthage. Changements que l’introduction des Romains dans le monde politique des Grecs dut apporter à l’intérêt de ceux-ci.

Cinquième mappemonde politique. Détails sur l’intérieur de la Grèce. Des ligues qui avaient succédé à l’influence des anciennes républiques, des Étoliens, des Achéens, etc.

Des rois de l’Asie Mineure, des grandes puissances. Réflexions sur le peu de souplesse des coursa changer le système de leur politique quand les circonstances changent. Que l’intérêt des États n’est souvent connu que lorsqu’il est déjà changé. Politique des Romains avec les rois.

Guerres de Mithridate. Domination universelle des Romains.

Considérations sur les conquêtes d’une république : modifications que mirent aux principes généraux sur cette matière les circonstances particulières aux Romains.

Du gouvernement romain considéré par rapport aux provinces. Des provinces romaines et des États gouvernés par leurs propres lois. Des tributs, des pillages des proconsuls ; du gouvernement des Romains considéré dans la balance des provinces et de Home, dans la contradiction de la puissance des Romains avec leurs lois et la forme de leur gouvernement. De l’inégalité des particuliers, de la puissance des légions et des généraux.

Des remèdes qu’on aurait pu imaginer pour remédiera ces maux, si on les avait prévus, et si ceux qui étaient assez puissants pour les prévenir ou les réparer, n’eussent pas été assez peu citoyens pour préférer de dominer sur la république ; ou si ceux qui étaient citoyens n’avaient pas été trop attachés à la forme ancienne, parce qu’elle était ancienne.

Idée des troubles de la république. De César, d’Antoine, d’Octave. État des provinces pendant ces troubles. Progrès continuels de la domination romaine. Époque d’Auguste.

Sixième mappemonde politique. État de l’univers sous l’empire romain. — Intérieur de l’empire. — L’empire considéré par rapport à ses voisins. — Du reste du monde à cette époque.

Considérations sur la forme du gouvernement ; sur le rapport de Rome avec les provinces ; sur la nature du despotisme des empereurs ; sur les vestiges du gouvernement républicain ; sur la distribution de l’autorité dans les provinces. De leur état ; de l’influence des légions ; de l’étendue de l’empire. Critique du conseil donné par Auguste à ses successeurs, de coercendo intra fines imperio.

Des barbares et des Parthes, des peuples des montagnes de l’Arménie.

Sur l’étendue des États en général, relativement à l’administration intérieure, à la forme du gouvernement, à l’autorité plus ou moins bornée, à la manière dont elle se distribue et dont elle agit dans les provinces, à sa distribution en départements ; à la facilité de transporter les forces qui cou tiennent les peuples dans la soumission et qui répriment les voisins ; à la facilité de transporter les armées différentes dans différents siècles et dans différents pays ; à la facilité des correspondances, des chemins publics, des messageries publiques, etc.

Vices essentiels du gouvernement de l’empire ; pouvaient-ils être corrigés ? et comment ? Considérations générales sur la difficulté et les moyens de faire subsister un État fort étendu.

Du gouvernement municipal ; des sénats de petites villes. Quel parti on en pouvait tirer au lieu de les laisser avilir. Ces idées pouvaient-elles être connues dans les siècles dont il s’agit ? et les circonstances permettaient-elles d’en faire usage ? Que l’empire ne fut jamais assez grand.

Tableau de l’empire sous les empereurs. Changements insensibles. Mélange plus intime des parties de l’État. Multiplication du droit de cité. Comment l’empereur cesse d’être l’empereur de Rome, pour être l’empereur de l’empire, et comment cette révolution dans les idées se fit sans être sentie et sans qu’on en recueillit les avantages.

État du commerce sous les empereurs. Tableau de la circulation générale sur le globe à cette époque.

Essai sur l’intérieur de l’empire, sur sa division en provinces, sur les métropoles et les diocèses, sur le rapport des villes et des campagnes, sur la culture des terres et le commerce. Établissement des principes de géographie politique relatifs à ces objets, et leur application à l’empire romain.

Carte politique de l’empire à l’époque de Dioclétien. Révolution des idées par le partage de l’empire préparé par les trente tyrans. Considérations sur les divisions faites par Dioclétien et ses successeurs.

Intérêts respectifs de ces parties de l’empire ; comment combinés avec l’intérêt général.

Réflexions sur la manière dont les États s’incorporent par une longue union, en sorte que les barrières naturelles semblent aplanies ; que l’on ne voit pas que les aimées romaines aient éprouvé les mêmes difficultés à traverser l’empire, qu’éprouveraient aujourd’hui les armées européennes à passer d’un royaume à l’autre, et pourquoi.

L’empereur d’Italie ne pouvait tirer des Vaudois les mêmes avantages qu’un duc de Savoie. Ces peuples étaient neutres, parce que la guerre entre l’empereur des Gaules et l’empereur d’Italie était une guerre d’armée à armée, et non de nation à nation.

Considérations sur ce que l’empire romain serait devenu abandonné à lui-même.

Époque de Constantin. Translation du siège de l’empire à Constantinople, et considérations générales sur la position des capitales relativement à l’étendue des États, à leur commerce intérieur, à leur commerce extérieur, à la situation des provinces plus ou moins importantes sur lesquelles elles dominent, aux ennemis qu’elles ont à craindre, à leurs projets d’agrandissement, enfin aux établissements déjà faits, aux mouvements qu’a reçus la machine de l’État et au danger du changement. Que dans les grands empires, la situation des capitales n’est déterminée qu’à peu près par la géographie politique.

Faute de Constantin. Si César avait eu le même projet, Constantin n’avait pas les mêmes motifs, et Constantin n’a pris que le mauvais du projet. Il transporta à Constantinople les mêmes défauts qu’avait Rome. — Qu’il fallait joindre au projet de transporter la capitale de l’empire, celui de conquérir le nord de l’Europe et de ne laisser à l’empire aucun ennemi à craindre. D’un autre côté, que le projet de César, de commencer par vaincre les Parthes avant les Germains, était une faute s’il voulait faire plus qu’Antoine. — Que Julien fit dans la guerre des Perses une faute plus grande encore, et dont l’empire ne s’est point relevé. — Que la translation de l’empire à Constantinople détermina la division absolue des deux empires d’Orient et d’Occident.

Nouvel élément introduit du temps de Constantin dans les problèmes de la géographie politique. La religion.

Considérations sur les premières religions des hommes. De l’idolâtrie ; des dieux tutélaires ; de la compatibilité de tous les dieux et de tous les cultes. Idée de la manière dont les peuples s’en rapportaient à la parole les uns des autres sur leurs dieux ; comment les Latins attribuaient à Neptune les aventures de Ποσειδῶν. Une pareille religion pouvait bien quelquefois être un instrument dans les mains de la politique pour encourager les peuples : mais sa variété était trop uniforme pour être considérée dans la géographie politique, du moins en grand ; car il y a quelques exemples de guerres entreprises par les anciens pour venger la sainteté d’un temple violé. Ces profanations de temples n’étaient qu’une injure ; les peuples se battaient pour leurs dieux comme nos chevaliers pour leurs dames. Guerre sacrée contre les Phocéens, en vertu d’un décret des amphictyons. — Mais en général la religion était partout la même, les dieux seuls étaient différents ; et si leurs cultes s’étendaient quelquefois, c’était en se mêlant et non en se chassant réciproquement des contrées où ils étaient reçus.

Deuxième espèce de religions. Religions exclusives de tout autre culte ; ou elles furent l’ouvrage des législateurs, et en ce cas elles furent bornées à l’étendue d’une nation, et devinrent un mur de séparation entre elle et ses voisins, comme la religion judaïque, et n’eurent pas une grande influence sur la géographie politique ; ou elles n’eurent d’objet que la vérité, comme quelques sectes de philosophie, et seulement alors elles devinrent une sorte d’injure faite au reste du genre humain : les religions chrétienne, mahométane, et peut-être encore d’autres.

Chercher ce que c’est que la secte des lamas, celle des mages, celle des talapoins et celle des brames. — Ces sortes de religions se subdivisent encore.

— Ou elles se bornent à n’être que de simples sectes, à n’éclairer qu’un petit nombre d’hommes choisis dans une nation, sans entreprendre d’éclairer tous les hommes, et en laissant subsister tout l’appareil extérieur du culte établi. Telles ont été les sectes des philosophes. — Ou elles ont été animées de l’esprit de conversion, elles ont eu pour but tous les hommes et toutes les nations. — C’est alors seulement qu’elles entrent dans la géographie politique.

La religion chrétienne paraît être la première qui ait mérité d’y entrer.

— Des sectes dans lesquelles elle s’est partagée.

La religion mahométane l’a suivie ; car les autres sectes dont j’ai parlé plus haut sont trop peu connues, et ont produit des effets trop éloignes de nous pour offrir une grandi ; matière à nos spéculations. En généra] même, autant que je puis me rappeler leur histoire, ces sectes n’ont guère produit de révolutions, et elles ont été plus occupées à se défendre contre l’oppression des mahométans qu’à s’établir dans de nouveaux pays et à s’y troubler mutuellement. Le zèle dont sans doute elles ont été animées autrefois dans les temps ignorés de leur établissement, puisqu’elles ont pu s’établir, a fait depuis longtemps place à l’indifférence, et leurs prêtres sont plus occupés à jouir qu’à acquérir.

Comment la religion a commencé à influer sur la politique intérieure et extérieure. Pourquoi le christianisme a été persécuté dans l’empire plutôt que les divinités étrangères, les sectes philosophiques et même le judaïsme. De son hétérogénéité avec les cultes établis.

Idée du christianisme. Comment lié au judaïsme. Comment il a étendu la sphère des bienfaits de Dieu sur toute la terre. De sa diffusion dans l’empire romain, principalement : d’abord par les Juifs, ensuite par les Gentils, qu’il a regardés comme égaux aux Juifs.

Premier rapport des religions avec la politique ; la persécution à laquelle elles sont exposées dans leur établissement. Effets de la persécution quand elle est destructive, et quand elle ne l’est pas ; qu’elle est aux religions ce qu’est la taille aux arbres, qu’elle les détruit ou les fortifie. Idée des progrès des religions et des effets de la persécution sur elles relativement à ces progrès. Différence à cet égard d’une secte qui s’élève et d’une secte qui tombe. Difficulté d’arrêter l’une et l’autre dans son élévation ou dans sa chute.

Que la religion chrétienne a dû sa principale force à la vérité de ses dogmes comparée à l’absurdité du paganisme. Le fanatisme est une passion, et toutes les passions sent fondées sur la manière dont leurs objets agissent sur les hommes. Si on aime mieux une femme qu’une autre, elle a, par rapport à son amant, quelque avantage sur sa rivale. En fait d’opinion, c’est toujours la raison qui fonde cette passion. Il est vrai que la crainte et l’espérance l’augmentent beaucoup ; ajoutons l’orgueil. Que les religions, même sous les dehors du fanatisme, se combattent par des raisons ; que ces raisons ne tirent pas toujours leur force de la vérité, mais des opinions déjà établies et des préjugés. Que, lors même qu’elles agissent par la force de la vérité, ce n’est pas toujours par une vérité absolue, mais par une vérité relative qui se trouve d’erreur à erreur. Progrès du christianisme et son adoption par Constantin.

Deuxième rapport de la religion à la politique intérieure. Des secours mutuels que se prêtent la religion et le gouvernement. Mélange des deux puissances, ou plutôt usurpations mutuelles de l’une et de l’autre, de là l’intolérance réduite en système et incorporée à la législation et à la constitution des États. Intolérance entre les parties d’un même peuple. Intolérance de peuple à peuple, d’où sont venues les guerres de religion.

Troisième rapport de la religion à la politique. Que l’intolérance est plus ou moins incorporée aux religions. Différence à cet égard entre le christianisme et le mahométisme. Intolérance du mahométisme différente de celle des chrétiens. Que les effets de l’intolérance varient suivant que les religions sont plus ou moins éloignées de leur origine et de leur première ferveur, et aussi suivant que les esprits sont plus ou moins éclairés.

Des différentes sectes dans une même religion ; du gouvernement ecclésiastique et du lien qu’il peut former entre plusieurs États indépendants.

Trois sortes de guerres de religion : guerres faites par les mahométans et par les chevaliers teutoniques pour étendre leur religion. Guerres de religions défensives. — Croisades pour venger les lieux saints et pour rétablir la religion dans les lieux où elle était établie. — Enfin guerres pour défendre la liberté des consciences contre les persécutions ; guerres des protestants. — Influence de ces trois intérêts dans la politique. Liaison qu’établissent la diversité et la similitude des religions entre les sujets persécutés d’un prince et les princes voisins de la même religion. Moyens de remédier à ce mal.

Intolérance et tolérance. Fausseté, injustice et inutilité du premier système. Nécessité de la tolérance ; examen des différentes manières d’établir la tolérance ; fausses idées à ce sujet ; que nulle part on n’en a suivi toutes les conséquences ; dangers de ces conséquences. Que la tolérance doit être sans bornes, même par rapport à l’exercice public, et qu’alors seulement la religion n’entrera plus dans la géographie politique, si ce n’est que parce qu’un État gouverné suivant le principe de la tolérance sera plus riche et plus peuplé qu’un autre.

Pourquoi le christianisme s’étendit dans l’empire romain ; de ses progrès chez les barbares. Des disputes de l’arianisme ; de leurs effets par rapport aux barbares.

État de l’empire depuis Constantin jusqu’à sa chute ; ravages des barbares ; de leurs causes ; de leurs premiers mouvements sous Gallien. Faute des Romains de les avoir introduits dans leurs troupes. Faiblesse des empereurs qui achetèrent la paix. Fausse idée du président de Montesquieu sur la trop grande population du Nord, et sur le refoulement des peuples par les conquêtes des Romains.

Époque de Julien ; faute qu’il fit d’attaquer les Perses. L’empire est ouvert des deux côtés. Des empereurs suivants. De la division absolue de l’empire sous Arcadius et Honorius. Cours des inondations des barbares dirigé vers l’Occident. Leurs établissements. Ils se chassent les uns les autres, se fixent, partagent l’empire. Inondation passagère des Huns ; réflexions sur l’état de barbarie. Alors la géographie politique se retrouve, et les bornes anciennes des nations se rétablissent. De la nation des Francs. Idée des ligues formées par les Germains pour défendre leur liberté. Pourquoi l’établissement des Francs dans les Gaules fut plus solide. Qu’ils réunirent une domination étendue dans la Germanie avec la possession des Gaules. Par là ils conservèrent l’égalité du courage avec les autres Germains qu’ils domptaient par la supériorité de la puissance ; le séjour des Gaules n’énerva point la nation. La puissance française devint le rempart de l’Europe, assura l’établissement des nations, et contribua même indirectement aux progrès des armes de Justinien en Italie et en Afrique contre les conquérants amollis de ces contrées.

Septième mappemonde politique. — L’Europe partagée entre les barbares immédiatement avant le règne de Justinien. État de l’empire grec ; les contrées de la Germanie possédées par la nation maîtresse de la Gaule, deviennent un poids dans la balance des nations. Politique de Clovis et de Théodoric. Effets des disputes de l’arianisme dans la conquête des Francs. Idée du gouvernement intérieur de ces différents États. Des partages : de la dispersion des nations conquérantes dans l’intérieur des pays conquis, et de la forme du gouvernement qui en est résulté.

Idée de l’aristocratie. Considérations générales sur le mélange des nations : barbares avec barbares. Barbares avec policés. Effets de la rencontre de ces différentes nations, Romains, Gaulois, Francs. Leur mélange.

Nouveau point de vue sur la religion chrétienne qui, cessant d’être incorporée à un seul empire, devient un lien commun entre plusieurs États, et rend le siège Rome un point de ralliement entre les nations. Autorité des évêques plus grande, et pourquoi plus grande dans l’Église et dans l’État. Comment les évêques ont part au gouvernement et deviennent seigneurs, parce que le gouvernement devenant aristocratique, les évêques durent y rentrer, attendu qu’ils tenaient un rang considérable dans la nation. Examiner comment un gouvernement fondé par la voie des conquêtes est devenu aristocratique en Europe et non pas despotique.

Du gouvernement des Germains. Différence de leurs conquêtes avec celles des Tartares dans la haute Asie. Cette différence vient : 1o des mœurs mêmes des Germains et de la liberté qu’ils conservaient. Différence entre une nation guerrière et une armée de soldats. 2o De l’état des pays conquis déjà gouvernés par des lois supérieures à tout ce que les barbares pouvaient imaginer de plus beau. 3o Du partage des terres fait par les conquérants, qui augmenta la puissance des particuliers à proportion de celle de leurs chefs, et ne laissa à ceux-ci d’autre force que celle des vassaux, sans leur laisser le pouvoir de les opprimer. 4o De l’influence que prit la religion parmi ces nations.

État du commerce à cette époque ; décadence des villes et du commerce intérieur, faiblesse de la marine. Route de la circulation générale sur le globe.

Réflexions sur la nation juive et sur le rôle qu’elle commençait à jouer dans le commerce d’Alexandrie, de Constantinople, et du reste de l’Europe. Misère de l’Italie.

Réflexions sur les deux principales puissances du monde, les Francs et l’empire grec. Guerres d’Italie et d’Afrique.

Comparaison des deux puissances ; leurs avantages et leurs désavantages jugés par les principes de la géographie politique, et par les défauts de leur gouvernement intérieur.

De la Perse, des Arabes, des peuples du nord relativement à l’empire grec.

     Naissance de Mahomet. Réflexion sur la situation des Arabes ; sur leur liberté qu’ils avaient conservée ; sur la sécurité que leur désunion et leur pauvreté avaient toujours inspirée aux Romains ; sur les avantages de leur situation pour faire des conquêtes[2]

Ce n’est pas une chose neuve de dire que les Pays-Ras et l’Italie ont ruiné l’Espagne.

Examiner si les princes espagnols n’ont pas pensé plusieurs fois à démembrer les Pays-Bas de leur monarchie ; mais celui qui aurait proposé à Philippe II de les céder à quelque prince, eût été regardé comme un fou, et je ne sais de quel œil la reine de Hongrie regarderait aujourd’hui un homme qui lui ferait la même proposition. Il est du moins bien sûr que les Anglais, en faisant la guerre de 1700, ne croyaient pas rendre à la France et à l’Espagne le service le plus signalé, 1o en fomentant leur union ; 2o en étant à la France un ennemi puissant ; 3o en forçant l’Espagne à s’occuper de son véritable intérêt, la marine.

La maxime qu’il faut retrancher des provinces aux États, comme des branches aux arbres, pour les fortifier, sera encore longtemps dans les livres avant d’être dans les conseils des princes. C’est un des grands objets de la géographie politique, de déterminer quelle province il est avantageux à un État de conserver ; c’est à elle à démontrer qu’il y a des cas où l’on doit se croire heureux d’en perdre. Il est bien constant que l’ordre établi entre les puissances par la géographie politique, c’est-à-dire par les bornes que la nature a mises entre les États, aurait subsisté, et qu’un prince n’aurait jamais possédé que ce qu’il aurait été à portée de conserver, si la force, qui est le seul moyen de conserver, eût été le seul moyen d’acquérir. Mais le droit, héréditaire des princes, joint à l’extrême division des États introduite par le gouvernement féodal, a changé cet ordre naturel, et a mêlé les États des princes comme les terres des particuliers, parce que le sort des nations a été réglé par les mêmes lois que la distribution des héritages. L’unité du gouvernement n’est plus dans un corps de nation : le souverain est le seul point de réunion.

Dans le langage de l’Europe politique on doit distinguer une puissance d’un État. Le roi de Prusse est une puissance, le roi de France a un État. Charles-Quint n’avait qu’une puissance, et l’Espagne a été dans le même cas jusqu’à Philippe V ; elle est devenue un État depuis cette époque ; elle y a gagné une unité d’intérêt qui dirigera nécessairement ses forces, jusque là partagées, aux seuls objets qui lui peuvent être utiles. Une puissance, en un mot, redevient un État, lorsqu’elle se réduit aux bornes que la nature lui a assignées. La géographie politique a tracé les limites des États, le droit public forme les puissances ; mais à la longue la géographie politique l’emporte sur le droit public, parce qu’en tout genre la nature l’emporte à la longue sur les lois. On ne conserve longtemps que ce qu’on est à portée d’acquérir, parce qu’on doit toujours perdre à la longue ce qu’on ne peut recouvrer aisément quand on l’a perdu de nouveau.

Nous sommes bien loin de penser à examiner les idées que je vais proposer, et peut-être appartiennent-elles plus à la politique prise en général qu’à la géographie politique. Jusqu’ici les hommes ont joui de la fécondité de la terre, comme les sauvages jouissent des fruits des arbres qu’ils n’ont point plantés. Ils en ont profité sans songer à les faire naître. Je m’explique ; je ne veux pas dire assurément que le produit annuel de cette fécondité ne soit pas dû à leurs travaux ; sans doute la terre arrosée de leurs sueurs a plutôt vendu ses productions à leur industrie, qu’elle ne les a données à leurs besoins ; mais ce travail et cette industrie se sont toujours bornés, si je l’ose ainsi dire, à cultiver la terre fertile. On a labouré, ensemencé, dépouillé quelques campagnes, on n’a point encore songé, du moins en grand, à travailler la terre même, et à tirer de notre globe le meilleur parti possible. La multitude des terrains qui sont encore incultes, malgré leur fécondité, nous a dispensés de chercher à découvrir de nouvelles ressources, quand celles qui sont connues sont si loin d’être épuisées ; et en cela nous ressemblons encore aux sauvages, qui ne songent point à labourer la terre, parce que les fruits qu’elle produit sans culture, et les animaux qu’elle nourrit, suffisent aux besoins de leur petit nombre. Pourquoi désespérerions-nous de donner à de vastes terrains une fécondité qu’ils n’ont pas reçue de la nature ? Celle-ci a-t-elle tout fait pour les hommes ? Non. Mais elle leur a toujours offert des modèles à suivre, lorsqu’ils ont assez d’industrie et de courage pour imiter ses opérations. Voyons comment elle agit pour rendre les terrains fertiles, et examinons si les mêmes moyens peuvent être mis en usage par l’industrie humaine.

Deux choses contribuent à la fertilité de la terre, la nature du sol et les arrosements. La nature du sol dépend de la combinaison des différents principes qui composent les terrains, sable, argile, craie, etc. ; principes dont le juste mélange peut seul féconder le développement des germes, et qui, séparés des autres principes, rendent souvent de vastes régions stériles et inhabitables.

Les arrosements dépendent de la situation du sol, de la disposition des montagnes, de la pente irrésistible qui, depuis leur sommet jusqu’aux rivières et à la mer, dirige le cours des eaux que l’atmosphère, dans laquelle le soleil les tient suspendues, décharge de temps en temps sur la terre, où elles se distribuent suivant cette inclinaison variée des terrains qui les reçoivent. Cette pente doit être assez douce pour qu’une partie des eaux puisse s’insinuer dans les interstices des terrains supérieurs, en amollir les glèbes, en délayer les sucs et y charroyer ceux dont elle s’est chargée dans l’atmosphère ; assez rapide en même temps pour qu’il parvienne assez d’eau pour abreuver à leur tour les terres inférieures ; et cependant assez inégale pour que l’eau trouve à chaque pas des enfoncements où, comme dans des réservoirs, elle se rassemble en plus grande quantité sous une plus petite surface ; afin que, d’autant moins exposée aux effets d’une évaporation trop prompte, elle se rende par mille détours dans d’autres réservoirs où, recueillie et conservée pour les besoins des animaux et des végétaux, elle forme des fontaines, des ruisseaux, et enfin des fleuves qui la reconduisent à la mer.

Par cette distribution, dont l’immense variété ne présente à nos sens que l’image du désordre, parce que l’ordre réel n’est jamais que dans l’ensemble, et qu’ici l’ensemble est trop vaste pour nos sens, la terre est rendue habitable et fertile. Je ne crois pas impossible aux hommes d’employer tantôt l’une, tantôt l’autre de ces deux voies, et toutes les deux même au besoin, pour donner à certains terrains une fertilité qu’ils n’ont pas et suppléer ainsi à la nature, ou plutôt la remplacer de la seule façon possible en l’imitant. Voyons d’abord ce qu’on peut faire pour corriger la nature du sol[3]………


  1. Les morceaux suivants ne sont que des esquisses que M. Turgot avait commencées en Sorbonne, ou dont il avait occupé ses loisirs peu de temps après en être sorti, mais auxquelles les affaires ne lui permirent plus ensuite de mettre la dernière main.

    Il avait commencé celle qui regarde la géographie politique pour un de ses condisciples qui avait eu le dessein de composer un ouvrage sous ce titre, et qui fut effraye de la manière étendue dont M. Turgot aurait voulu qu’il fût traité, et de ce qu’il n’en formait que la seconde partie d’une suite de travaux dont le premier aurait été l’histoire universelle, et le dernier aurait embrassé toute la science du gouvernement.

    L’amitié, que M. Turgot a plus inspirée et surtout mieux ressentie qu’aucun autre homme que j’aie connu, a beaucoup contribue à l’emploi de son honorable vie. Il s’engageait pour ses amis à des projets dont il traçait tous les détails avec un zèle infatigable, et à des essais de rédaction très-soignés. Il n’aurait jamais pris tant de peine s’il ne se fût agi que de sa propre gloire.

    Aucun de ceux qui ont eu l’honneur et le bonheur d’avoir part à son intimité n’a jamais su ce qu’on devait le plus admirer, de son cœur ou de son esprit.

    Ces médailles de sa jeunesse auront de l’intérêt pour tout le monde. On ne sera point surpris que celui qui, au séminaire, avait conçu de si vastes plans d’ouvrages sur des sujets si importants, et qui avait déjà rassemblé sur eux tant de matériaux, coordonné tant d’idées, ait été depuis un grand philosophe, un administrateur plein de lumières, un ministre de premier ordre. (Note de Dupont de Nemours.)

  2. Il y a ici une lacune dans le manuscrit de M. Turgot, et nous ignorons combien de pages sont perdues. (Note de Dupont de Nemours.)
  3. Il y a lieu de croire que ce plan d’ouvrage n’a jamais été terminé. Les lecteurs qui auront été frappés de l’immense chaîne d’idées que ce cadre rassemble, de la multitude de connaissances qu’il suppose, des grandes vues qu’il présente, partageront à cet égard nos regrets. (Note de Dupont de Nemours.)