Œuvres de Saint-Amant/Lugubres monumens d’une eternelle gloire


SONNET.

Sur le tombeau du Marquis de Gesvres[1]tué d’un éclat de pierre de la mine devant Thionville


Lugubres monumens d’une éternelle gloire,
Marbres que l’art fait vivre à l’honneur de la mort,
Durs et tendres tesmoins d’un lamentable sort
Qui rend un beau succez funeste à la mémoire ;

Pierres de qui l’amas forme une pompe noire,
Où la pieté brille, où la vaillance dort ;
Grands trésors de sculpture, où, par un noble effort,
Le fer industrieux a r’animé l’histoire ;

Merveilles qu’on descouvre en ce riche cercueil,
Où l’albastre gémît, où le jaspe est en dueil,
Que vous reparez bien un insigne dommage !

Gesvres revoit le jour, à tort nous en doutons,
Et vous me semblez dire, en son auguste image :
Si nous l’avons tué, nous le ressuscitons.

  1. Il s’étoit déjà signalé au siège d’Arras, sous le commandement des maréchaux de Chaulnes, de Chastillon et de La Meilleraye (3 juin — 10 août 1640), et il y avoit été fait prisonnier.