Œuvres de Saint-Amant/Assis sur un fagot, une pipe à la main


SONNET[1].


Assis sur un fagot, une pipe à la main,
Tristement accoudé contre une cheminée,
Les yeux fixes vers terre, et l’ame mutinée,
Je songe aux cruautés de mon sort inhumain.

L’espoir, qui me remet du jour au lendemain,
Essaye à gaigner temps sur ma peine obstinée,
Et, me venant promettre une autre destinée,
Me fait monter plus haut qu’un empereur romain.

Mais à peine cette herbe[2] est-elle mise en cendre,
Qu’en mon premier estat il me convient descendre,
Et passer mes ennuis à redire souvent :

Non, je ne trouve point beaucoup de difference
De prendre du tabac à vivre d’esperance,
Car l’un n’est que fumée, et l’autre n’est que vent.


  1. Ce sonnet, si l’on en croit la tradition, auroit été composé chez un cabaretier nommé La Plante, du bourg de Sauzon, à Belle-Île. Saint-Amant reparle de ce La Plante au sonnet suivant.
  2. Le tabac, ou petun, comme disoient les burlesques.