Texte établi par la Société Française de Physique, Gauthier-Villars (p. 35-55).

DILATATION ÉLECTRIQUE DU QUARTZ.

En commun avec JACQUES CURIE.



Journal de Physique, 2e série, t. VIII, 1889, p. 149.


La première partie de ce travail se rapporte à des expériences déjà anciennes (1881)[1]. Au moment où elles ont été entreprises, M. Lippmann[2], dans un travail sur les applications des principes fondamentaux de la conservation de l’énergie, de la conservation de l’électricité et du principe de Carnot, montrait en particulier qu’avec la connaissance des phénomènes de piézo-électricité que nous avions découverts, on pouvait théoriquement prévoir la dilatation électrique de ce cristal, ainsi que la grandeur, le sens et la nature du phénomène.

Nos expériences entreprises à ce moment en ont donné la consécration expérimentale.

À côté de l’intérêt particulier qu’elles peuvent avoir, elles se sont ainsi trouvées avoir l’intérêt plus général de vérifier les conséquences d’une théorie qui s’applique à un grand nombre de phénomènes.

Nous donnerons d’abord une vue d’ensemble de la nature des phénomènes.

Considérons un parallélépipède rectangle de quartz (fig. 1) ayant quatre arêtes, telles que AD, parallèles à l’un des axes électriques, et quatre arêtes, telles que AB, parallèles à l’axe optique.

Premier cas. — Si l’on comprime le cristal normalement aux faces ABC, DEFG, c’est-à-dire si l’on exerce l’effort dans le sens de l’axe électrique, on obtient un dégagement d’électricité sur les mêmes faces, donné par la formule

q étant le dégagement électrique, f la force et K la constante piézo-électrique.

Fig. 1.

Nous avons trouvé qu’une force de 1kg dégage, par effort direct dans ces conditions, une quantité d’électricité capable de porter une sphère de 16cm,6 au potentiel d’un daniell, d’où l’on déduit, pour la constante piézo-électrique en unités absolues C. G. S. électrostatiques,

K est la quantité absolue d’électricité dégagée par un effort d’une dyne sur le quartz.

À ce dégagement piézo-électrique correspond un phénomène de dilatation électrique δ dans le sens de l’axe électrique, lorsque l’on établit une différence de potentiel V entre les deux faces qui lui sont normales (faces que l’on peut supposer argentées) ; on aura

δ est exprimé ici en centimètres.

On voit que la grandeur de la dilatation dans le sens de l’axe électrique est indépendante des dimensions du cristal.

Cette grandeur est du reste extrêmement petite pour les tensions dont nous disposons ; pour V = 14,8, soit 4400 volts environ, tension correspondant à 1mm d’étincelle dans l’air, on a

soit 0µ,00935 en microns, de micron environ.


Deuxième cas. — Si l’on comprime le cristal dans la direction de l’axe optique, c’est-à-dire normalement aux faces ADBF, CEG, aucun dégagement électrique ne prend naissance.

Réciproquement, lorsque l’on établit une tension électrique quelconque, la longueur de l’axe optique ne varie pas.


Troisième cas. — Si l’on comprime le cristal dans une direction normale aux axes optique et électrique, c’est-à-dire normalement aux faces ADEC, BFG, un dégagement électrique se produit sur les faces ABC, DFGE normales à l’axe électrique. Le dégagement électrique est de signe contraire à celui qu’aurait donné une compression dans le sens de l’axe électrique ; il est donné par la formule

dans laquelle K est la même constante que précédemment

L est la longueur AB du parallélépipède dans la direction normale aux axes optique et électrique, e est la longueur de la dimension AD parallèle à l’axe électrique dans le parallélépipède.

Réciproquement, lorsque l’on établit une différence de potentiel entre les deux faces ABC, DFG, normales à l’axe électrique, le cristal tend à se dilater ou à se contracter dans la direction normale aux axes optique et électrique. Les effets sont donnés par la formule

δ étant exprimé en centimètres et V en unités électrostatiques. Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/68 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/69 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/70 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/71 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/72 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/73 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/74 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/75 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/76 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/77 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/78 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/79 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/80 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/81 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/82 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/83 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/84 Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/85

  1. Comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences, t. XCIII, p. 1137 et t. XCV, p. 914.
  2. Journ. de Phys., 1881 ; p. 387. Ann. de Chim. et de Phys., 1881.