Œuvres de Descartes/Édition Adam et Tannery/Correspondance/Introduction à la Correspondance de Descartes

Œuvres de Descartes, Texte établi par Charles Adam et Paul TanneryLéopold CerfTome I : Correspondance, avril 1622 - février 1638 (p. xv-lxxviii).
INTRODUCTION


A LA CORRESPONDANCE DE DESCARTES



I. Édition Clerselier (1657-1659-1667).

II. Projet d'édition de Legrand et collection de La Hire (1675-1704). Classement de Poirier ou d'Arbogast (1793-1803).

III. Édition Victor Cousin (1824-1826).

IV. Autographes de Lettres et Copies manuscrites.



I.
ÉDITION CLERSELIER.


(1657-1659-1667.)


La première édition des Lettres de Descartes est celle de Clerselier, en trois volumes in-4, Paris, Charles Angot, 1657, 1659 et 1667. Quelques lettres cependant avaient été déjà imprimées à part, voici dans quelles circonstances.

En 1638, Plemp (Plempius), Professeur en Médecine à l'Université de Louvain, qui avait fait à deux reprises des objections à Descartes, résuma dans une première édition De Fundamentis Medicinœ (1638) les deux réponses du philosophe. Henry de Roy (Regius), de l'Université d'Utrecht, trouva le résumé inexact, et s'en plaignit dans des Thèses publiques en 1640 ; Plemp imprima donc le texte complet des deux lettres de Descartes dans une seconde édition des Fundamenta Medicinæ en 1644. La même année, un médecin de Dordrecht, Beverwick, demandait au philosophe ces deux mêmes réponses, et Descartes lui envoyait les minutes qu’il avait conservées : elles parurent dans les Quæstiones epistolicæ de Beverwick (Beverovicius), petit in-12 imprimé à Rotterdam en 1644. Clerselier ne se servira que de ce dernier ouvrage, où les deux lettres sont incomplètes et sans date.

En 1653, Pierre Borel, « Médecin du Roy », publiait dans son Compendium vitæ Renati Cartesii (petit in-12, de 55 pages seulement, imprimé à Castres), une traduction latine de quelques lettres ou fragments de lettres (en tout, onze numéros), dont on faisait circuler des copies : entre autres, deux lettres à la princesse Elisabeth, du 7 mai et du 28 juin 1643. Borel donne presque toujours la date précise des pièces qu’il publie ; mais Clerselier ou bien ignora cette publication, ou du moins n’en tint pas compte, comme il pouvait le faire, pour dater quelques pièces de la Correspondance de Descartes.

Enfin l’année 1656 parut à Amsterdam, sous le titre de Magni Cartesii Manes ab ipsomet defensi, sive N. V. Renati Des-Cartes Querela apologetica, la longue lettre apologétique du philosophe au Corps de Ville (Vroedschap) d’Utrecht. Descartes paraît avoir écrit lui-même cet opuscule en français et en latin. C’est le texte latin qui fut publié à Amsterdam, en 1656 ; Clerselier donnera le texte français au tome III de son édition, en 1667.

De quels matériaux disposait-il, lui-même le raconte dans la Préface de son premier volume. Il possédait les manuscrits de Descartes, c’est-à-dire, non pas les lettres envoyées par celui-ci, mais les minutes qu’il avait conservées pour un assez bon nombre d’entre elles. Ces minutes se trouvaient avec d’autres papiers, emportés de Hollande en Suède ; dans l’inventaire dressé le 14 février 1650, trois jours après la mort de Descartes, et dont une copie ms., de Clerselier lui-même, se trouve maintenant à la Bibliothèque Nationale (fr. 13262), outre celle de la Bibliothèque de l’Université de Leyde (collection Huygens), 7 articles sur 23 se rapportent à la correspondance :

A. Un assemblage de plussieurs cahiers liez ensemble, au nombre de dix, escritz d’autre main que de celle de Mons. Descartes, où sont transcrittes plussieurs lettres receues par Mons. Descartes, avec les responses qu’il a faites concernant des questions mathematiques, et quelques objections aux escrits de M. Descartes.

I. Une liasse de plussieurs lettres et objections à Mons. Descartes par diverses personnes.

L. Renati Descartes querela apologetica ad amplissimum Magistratum Ultrajectinum contra Voetium et Dematium.

O. Un escrit contenant neuf cahiers en forme de Lettres à Messieurs… contre le Sr Voetius.

T. Deux cent soixante-deux feuillets in-4o des Minutes des lettres escrittes par Mons. des Cartes à diverses personnes.

V. Quatorze feuillets in-4o et deux in-8o de minutes de lettres escrittes à Madame la Princesse Elisabeth de Bohême.

Z. Une liasse d’environ 25 feuillets detachez sans suitte, et quelques papiers volants contenant la réponse à quelques objections et autres matieres differentes.

Les héritiers laissèrent le tout à Chanut, ambassadeur de France en Suède, et grand ami du philosophe. On comptait sur lui pour publier ces manuscrits, et en 1653 Lipstorp (Lipstorpius), de Lübeck, le faisait espérer au public, p. 84 de ses Specimina Philosophiœ Cartesianœ : « Si Deus Illustrissimo Viro Dn. Petro Chanuto, Galliarum Regis Legato Extraordinario, vitam concesserit (quod speramus, et ardenter optamus), videbimus … Epistolas magno numero ab Authore ad Amicos scriptas, et ab iis receptas, rerum philosophicarum plenissimas. » Mais le diplomate, tout occupé d’importantes négociations en Suède et en Allemagne, à Lübeck même, s’en remit de ce soin à Clerselier, son beau-frère, également ami du philosophe. Le précieux dépôt fut donc envoyé en France, où il n’arriva qu’après bien des retards, en 1653. Là un dernier malheur l’attendait, qui faillit tout perdre irréparablement : le coffre qui contenait les manuscrits, venu par mer jusqu’à Rouen, fut ensuite confié à un bateau qui devait remonter la Seine jusqu’à Paris ; à l’approche de cette ville le bateau coula, et les manuscrits de Descartes restèrent trois jours au fond de l’eau, « au bout desquels Dieu permit qu’on les retrouvât à quelque distance de l’endroit du naufrage. Cet accident fit que l’on fut obligé d’étendre tous ces papiers dans diverses chambres pour les faire sécher. Ce qui ne put se faire sans beaucoup de confusion, surtout entre les mains de quelques domestiques qui n’avoient point l’intelligence de leur maître (Clerselier) pour en conserver la suite et l’arrangement. » Ces détails se trouvent dans la Vie de Mons. Des-Cartes, 1691, t. II, p. 428 : l’auteur, Adrien Baillet, devait être bien renseigné, car il composa son ouvrage en collaboration avec l’abbé Jean-Baptiste Legrand, à qui Clerselier avait légué ces papiers en 1684, non sans lui en avoir sans doute conté les mésaventures. Cependant Clerselier, dans sa Préface de 1657, ne dit mot du naufrage ni du sauvetage, et déclare seulement que ce qui lui a donné le plus de peine, « a esté que ces lettres n’estant écrites que sur des feuilles volantes, toutes détachées les vnes des autres, et souuent sans datte ny reclame, le desordre qui s’y estoit mis auoit fait qu’elles ne se suiuoient point, et qu’on n’y reconnoissoit ny commencement ny fin ; de sorte, » ajoute-t-il, « que i’ay esté obligé de les lire presque toutes, auant que de les pouuoir rejoindre les vnes aux autres, et de leur pouuoir donner aucune forme, pour les disposer par apres dans l’ordre et dans le rang qu’elles tiennent ».

Mais un examen attentif des trois volumes fait reconnaître que le désordre, dont se plaint l’éditeur, n’existait pas pour toutes les lettres, et qu’un assez bon nombre, sans doute rassemblées et peut-être même cousues en plusieurs liasses (les articles A, I, T, V, Z de l’inventaire le feraient croire), formaient des séries assez régulières, soit qu’elles fussent adressées à un même correspondant, soit qu’elles eussent été écrites la même année. En somme, les deux tiers et presque les trois quarts de chaque volume offrent un ordre facile à suivre, et Clerselier ne paraît avoir été embarrassé que pour un petit nombre de lettres qu’il a rejetées pêle-mêle à la fin de ses volumes, désespérant de retrouver pour chacune, non pas la date qui lui importait peu, mais le nom du destinataire. Encore ne s’en mettait-il guère en peine : l’essentiel pour lui était la substance même de chaque lettre, ou le sujet dont elle traite ; le reste ne lui paraissait qu’un accessoire qui pouvait s’ôter sans grande perte, petites nouvelles dont la lettre était parsemée, phrases de politesse au commencement et à la fin. « Pour ce qui est, » dit-il, « de l’ordre et de la suitte des lettres en général, comme souvent il importoit fort peu laquelle seroit mise devant, chacune presque traittant de questions differentes, et qui ne dépendent point les vnes des autres, je ne m’y suis pas beaucoup arresté ; mais quant à la disposition et à l’œconomie de chaque lettre en particulier, comme c’est un coup du maistre, on y verra le mesme ordre et la mesme distribution que dans tous ses autres écrits. » On comprendra mieux comment a procédé Clerselier et quels services peut encore rendre son édition, en étudiant l’un après l’autre les trois volumes.

Volume I.

Le premier volume parut sous ce titre : Lettres de Mr Descartes où sont traittées les plus belles questions de la Morale, Physique, Medecine et des Mathematiques. A Paris, chez Charles Angot, ruë Saint-Iacques, à la Ville de Leyden, 1657, (privilege du 21 décembre 1656, achevé d’imprimer pour la première fois le 30 Janvier 1657). Une nouvelle édition du tome premier, reueu et augmenté, fut publiée en 1663 (A Paris, chez Charles Angot, Libraire Iuré, ruë S. Iacques, au Lion d’Or, acheué d’imprimer pour la deuxième fois le 30 mars 1663) ; enfin parut en 1667 (achevé d’imprimer le 2 janvier), une troisième édition qui n’est qu’une réimpression de la seconde. Le titre a un peu changé : la première édition disait « où sont traittées les plus belles questions » ; la seconde dit seulement « plusieurs belles questions ». La première édition a 663 pages, la seconde 540 seulement, ce qui tient à la différence des caractères, 30 lignes à la page dans l’une, et 36 dans l’autre. Mais le nombre des pièces reste le même, 119 de part et d’autre. Voici les principales différences : la série des lettres à Regius (lettres LXXXI-XCIX) n’est pas disposée dans le même ordre ; la lettre C, sur Balzac, ne se trouve qu’en latin dans l’édition de 1657, tandis qu’en 1663, elle est suivie d’une version française, la lettre C bis ; enfin deux lettres, LV et LVI, entre Descartes et le P. Ciermans, ne sont aussi qu’en latin dans la première édition, tandis que dans la seconde le latin a disparu : on trouve à la place une version française, lettres LV et LVI également.

Les 119 lettres du premier volume se répartissent ainsi :

51 à la reine de Suède, à M. Chanut, et à la princesse Élisabeth, etc. (I-LI).
3 à un Seigneur (LII-LIV).
2 entre Descartes et un R. P. Jésuite des Pays-Bas (LV et LVI).
7 entre Descartes et Morin (LVII-LXIII).
9 entre Descartes et M. More, Gentilhomme anglois (LXIV-LXXII) ; les deux premières entre Clerselier et More.
2 à Mersenne, sur la question géostatique (LXXIII-LXXIV).
6 dont 2 entre Descartes et « M. de Berouic », suivies de 4 autres entre Descartes et « un Médecin de Louuain » (LXXV-LXXX).
19 à M. le Roy, Docteur en Médecine et Professeur (LXXXI-XCIX).
3 sur Balzac et à lui-même (C-CII).
8 à divers (CIII-CX), dont un seul est nommé, « M. de Zuytlichem » (CVI).
2 à Mersenne (CXI et CXII).
4 à un R. P. Jésuite (CXIII-CXVI).
3 à Clerselier (CXVII-CXIX).

Clerselier avait habilement choisi les lettres de ce volume : si les mathématiciens de profession n’y trouvèrent pas leur compte, comme l’écrivait Christian Huygens, le 2 mars 1657, en revanche le public qui s’intéresse davantage aux questions de morale, de physique même et de médecine, eut de quoi se satisfaire ; puis les noms de la reine Christine et de la princesse Élisabeth, l’une et l’autre encore vivantes, celui de Balzac, sans parler de ce gentilhomme anglais, M. More, et de ce seigneur dont on ne disait pas le nom, devaient attirer l’attention, et faire honneur au philosophe qui avait été en correspondance avec d’aussi grands personnages. Le succès du livre était assuré, et deux ans après, lorsque Clerselier publia son second volume, il constate, dans la Préface, que le premier est déjà « entièrement débité ».

Au xviie siècle, où l’on estimait surtout les idées d’un auteur, on pouvait se contenter de cette édition. Mais nous sommes devenus plus exigents ; nous demandons à une correspondance au moins deux choses : d’abord, qu’elle soit complète, c’est-à-dire en partie double, avec les lettres des correspondants et celles de l’auteur ; ensuite que le tout soit disposé dans l’ordre chronologique. Or ces deux choses manquent trop à l’édition Clerselier ; elles semblent même avoir été le moindre de ses soucis.

En France il obtint cependant de J.-B. Morin, Professeur au Collège Royal, communication de quelques lettres écrites à Descartes ainsi que des réponses. Encore, sur les sept pièces de cette correspondance, la première (LVII), bien antérieure aux autres, n’est point datée ; mais on trouve ensuite quelques dates, 22 février et 13 juillet 1638 pour LVIII, LIX et LX, 12 août de la même année pour LXI, rien pour LXII et LXIII.

Voici une autre correspondance que Clerselier pouvait aisément compléter et dater : il s’en est soucié encore moins. Chanut conservait un memento des lettres qu’il écrivait ou qu’il recevait ; Baillet et Legrand s’en serviront plus tard pour fixer plusieurs dates. Chanut avait aussi recouvré ses lettres, à la mort du philosophe, et Baillet en donnera de longs passages dans la Vie de Descartes. Mais Clerselier ne tira aucun parti de ces papiers de famille. Peut-être dut-il compter avec la modestie de son beau-frère, à laquelle il rend hommage dans la dédicace de son premier volume : Chanut n’avait même pas permis qu’on imprimât cette dédicace en 1657, et il fallut attendre sa mort, en 1662, pour la donner au public dans la seconde édition de 1663. Peut-être aussi les convenances s’opposaient-elles à la publication de lettres où un ambassadeur parlait librement de la reine auprès de qui il était accrédité, et lorsqu’elle était encore vivante (Christine ne mourut qu’en 1689). — Les mêmes raisons, auxquelles s’ajoute un sentiment de réserve bien naturel à une femme, expliquent pourquoi Clerselier ne put livrer à la curiosité publique les lettres de la princesse Élisabeth : celle-ci les avait aussitôt redemandées, à la mort de Descartes ; Chanut les lui renvoya, et la princesse, dit Baillet (t. II, p. 428), « ne voulut point permettre qu’on en imprimât aucune avec celles du philosophe ». Cependant elle en laissa prendre copie, et c’est ainsi qu’elles furent retrouvées plus tard et publiées en 1879 par Foucher de Careil.

Toujours par un semblable excès de modestie, Clerselier, qui imprimait à la fin du premier volume trois réponses qui lui avaient été faites, n’a point donné en même temps ses propres lettres auxquelles Descartes répondait. Et par la même négligence ou insouciance encore, il n’a point daté ces trois réponses.

Enfin les trois lettres à Balzac (C, CI et CII) n’ont point de date ; il était facile cependant de dater au moins les deux dernières, en intercalant entre elles une lettre à Descartes, du 25 avril 1631, imprimée dès 1636 dans la Seconde partie des Lettres de Mr de Balzac, et réimprimée en 1637, 1641, etc. On avait aussi, pour la première, une réponse, datée du 30 mars 1628 et imprimée en 1657, 1664, etc., dans des éditions particulières du Socrate chrestien par le Sr de Balzac et autres œuvres du mesme Autheur. Enfin on a retrouvé encore une lettre de Descartes à Balzac, ou plutôt la copie d’une lettre, du 14 juin 1637, parmi les papiers de Conrart, à la Bibliothèque de l’Arsenal. Mais en 1691, Baillet, à propos des lettres de Descartes à Balzac, mettra cette note en marge, t.  I.  p. 401 : « elles sont perdues la plupart. »

Cependant Clerselier avait écrit de Paris, le 12 décembre 1654, tout exprès « à M. More, gentilhomme anglois » (Henricus Morus), et celui-ci lui avait répondu de Cambridge, le 14 mai 1655. Ces deux lettres, LXIV et LXV, nous ont valu sans doute la date de celles qui suivent, LXVI et LXVII, 11 décembre 1648 et 5 février 1649, LXVIII et LXIX, 5 mars et 15 avril, (LXX n’est point datée), LXXI 21 octobre ; enfin LXXII n’est qu’une ébauche de lettre sans date non plus. Mais Morus avait changé quelque chose à ses lettres, avant de les envoyer à Clerselier ; ce n’est donc plus exactement ce qu’avait reçu Descartes. Voilà ce qu’on pouvait craindre, en s’adressant après coup aux correspondants du philosophe : donneraient-ils toujours le texte fidèle de ce qu’ils avaient écrit ? D’autre part la possession des minutes de Descartes assurait un avantage à Clerselier : il y trouvait, par exemple, la lettre LXXII, c’est-à-dire une dernière réplique qui n’avait pas été envoyée.

Mais puisque Clerselier écrivait en Angleterre, que ne s’informait-il de ce seigneur à qui Descartes avait adressé au moins trois lettres, LII, LIII et LIV ? C’était le marquis de Newcastle, frère d’un autre correspondant de Descartes, Charles Cavendish ; et si ce dernier était mort en 1652, son aîné vécut jusqu’en 1676.

Le premier volume contient aussi des lettres de Descartes et de correspondants des Pays-Bas. Ce sont d’abord les lettres LV et LVI, objections d’un R. P. Jésuite avec les réponses. Clerselier aurait pu savoir (Descartes le dit lui-même dans d’autres lettres), que ce Jésuite était le P. Ciermans, de l’Université de Louvain, mort d’ailleurs en 1648. Il pouvait savoir également, on l’a vu dès la première page de cette étude, que le Médecin de Louvain, qui fit des objections auxquelles Descartes répondit, lettres LXXVII-LXXX, était le Professeur Plemp (Plempius), de la même Université.

Aux Pays-Bas enfin vivait toujours Henry de Roy (Regius), Professeur à l’Université d’Utrecht, grand ami de Descartes entre 1638 et 1646, mais qui devint ensuite son ennemi. Clerselier avait entre les mains une copie des lettres de Regius ; cependant il ne les publia pas en 1657, bien que cela eût beaucoup aidé à comprendre les réponses de Descartes, fragments de réponses plutôt, où l’on ne trouve que trop de lacunes. Telles qu’elles étaient, elles déplurent à Regius, et l’un de ses amis se plaignit, dans un livre, que « ces réponses de Descartes étoient des choses controuvées et faites à plaisir ». Clerselier pensa alors, pour se justifier, à publier dans la seconde édition, en 1663, les lettres mêmes de Regius, auxquelles Descartes répondait. « Mais », dit-il (p. 8 de sa Préface au Traité de l’Homme, 1664), « en ayant écrit à M. de Roy, pour ne rien faire que de concert avec lui, il ne l’a pas voulu permettre ». La seconde édition parut donc sans lettres de Regius, et de nouveau avec les lettres de Descartes, tronquées et mutilées, comme s’en était plaint discrètement Clerselier dès 1657, à la fin de l’une d’elles (LXXXIV dans la première édit., LXXXVII dans la seconde) : « Deest reliquum. Et si candide et generosè D. Regius velit agere, illud supplebit. » C’était à la fois un appel direct à Regius, pour qu’il communiquât les originaux des lettres que Descartes lui avait écrites, et une allusion à la devise, candidè et generosè, que lui-même avait fait mettre à son portrait en tête des Fundamenta Physices (1646). Certes Clerselier ne pouvait faire mieux en cette circonstance.

Restent quelques lettres à Mersenne, LXXIII et LXXIV, CXI et CXII, ou à des jésuites, CXIII-CXVI, et huit lettres sans nom ni date, CIII-CX, sauf CVI à M. de Zuylichem. Sans doute, si Clerselier l’avait demandé à celui-ci (Constantin Huygens, le père), ou encore à M. de Pollot, avec qui d’ailleurs il était en correspondance, il aurait obtenu pour quelques-unes le nom du destinataire ainsi que la date : la lettre CVII, par exemple (lettre de consolation « sur la mort d’un frère »), est adressée à Alphonse de Pollot, dont le frère Jean-Baptiste était mort à La Haye, le 14 janvier 1641, etc. Si donc, grâce à Clerselier, les lettres de Descartes ont été sauvées d’une destruction entière, il n’a cependant pas rempli tout son devoir d’éditeur ; ou plutôt il l’entendait à la façon du xviie siècle, uniquement préoccupé des sujets traités dans cette correspondance, et indifférent aux questions accessoires de temps, de personnes ou de lieux.

Volume II.

Le second volume parut en 1659 avec ce titre : Lettres de Mr Descartes où sont expliquées plusieurs belles difficultez touchant ses autres Ouurages. Tome second : Paris, Charles Angot, ruë Saint-Iacques, à la ville de Leyden (achevé d’imprimer le 28 may 1659). Il fut réimprimé, sans aucun changement, en 1666 (achevé d’imprimer le 2 janvier). Une particularité remarquable de ce second volume, c’est qu’on n’y trouve plus de latin : toutes les lettres latines, au nombre de 22, y sont traduites en français. Les lecteurs s’étaient plaints de celles du premier volume ; Clerselier fit donc traduire les autres par son jeune fils, en manière d’exercice ; lui-même raconte le fait, en partie dans la Préface de ce second volume (1659) et tout au long dans celle du Traité de l’Homme (1664). Seulement il ne donna de ces lettres que la version française, sans le texte latin. En 1668, Daniel Elzevier publia à Amsterdam une édition latine des deux premiers volumes de Lettres. Le titre était : Renati Descartes Epistolœ, partim ab auctore latino sermone conscriptœ, partim ex gallico translatœ, etc. (2 vol. in-4). Elle avait été préparée, dit une Prœfatiuncula ad Lectorem, par les soins de Jean de Raei et de François de Schooten, deux anciens amis du philosophe. Or une question se pose au moins pour 22 lettres du second volume : le texte latin que donne l’édition hollandaise est-il l’original, ou seulement une version latine de ce qui n’était déjà dans Clerselier qu’une version française ? D’autant plus que cette édition hollandaise donne toutes les lettres en latin, sans dire lesquelles ne sont qu’une traduction, et lesquelles sont l’original.

Certains indices cependant permettent de résoudre le problème. La lettre IX, à Plempius, du 20 décembre 1637, donne dans le texte latin toute une phrase qui manque dans la version française ; où donc les éditeurs auraient-ils trouvé cette phrase, s’ils n’avaient eu l’original sous les yeux ? En outre on trouve dans l’édition hollandaise plusieurs dates qui manquent dans Clerselier, et ce sont des dates de lettres latines : ainsi pour les lettres LXXV et LXXVI du premier volume, le 10 juin et le 5 juillet 1643 ; pour la lettre de Mersenne à Voët, qui sert d’avant-propos au second volume, Idibus Decemb. 1642 ; pour la lettre IV, 4 Iunij 1648 ; pour les lettres VII et VIII, 5 nonas octobris 1637. Ajoutons que pour ces deux dernières, on a retrouvé à la Bibliothèque de l’Université de Leyde, collection Huygens, une copie manuscrite de l’original, et, sauf de rares exceptions, qui sont plutôt de simples variantes, le texte de cette copie est le même que le texte latin imprimé par Raei et Schooten. Ceux-ci ont donc pris la peine de rechercher les originaux de Descartes et de les publier, au moins pour les lettres latines. Enfin Clerselier, dans son premier volume de 1657, donnait deux lettres latines, LV et LVI, dont on ne trouve plus qu’une version française dans la seconde édition en 1663. Or, les éditeurs hollandais, qui semblent avoir suivi cette seconde édition, ou la troisième de 1666 (l’ordre des lettres LXXXI-XCIX à Regius est, en effet, celui de cette seconde édition, et non pas celui de la première), donnent de ces deux mêmes lettres LV et LVI un texte latin, qui est, mot pour mot, celui de Clerselier en 1657 ; ils se préoccupaient donc de reproduire, quand ils le pouvaient, les originaux de Descartes. Ces différentes preuves, que confirme pleinement la comparaison du texte latin et de la version française, tout à l’avantage du latin, comme brièveté et aussi comme vigueur et comme nuance d’expression, nous autorisent à suivre pour les 22 lettres latines du second volume l’édition de Raei et Schooten, imprimée par Elzevier en 1668 et réimprimée par Blaeu à partir de 1682.

Les lettres du second volume peuvent se répartir en quatre séries A, B, C, D.

A. I-XXIV. — B. XXV-LX. — C. LXI-XCVIII. — D. XCIX-CXXVIII inclus.

La série A comprend les lettres suivantes :

I. À un ami de Descartes pour Descartes. — II. Réponse.

III. À Descartes. — IV. Réponse. — V. Réplique. — VI. Seconde réponse, 29 juillet 1648.

VII et VIII. À Plempius et à Fromondus. — IX. À Plempius, 20 déc. 1637.

X. À Buitendiich. — XI. A*** — XII. A***, 17 oct. 1630.

XIII. Objections de Le Conte. — XIV. Réponse.

XV. À Descartes. — XVI. Réponse.

XVII. A***, Amsterdam, 22 août 1634.

XVIII. A***, février 1646.

XIX et XX. À Descartes, 20 mai 1647. — XXI et XXII. Réponses.

XXIII. A***. — XXIV. A***.

On chercherait en vain dans cette série A la moindre apparence d’ordre chronologique : les quelques lettres qu’elle donne avec leurs dates ne font que mieux ressortir le pêle-mêle de l’ensemble. Clerselier semble avoir voulu seulement rassembler un certain nombre d’objections avec les réponses de Descartes. La plupart de ces objections (c’est là peut-être la seule unité qu’on y trouve) venaient des Pays-Bas, sauf deux lettres d’Arnauld, III et V, et deux autres lettres envoyées de France : lettre XIII de M. Le Conte, à qui l’abbé Picot et Clerselier avaient répondu déjà, et lettre XV de cet inconnu qu’on a appelé l’hyperaspistès.

Mais la lettre I venait de quelqu’un de La Haye, au commencement de 1638. Les lettres VII, VIII et IX sont des réponses à deux Professeurs de l’Université de Louvain, Plemp et Froidmont, dont le premier avait envoyé à Descartes les objections de l’autre. À ce propos Clerselier aurait pu faire ce qui a été fait depuis lors, s’enquérir des copies, qui existaient en Hollande, de ces objections de Froidmont (Constantin Huygens en avait une), et les publier ; sachant d’abord ce qui était objecté à Descartes, on aurait mieux compris sa réponse.

Les lettres X, XI et XII ont ceci de commun qu’elles s’adressent toutes trois à des correspondants de Dordrecht : M. de Buitendijk, dont Clerselier donne le nom, et Isaac Beeckman qu’il ne nomme pas. Ce dernier, à qui sont adressées les lettres XI et XII, est également le destinataire de la XVIIe, si bien qu’ôtée la parenthèse de XIII et XIV, et de XV et XVI, la XVIIe se place naturellement à la suite de XI et XII. Clerselier ne pouvait guère le deviner et nous ne le savons nous-même, pour la lettre XVIIe, que par une autre lettre, du 14 août 1634, dont l’original donne en entier le nom de Beeckman, imprimé seulement B. dans la minute du t. II, lettre LXXVII. — Si Clerselier s’en était donné la peine, peut-être aurait-il découvert encore un autre correspondant de Descartes, Andreas Kolff ou Colvius, « Ministre de la parole de Dieu » à Dordrecht ; deux lettres de Colvius à Descartes, avec une réponse de celui-ci, ont été retrouvées dans la collection Huygens, et une autre encore de Descartes au même se trouve à la Bibliothèque royale de Munich.

La lettre XVIII offre une énigme, mais avec des données qui permettront de la résoudre (le titre d’un imprimé et la date de février 1646).

Les quatre suivantes XIX et XX, puis XXI et XXII, se rapportent aux démêlés de Descartes avec l’Université de Leyde et ici encore Clerselier aurait peut-être obtenu des Professeurs communication de tout le dossier, s’il l’avait demandé. Les deux lettres de Descartes, XXI et XXII, du 27 mai 1647, ne sont pas les seules qu’il ait écrites à cette occasion ; on en trouve une première, fort longue, du 4 mai 1647 dans le Registre des Curateurs de l’Université de Leyde, sans parler de la requête du philosophe à l’ambassadeur Abel Servien, que Baillet imprimera plus tard dans la Vie de Descartes (t. II, p. 318), et sans compter un billet à Heereboord, du 19 avril 1647, qui se trouve maintenant à Paris, Bibliothèque Victor Cousin.

Les deux lettres XXIII et XXIV, par lesquelles se termine la série A, restent jusqu’à présent des énigmes.

Les deux séries B et C, que nous avons distinguées ensuite, offrent un ordre beaucoup plus satisfaisant, surtout si on les transpose, la série C (LXI-XCVIII) étant mise avant la série B (XXV-LX). On obtient ainsi une suite ininterrompue de lettres, qui vont de 1630 à 1639, puis de 1639 à 1642, la plupart adressées au P. Mersenne, et quelques-unes à d’autres ; mais toujours ces dernières s’intercalent pour les dates entre les précédentes. Clerselier semble avoir eu là deux liasses de lettres classées suivant l’ordre chronologique, et qui n’auraient point souffert du naufrage dans la Seine ni du séjour au fond de l’eau. Seulement les minutes n’étant point datées, l’ordre n’apparaît que depuis qu’on a pu restituer, ou peu s’en faut, à chacune sa date, en les confrontant avec les originaux.

Voici d’abord un tableau de la série C, lettres LXI-XCVIII, de 1630 à 1639. Elle-même se partage en deux : lettres LXI-LXXVII, de novembre 1630 au 14 août 1634, et LXXVIIIXCVIII de juin 1637 à février 1639. Il existe, en effet, une lacune dans la correspondance de Descartes et de Mersenne, pendant les deux années 1635 et 1636 : en 1635, Mersenne était fort occupé par l’impression de ses ouvrages (il n’en publia pas moins de quatre, l’année suivante) ; et en 1636, Descartes, à son tour, préparait la publication de son Discours de la Méthode et des Essais de cette Méthode, pour 1637. D’ailleurs la plus ancienne liste des lettres de Descartes à Mersenne, celle de La Hire, qui a été dressée d’après les originaux n’indique rien pour 1635 et 1636 : ne nous étonnons donc pas si, pour ces deux années, Clerselier n’a rien trouvé non plus dans les minutes.

CLERS. DATES. LA HIRE.
LXI [4 novembre 1630]
LXII [2 décembre 1630
LXIII Id.
LXIV Id.
LXV [23 décembre 1630
LXVI [Janv. ou oct. 1631] 6
LXVII [10 mai 1632]
LXVIII [Oct.-nov. 1631]
LXIX [Janvier 1632]
LXX 2 février 1632
LXXI [5 avril 1632]
LXXII [3 mai 1632]
LXXIII [Juin 1632]
LXXIV [Nov. ou déc. 1632]
LXXV 22 juillet 1633 [Novembre 1633] 7
LXXVI [Avril 1634]
LXXVII 14 août 1634 9
LXXVIII [14 juin 1637]
LXXIX Id.
CLERS. DATES. LA HIRE.
LXXX [Février 1634] [25 mai 1637]
LXXXI [2 juillet 1634] [Décembre 1635]
LXXXII 5 octobre 1637
LXXXIII [Octobre 1637]
LXXXIV-V [25 janvier 1638]
LXXXVI 12 février 1638
LXXXVII [Mars 1638]
LXXXVIII [29 juin 1638]
LXXXIX 13 juillet 1638
XC [Septembre 1638]
XCI [11 octobre 1638] 18
XCII 15 novembre 1638 20
XCIII [Nov. ou déc. 1638]
XCIV [Décembre 1638]
XCV [9 janvier 1639]
XCVI 9 janvier 1639  21
XCVII 9 février 1639 22
XCVIII 20 février 1639

On voit tout ce que nous devons à Clerselier pour les 41 lettres de cette série (les lettres LXXV, LXXX et LXXXI comptant pour deux). Sans lui, c’est-à-dire sans les minutes qu’il a publiées, nous n’aurions que 7 lettres à Mersenne, LXVI, LXXV, LXXVII, XCI, XCII, XCVI et XCVII, et 4 lettres, LXX, LXXXI, LXXXII et LXXXVI à Golius, Renery, Huygens et Pollot. Nous avons en plus 18 minutes de lettres à Mersenne, et 12 minutes de lettres à divers, en tout 30 numéros.

Et l’ancienne édition nous donne ici non seulement des lettres que nous n’aurions pas, mais l’ordre dans lequel ces lettres se suivent chronologiquement. Prenons, en effet, comme points de repère les dates que nous connaissons aujourd’hui par les autographes : 2 février 1632, 22 juillet 1633, 14 août 1634 (lettres LXX, LXXV, LXXVII), et supposons que les lettres intercalées ont été écrites, en effet, dans les intervalles de ces dates : la supposition se vérifie à merveille. Par exemple, la lettre LXXV comprend deux minutes, l’une du 22 juillet 1633, comme l’atteste l’original, l’autre de la fin de novembre, comme nous l’apprend une lettre suivante ; et cette seconde minute est bien précieuse, car l’original s’était perdu en chemin (Descartes a toujours cru qu’on l’avait dérobé), et c’est justement la lettre où, alarmé par la condamnation de Galilée, qu’il vient seulement d’apprendre, il déclare que de longtemps il ne publiera rien. Quant à la lettre LXX, dont nous avons l’autographe à Golius, du 2 février 1632, elle est bien précieuse aussi, lorsqu’on la rapproche de la LXVIIe (qu’on peut sûrement dater d’octobre-novembre 1631, car elle annonce le départ de Renery pour Deventer, où il avait été nommé professeur le 4 octobre 1631 et où il inaugura son enseignement le 28 novembre). Ces deux lettres, en effet, donnent en même temps les dates approximatives de plusieurs autres qui précèdent ou qui suivent , Descartes s’étant empressé d’aller rejoindre son ami à Deventer, où il demeura jusqu’en décembre 1633.

Les lettres LXXVIII-XCVIII forment une série plus aisée encore à reconstituer, grâce aux dates fixes de six d’entre elles, 5 octobre 1637, 12 février, 13 juillet et 15 novembre 1638, 9 janvier et 9 février 1639. La simple lecture des autres persuade qu’elles ont bien été imprimées dans l’ordre chronologique. On peut donc, sans trop de témérité, laisser à leur place la XCe par exemple entre LXXXIX et XCI (13 juillet et 11 octobre 1638) et de même la XCIIIe entre XCII et XCIV (15 novembre et décembre 1638). Cependant on ne peut se fier absolument à l’ordre suivi par Clerselier pour cette série, série C : si les papiers de Descartes étaient parfaitement en ordre, la lettre LXVII devrait suivre immédiatement la LXXIIe ; d’autre part, sous chacun des deux numéros LXXX et LXXXI, Clerselier a réuni deux lettres de dates différentes, et dont ni l’une ni l’autre ne se trouve à sa place.

Mais si nous reprenons maintenant la série B XXV-LX, nous verrons que l’ordre chronologique y est plus fidèlement suivi. Elle fait suite immédiatement à celle que nous venons d’examiner, la dernière lettre de cette série C étant du 20 février 1639 et la première de la série B étant du 30 avril 1639. En voici d’ailleurs le tableau, avec les minutes identifiées aux numéros de La Hire qui donnent les dates prises sur les autographes :

CLERS. DATES. LA HIRE.
XXV 30 avril 1639
XXVI [Juin 1639]
XXVII [ Juin 1639]
XXVIII XXIX 19 juin 1639 24
XXX 27 août 1639 25
XXXI [Octobre 1639]
XXXII 16 octobre 1639 26


CLERS. DATES. LA HIRE.
XXXIII [Novembre 1639]
XXXIV 25 décembre 1639 27
XXXV 29 janvier 1640 28
XXXVI Id.
XXXVII 11 mars 1640 29
XXXVIII [Avril 1640]
XXXIX 11 juin 1640 30
XL 30 juillet 1640 31
CLERS. DATES. LA HIRE.
XLI 6 août 1640 32
XLII 15 septembre 1640 34
XLIII 30 septembre 1640 35
XLIV 28 octobre 1640 37
XLV 11 novembre 1640
XLVI Id.
XLVII  Id.
XLVIII [18 novembre 1640]
XLIX [Décembre 1640]
L [24 ou 31 déc. 1640]
LI [Déc. 1640 ou janv. 1641]
CLERS. DATES. LA HIRE.
LII [Janvier 1641]
LIII [Janv.-fév. 1641]
LIV [22 avril 1641] 16 juin 1641 42
LV [23 juin 1641]
LVI Id.
LVII [Août 1641]
LVIII  17 novembre 1641 44
LVIX 31 janvier 1642
LX [Mars 1642]

Sur ces 36 lettres (ou plutôt 35, XXVIII et XXIX ne comptant que pour une), 27 sont adressées à Mersenne. Sur ces 27, nous avons les autographes de 14, avec dates fixes ; Clerselier nous donne donc en outre 13 minutes, dont l’original a disparu, et par la place même qu’elles occupent, il nous donne à peu près aussi la date de chacune d’elles ; car il les a sans doute placées dans le volume comme il les trouvait dans les liasses de Descartes, et les minutes paraissent avoir été rangées ici les unes à la suite des autres au fur et à mesure que les lettres étaient envoyées, si l’on en juge par la concordance des deux séries de minutes XXXIX à XLIV et des numéros 30 à 37. En conséquence, la lettre XXXIe, par exemple, se trouvant imprimée entre deux lettres à Mersenne, dont la date est fixée, 27 août et 16 octobre 1639, on est autorisé, ce semble, à lui donner une date intermédiaire, septembre-octobre 1639. Voici une autre minute, la XXXIIIe à Mersenne, entre deux lettres du 16 octobre et du 25 décembre 1639, nos 26 et 27 de La Hire : il y a place, en effet, entre ces deux dates pour une autre lettre, écrite sans doute en novembre ; l’original en aura été perdu, et nous devons nous féliciter que Clerselier nous en ait au moins conservé la minute. De même pour la lettre XXXVIII, entre celles du 11 mars et du 11 juin 1640, nos 29 et 30 de La Hire ; et de même encore pour la lettre XXVIIe entre XXVI et XXVIII, toutes deux de juin 1639. On voit les services que peut rendre, non seulement pour le texte des lettres, mais pour les dates elles-mêmes, l’édition de Clerselier, lorsqu’on la suit avec prudence et qu’on en contrôle les données. Quatorze dates fixes que l’on connaît maintenant, grâce aux originaux, servent ici comme de jalons : en allant de l’un à l’autre, et ralliant tout ce qu’on rencontre en chemin, on donne une place à peu près certaine à vingt-et-une autres lettres.

Reste la série D (XCIX à CXVIII, plus trois fragments), où Clerselier a rejeté un peu pêle-mêle tout ce qui l’embarrassait. En voici le tableau, avec quelques-unes des indications qu’on peut maintenant y joindre.

CLERS. DATES. LA HIRE.
XCIX [Août 1638]
C ?
CI [Août 1638
CII 19 mai 1635
CIII [Automne 1635] [25 novembre 1630] [ Été 1632]
CIV 15 avril 1630 5
CV 18 décembre 1629 [Janvier 1630] 3
CVI 15 mai 1634 8
CVII 20 octobre 1642 46
CVIII 23 février 1643 51
30 mai 1643 55
CIX 7 décembre 1642 48
2 février 1643 50
CLERS. DATES. LA HIRE.
CX 25 février 1630 [4 et 18 mars 1630]
CXI [Mars 1636]
CXII 8 octobre 1629 7 septembre 1646 63
CXIII [5 octobre 1646
CXIV [27 mai 1647]
CXV [Février 1643] [Avril 1643]
CXVI 23 mars 1643 52
26 avril 1643 54
CXVII ?
CXVIII ?
Frag. 1
Frag. 2
Frag. 3 [12 novembre 1640]

La confusion est d’autant plus grande qu’à plusieurs reprises, jusqu’à huit fois (CIII, CV, CVIII, CIX, CX, CXII, CXV et CXVI) deux lettres se trouvent cousues l’une à l’autre, comme on a pu s’en assurer, pour la plupart, en les comparant aux originaux.

Pour débrouiller maintenant ce chaos, faisons d’abord deux parts, celle de Mersenne et celle des autres correspondants.

Les lettres à Mersenne se classent assez bien en deux petites séries, enchevêtrées d’ailleurs l’une dans l’autre, la première de 1629 à 1636, la seconde de 1642 à 1643. La seconde s’établit sans peine avec les numéros de La Hire.

CLERS. DATES.
CXII 8 octobre 1629
CV 18 décembre 1629 Janvier 1630
CX 25 février 1630 Mars 1630
CIV 15 avril 1630
CVI 15 mai 1634
CXI Mars 1636
LA HIRE. DATES. CLERS.
46 20 octobre 1642 CVII
48 7 décembre 1642 CIX
50 2 février 1643
51 23 février 1643 CVIII
52 23 mars 1643 CXVI
54 26 avril 1643
55 30 mai 1643 CVIII

Les numéros 47, 49 et 53, dont les minutes manquent ici, ne sont pas perdus pour cela : la minute du n° 47, qui est du 17 novembre 1642, forme la lettre CXIII du troisième volume ; quant aux numéros 49 et 53, du 4 janvier et du 26 avril 1643, Clerselier n’en a pas eu la minute ; mais l’original existe encore, et il a été récemment retrouvé et publié par M. Paul Tannery.

Il nous reste 10 lettres, plus 3 fragments, à d’autres que Mersenne (XCIX, C, CI, CIl, CIII, CXIII, CXIV, CXV, CXVII et CXVIII). Une d’elles, CII, est sûrement à Golius, du 9-19 mai 1635 ; l’autographe existe encore. Trois sont sûrement à Constantin Huygens (CI, CXIII et CXV) ; car ce sont trois réponses à des lettres de celui-ci que l’on connaît maintenant ; et peut-être en est-il de même des lettres C et CXIV, qui se trouvent si voisines des précédentes. Un des trois fragments, le dernier, est aussi une lettre à Huygens, du 12 novembre 1640, et peut-être avec lui les deux autres, ou au moins l’un des deux. La lettre XCIX paraît adressée à Plempius. Nous n’aurions donc que les lettres CIII (où il y en a probablement jusqu’à trois en une seule), CXVII et CXVIII, plus un fragment ou deux, sans date comme sans nom de destinataire.

Tel est le bilan de ce second volume, si précieux pour nous à cause des deux séries C et B du milieu, LXI-XCVIII et XXV-LX, qui forment ensemble un tout, non pas complet, sans doute, mais cependant compact et solide, dont les éléments se suivent bien et se tiennent. La série A, quoique moins bien ordonnée, se compose encore de parties dont on peut déterminer la destination et la date. Enfin quoique la série D soit la plus défectueuse des quatre, et n’offre d’abord que confusion et obscurité, nous avons vu qu’il n’était pas tout à fait impossible de s’y reconnaître.

Volume III.

Le troisième volume parut tard, en 1667, dix ans après le premier. Il se compose, pour la majeure partie, de questions scientifiques : Clerselier en prévient le lecteur avec ce titre explicite : Lettres de Mr Descartes, où il répond à pluſieurs difficultez qui luy ont eſté propoſées sur la Dioptrique, la Geometrie, & ſur plusieurs autres ſujets.

La Préface de ce troisième volume (écrite en 1666, puisque l’achevé d’imprimer est du 7 septembre 1666), est à rapprocher de celle que Clerselier avait déjà mise deux ans plus tôt en tête du Traité de l’Homme, 1664. Toutes deux sont nettement apologétiques. La philosophie de Descartes, sinon sa personne même, était attaquée : Clerselier les défend. En 1664, il proteste contre le reproche d’irréligion et publie la traduction de deux passages de St Augustin, les mêmes qu’Arnaud avait déjà allégués en 1658, pour montrer la conformité des doctrines du philosophe avec ce Père de l’Église. Clerselier était d’autant plus sensible au reproche, qu’il avait à cœur de témoigner lui-même, par sa conduite comme par ses écrits, qu’on peut être à la fois bon chrétien et bon cartésien ; c’est l’hommage qu’on lui rendit après sa mort, en 1684. Mais en 1666 Rome mit à l’index les livres de Descartes, et les Jésuites n’avaient pas été étrangers à cette condamnation ; déjà, le 7 septembre 1662, des thèses cartésiennes avaient été censurées par la Faculté de Théologie de Louvain, à l’instigation des Jésuites. Clerselier pensa donc qu’il ne devait plus garder les lettres échangées entre le philosophe et les RR. PP., et, pour mettre le public au fait, il imprima la dispute de Descartes et du P. Bourdin, laquelle est purement scientifique. Il jugeait habile de montrer que, du vivant de Descartes, ce n’était pas la Société de Jésus tout entière qui s’était déclarée contre lui, mais un Père seulement, et au sujet de sa Dioptrique, non de sa Philosophie ; encore cette petite querelle s’était terminée assez vite par la réconciliation des deux adversaires, et pouvait passer pour un simple malentendu.

Elle était du même ordre que celle qu’avait suscitée Fermat en 1637-1638, et qui fut reprise, après la mort de Descartes, par Fermat encore, Cureau de la Chambre et Clerselier lui-même, de 1657 à 1662. Clerselier avait évité dans ses deux premiers volumes de rien publier qui eût rapport à une autre querelle entre Descartes et Roberval : il espérait toujours que celui-ci consentirait enfin à lui communiquer les originaux des lettres de Descartes à Mersenne, dont il s’était emparé à la mort du bon religieux, en septembre 1648. Mais Roberval s’y refusait obstinément, et Clerselier dut se contenter, pour cette partie de la correspondance comme pour tout le reste, de publier simplement les minutes. Au moins il voulut dégager sa responsabilité d’éditeur, et dénonça au public toute la conduite de Roberval en cette affaire. Puis, comme Roberval continuait d’attaquer Descartes mort, et en triomphait trop aisément, en tournant les faits à son avantage, Clerselier devait à la mémoire de son ami de rétablir la vérité, et il le fit en imprimant avec les lettres des deux adversaires une lettre de lui, datée du 13 juillet 1658, qui, pensait-il, terminerait le débat.

Le troisième volume se divise donc en plusieurs séries :

I-XXVIII. Démêlés avec les Jésuites. — XXIX-XXXV. Démêlés avec Hobbes. — XXXVI-LXXIV. Démêlés avec Fermat, Roberval, etc. — LXXV-LXXXIV. Lettres à Carcavi, à Elisabeth, à Schooten, etc. — LXXXV-XCVII. Nouveaux démêlés avec Roberval. — XCVIII-CXXV. Lettres diverses.

La première série, I-XXVIII, comprend d’abord la longue lettre apologétique de Descartes au Corps de Ville d’Utrecht ; il y est déjà question du P. Bourdin, mais surtout de Voetius et de Regius. Viennent ensuite 22 lettres, formant 27 numéros, II-XXVIII, parce que Clerselier donne pour 5 d’entre elles à la fois le texte latin et une version française, qu’il numérote séparément. Elles se partagent d’abord en deux petites séries, l’une de 8 lettres sur la querelle de Descartes et du P. Bourdin (1640-1642), l’autre de 9 lettres concernant l’envoi des Principes, et quelques objections sur ce livre, en 1644-1645. Les voici toutes deux :

CLERS. DATES.
II 22 juillet 1640
III-IV Id.
X-XI 29 juillet 1640
VII 30 août 1640
VIII-IX Id.
XII-XIII 28 octobre 1640
XIV 3 décembre 1640
XV-XVI 7 septembre 1642
CLERS. CORRESPONDANTS. DATES.
XVII A ***
XVIII Au P. [Vatier] 1644
XIX Au P. [Charlet] Oct
XX Au P. [Dinet]
XXI Au P. [Bourdin] 1644
XXII Au P. Charlet Déc. 1644
XXIII Au P. [Dinet] ou
XXIV Au P. [Bourdin] Janv.1645
XXV Au P. Mesland

Clerselier pouvait-il mieux faire que d’imprimer les minutes de ces lettres ? Nous avons aujourd’hui l’original de l’une d’elles, du 29 juillet 1640, et il est beaucoup plus complet que la minute ; on l’a retrouvé par hasard dans un livre qui venait du collège Louis-le-Grand, ancien collège de Clermont, où le P. Bourdin avait été professeur. Mais Clerselier en eût-il obtenu communication ? Lui qui cite si volontiers St Augustin, comme faisait Arnaud lui-même, ne paraissait-il pas un peu janséniste pour être en fort bons termes avec les Pères de la Compagnie de Jésus ? Il les ménage cependant : il adoucit les paroles d’aigreur du philosophe à leur égard ; il prend soin d’imprimer toujours les RR. PP. Iesuites, ou au moins les PP. Iesuites, alors que dans les autographes de Descartes on trouve simplement les Iesuites.

Quant à la série XVII-XXV, le P. Bourdin, réconcilié avec le philosophe, s’était chargé de faire parvenir à leurs adresses quelques exemplaires des Principes, et Descartes lui envoie, en même temps que la lettre XXI pour lui-même, les XIXe et XXe pour les Pères Charlet et Dinet. Puis ces deux Pères ayant remercié leur ancien élève, Descartes leur écrit de nouveau (lettres XXII et XXIII), toujours par l’intermédiaire du P. Bourdin (lettre XXIV). — Quant aux deux premières lettres, XVII et XVIII, l’une est à un Jésuite inconnu, l’autre sans doute au P. Vatier. Enfin la dernière, lettre XXV, est au P. Mesland. Celle-ci ne devrait pas être seule : car Descartes avait écrit au moins deux autres lettres au même Père, et des copies en circulaient un peu partout (on en trouve plusieurs dans les Bibliothèques de Paris et de la province). Mais le philosophe y expliquait à sa manière la transsubstantiation dans le sacrement de l’Eucharistie, et Clerselier, pris de scrupule, avait consulté là-dessus l’archevêque de Paris, qui le dissuada de les publier ; quarante ans plus tard, en 1701, Bossuet s’opposa encore à la publication, et les deux lettres ne parurent qu’en 1811 par les soins d’un prêtre moins timoré, l’abbé Emery.

Outre ces deux petites séries de 8 et de 9 lettres, Clerselier donne, comme entre parenthèses, les lettres V et VI qui semblent adressées au P. Noël, et les lettres XXVI, XXVII et XXVIII indépendantes entre elles, la première, de l’année 1637, sans doute au P. Noël encore, la deuxième on ne sait à qui, et la troisième, du 22 décembre 1641, à Mersenne, toujours sur les Jésuites.

La série qui vient ensuite (démêlés de Descartes et de Hobbes) comprend 7 numéros, mais seulement 4 lettres, XXIX et XXX ne comptant que pour une, parce que le texte latin est suivi de la version française, et de même XXXI et XXXII, XXXIII et XXXIV. Ces 3 lettres se datent facilement, bien qu’il y manque les premières objections de Hobbes ; on a seulement la réponse de Descartes (XXIX et XXX), une réplique de Hobbes (XXXI et XXXII), datée de Paris, 7 février 1641, puis la seconde réponse de Descartes (XXXIII et XXXIV). Mais la série finit mal : le dernier numéro (XXXV) contient deux lettres dont l’une est une nouvelle riposte de Descartes à la réplique du 7 février, riposte incomplète d’ailleurs, par la faute de Roberval qui en avait une copie entière, et n’a pas voulu la communiquer. Vient ensuite, dans le même numéro XXXV, la version française (sans le texte latin) d’une dernière réponse de Descartes, que Clerselier aurait pu imprimer à part, avec une date approximative, s’il avait consulté le recueil des Lettres manuscrites à Mersenne, réunies en trois volumes par le P. Hilarion de Coste, (maintenant à la Bibliothèque nationale, fr. n. a., 6204-5-6). Clerselier aurait trouvé en tête du troisième volume les objections de Hobbes auxquelles Descartes répond dans cette dernière lettre, et elles sont datées de Paris, 30 mars 1641.

Les numéros XXXIV à LXXIV (en tout 39 lettres) se rapportent aux démêlés de Descartes avec les mathématiciens de France, Fermat et Roberval en particulier, sauf 12 numéros (XLIII à LIV) qui forment une parenthèse vers le milieu de la série, et qui sont d’une date postérieure, la querelle ayant été ranimée, après la mort de Descartes, entre Clerselier luimême, Rohault, Fermat et Cureau de la Chambre, les années 1657, 1658 et 1662. Cette parenthèse ôtée, on a 27 lettres des années 1637, 1638 et 1639, numéros XXXVI à XLII et LV à LXXIV, qui forment une série assez régulière. L’ordre chronologique se trouve bien interverti çà et là pour certaines lettres ; mais on peut le rétablir avec la liste de La Hire.

LA HIRE. DATES. CLERSELIER.
10 31 mars 1638 LXIX
11 [1638] LIX et LXXIV
12 3 mai 1638 LX
14 27 mai 1638 LXVIII
13 [29 juin 1638] LXII
16 27 juillet 1638 LXVI
19 23 août 1638 LXV et LXX

On voit que l’ordre des minutes est loin d’être celui des originaux, lequel est lui-même ici défectueux. On voit surtout qu’à deux reprises des minutes publiées par Clerselier séparément (LIX et LXXIV, LXV et LXX) appartiennent à une seule et même lettre, n° 11 et n° 19. Quant aux nos 15, 17 et 18, dont les minutes manquent ici, elles se retrouvent ailleurs, au premier volume (LXXIII et LXXIV) et au second (XCI). Par contre, que de minutes cette série nous donne dont nous n’aurions pas les originaux ! les lettres XXXVI, XXXVII, XXXVIII, XXXIX, XL, XLI, XLII, puis LV, LVI, LVII, LVIII, LXI, LXIII, LXIV, LXVII, LXXI, LXXII et LXXIII. On n’en compte pas moins de 18, relatives aux mêmes débats, sauf une ou deux, LXXI et LXXII, à Beaune et à Zuylichem (?) ; cette dernière annonce une autre querelle, cette fois en Hollande, entre les mathématiciens Stampioen et Waessenaer, celui-ci soutenu par Descartes.

Avant de retrouver une semblable série, qui forme un tout presque complet, nous rencontrons d’abord quatre lettres échangées entre Descartes et Carcavi (LXXV-LXXVIII), toutes quatre fixement datées (11 juin, 9 juillet, 17 août, 24 septembre 1649) ; il y manque au moins une réponse de Descartes, en date du 6 novembre, dont il n’avait sans doute pas conservé la minute. Puis viennent six lettres de mathématiques (LXXIX-LXXXIV). La première (LXXIX) paraît s’adresser à quelqu’un d’Utrecht. Quant aux deux suivantes (LXXX et LXXXI), adressées à Elisabeth, le sujet dont elles traitent (problème des quatre cercles) les a fait reléguer ici, parmi les lettres de mathématiques, loin des lettres de morale à cette princesse, qui se trouvent au premier volume. La LXXXIIe s’adresse à Schooten ; la LXXXIIIe, du 18 décembre 1648, à un mathématicien de France ; enfin la LXXXIVe, du 30 avril 1639, à Mersenne.

Mais les 13 lettres qui suivent (LXXXV-XCVII) nous donnent une série nouvelle : c’est encore une dispute entre Descartes et Roberval, avec Cavendish comme intermédiaire. À vrai dire, elle ne devrait comprendre que 12 lettres : la dernière (XCVII) a été supposée, après coup, par Clerselier lui-même, qui avertit le lecteur, et donne la vraie date, 13 juillet 1658. L’ordre chronologique est un peu troublé ; mais on le rétablit sans peine avec la liste de La Hire. Voici le tableau comparatif des minutes et des originaux :

LA HIRE. DATES. CLERSELIER.
56 2 mars 1646 LXXXV
57 30 mars 1646 LXXXVI
58 20 avril 1646 XCIII
59 20 avril 1646 XCIV
60 20 avril 1646 XCV
61 15 mai 1646 XC
62 15 juin 1646 LXXXVIII et XCIX fin
66 2 nov. 1646 XCVI

On n’a pas l’original de 56, 58, 60, 62 et 66. Mais nous avons, en outre, 3 originaux (nos 63, 64 et 65) de La Hire, dont Clerselier n’a pas eu les minutes : ce sont des lettres à Mersenne, du 7 septembre, 5 et 12 octobre ; de même pour trois autres numéros encore (67, 68 et 71), du 2 et du 23 novembre 1646, et du 26 avril 1647. Par contre, Clerselier nous donne plusieurs minutes dont les originaux manquaient déjà de son temps : ce sont les lettres LXXXVII, LXXXIX, XCI et XCII. Ainsi à quatre reprises la série des minutes complète celle des originaux ; et six fois le texte des originaux complète la série des minutes.

Les 28 lettres qui restent (XCVIII-CXXV inclus) sont dans un désordre à peu près inextricable, si l’on en excepte les 5 premières (XCVIII-CII), entre Descartes et Ferrier, dont 4 sont datées (18 juin, 8 et 26 octobre, 13 novembre 1629), la dernière (CII) étant de beaucoup postérieure. Mais à partir de la CIIIe jusqu’à la CXXVe (celle-ci, de Clerselier à La Forge, 4 décembre 1660, n’appartient pas à la correspondance de Descartes), on a bien de la peine à se reconnaître. Mettons d’abord à part une lettre à l’abbé Picot (CXV), du 17 février 1645, une lettre de Schooten (CXVI), 10 mars 1649, et la réponse de Descartes (CXVII), 9 avril ; nous avons encore 19 lettres, dont 8 adressées à Mersenne (ou plutôt 7, les numéros CXXI et CXXII n’en donnant qu’une, texte latin et version française), et les 11 autres à des correspondants divers.

Sur les 7 lettres à Mersenne, il y en a 4, dont nous avons les autographes : CIX, CXIII, CXIV (18 mars et 17 novembre 1641, 19 janvier 1642), et CXVIII. sans date (elle paraît être de 1648). Restent donc les minutes CV (de l’année 1642), CXXI et CXXII (objections, en latin et en français, envoyées à Mersenne pour Descartes, le 19 mai 1641), et CXXIII (réponse de Descartes).

Quant aux 11 lettres à des correspondants divers, 4 pour le moins sont adressées à Constantin Huygens ; car ce sont des questions ou des réponses à 4 lettres de celui-ci, dont on a la copie et la date. Ainsi une lettre de Huygens du 14 août est une réponse à la lettre CVII, et Descartes y répond lui-même par la lettre CVIII ; une autre lettre de Huygens, du 6 juin 1643, est une réponse à la lettre CXII ; enfin la lettre CXX est encore de Descartes à Huygens, sans doute du 13 octobre 1642.

Le numéro CXIX comprend une lettre à Le Leu de Wilhem (on en a l’autographe, daté du 15 juin 1646), plus un fragment d’une autre lettre à Cavendish (LXXXVIII), écrite le même jour, ce qui explique que les deux minutes se soient trouvées ensemble.

Une autre lettre, la CXIe, sans doute à Renery, est datée du 2 juin 1631.

On est à peu près sûr de la date des lettres CVI et CXXIV (8 avril 1642, avril 1648), bien qu’on ne sache pas au juste à qui elles sont adressées ; le doute subsiste pour CIII qui paraît comprendre deux lettres différentes.

Pour les deux lettres CIV et CX (peut-être à Huygens), l’énigme n’est pas encore résolue (la dernière paraît être de janvier ou février 1648).

Telle est l’ancienne édition de Clerselier, si précieuse à tant d’égards, malgré son insuffisance d’ailleurs assez excusable. D’abord Clerselier désirait, pour l’honneur de Descartes et la gloire de sa philosophie, que ces trois volumes de lettres fussent lus, et il les a composés en conséquence : n’oubliant aucune catégorie de lecteurs, il publia d’abord un premier volume à l’usage des personnes du monde, le seul qui eût bientôt une seconde édition ; puis un deuxième volume pour les curieux de physique et de métaphysique, enfin le troisième pour les savants et en particulier les mathématiciens. En outre il se contenta de publier ce qu’il possédait des papiers de Descartes ; bornant là toute sa tâche, assez laborieuse encore, il ne se mit pas en peine de rassembler ce qui était dispersé en Hollande, en Suède peut-être, en Angleterre, en France même. Et il pouvait en cela se croire assez fidèle à la pensée du philosophe : car enfin on ne retrouvait dans les papiers de celui-ci que ce qu’il avait jugé digne d’être conservé, et tout le reste, qui manquait, lettres reçues ou lettres envoyées, n’avait sans doute pas grande importance à ses yeux. Si d’ailleurs les lettres que Clerselier a publiées, sont elles-mêmes trop sobres d’indications sur les événements du jour ou de détails sur les personnes, ces vétilles ne figuraient pas sans doute dans les minutes : n’était-ce pas assez de les écrire une fois dans la lettre à envoyer ? Puis ces défauts, auxquels notre curiosité historique n’est aujourd’hui que trop sensible, passaient inaperçus au xviie siècle, où l’on était surtout curieux des idées d’un philosophe. La preuve en est que plus tard, lorsque Baillet donnera une copieuse histoire de Descartes, sans faire grâce aux lecteurs de tant de menus faits, racontés avec une abondance dont on ne se plaindrait plus aujourd’hui, il se trouva, en 1691, des critiques pour lui reprocher de s’être attardé et appesanti sur des choses sans intérêt, et d’avoir inutilement ainsi surchargé son gros livre. Mais ce souci minutieux du réel, qui caractérise Baillet, nous est un sûr garant que l’édition nouvelle des Œuvres de Descartes, que préparait son collaborateur Jean-Baptiste Legrand, aurait mieux répondu aux exigences non pas de son temps, mais du nôtre, ainsi qu’on va le voir en examinant ce qui en a subsisté.

II.

PROJET D’ÉDITION DE LEGRAND

ET

COLLECTION DE LA HIRE

(1675-1704)

CLASSEMENT DE POIRIER ET ARBOGAST

(1793-1803)

L’insuffisance de l’édition Clerselier se fit sentir à la mort de Roberval, en 1675. Le P. Mersenne, avant de mourir (1er septembre 1648), lui avait confié le soin de faire imprimer ses Traités de la Dioptrique et de la Catoptrique ; Roberval put ainsi, comme exécuteur testamentaire, pénétrer dans la cellule du religieux : il en profita pour faire main basse sur les lettres de Descartes à Mersenne, et refusa toujours d’en donner communication. Mais « après sa mort (nous dit Baillet, » p. xxxiii de sa Préface, en 1691), le paquet des lettres de M. Descartes s’est trouvé, par un retour de bonne fortune, entre les mains de M. de La Hire, Professeur royal des Mathématiques, qui a cru devoir en faire un présent à l’Académie des Sciences. » La Hire eut d’abord la pensée, qu’approuva toute l’Académie, de publier ces lettres à part ; il en avait une trentaine d’inédites, et pour beaucoup d’autres les originaux auraient donné un texte plus complet que celui des minutes. Mais le projet d’une publication partielle fut bientôt abandonné pour un autre beaucoup plus vaste, celui d’une édition nouvelle de toutes les œuvres du philosophe.

Le dépositaire des papiers de Descartes, Clerselier, mourut le 13 avril 1684, avant d’avoir tout publié : outre les trois volumes de Lettres (1657-1667), plus un autre volume, L’Homme de René Descartes et la formation du fœtus, publié une première fois en 1664, puis une seconde fois avec le Monde ou Traité de la Lumière en 1677, il lui restait encore de quoi donner un volume, annoncé dans la préface de 1664, mais attendu vainement. Avant de mourir, Clerselier voulut assurer la publication de ce volume, et en chargea l’abbé Jean-Baptiste Legrand, à qui même il léguait pour les frais une somme de 500 livres. Legrand, au lieu de s’en tenir à ce dernier volume seulement, forma le projet d’une édition complète et se mit sans retard à l’œuvre : on trouve la date de 1684, écrite de sa main, en marge d’une des lettres communiquées par La Hire (Bibl. Nat. fr. n. a., 5160, f. 23). Legrand avait aussi hérité des nombreux mémoires de Clerselier sur Descartes, et il paraît même avoir commencé à écrire la vie du philosophe ; mais, sans doute afin d’être tout entier à son édition, il céda cette partie de sa tâche à l’abbé Adrien Baillet, en lui remettant tous ses papiers.

Baillet, qui donne la plupart de ces détails dans sa Préface, nous apprend aussi comment Legrand et lui entendaient leurs devoirs de biographe et d’éditeur : c’était d’une tout autre façon que Clerselier, et beaucoup plus satisfaisante. Ce que celui-ci, pour bien des raisons, avait négligé de faire, Baillet et Legrand le firent aussitôt sans rien épargner. Baillet écrivit aux parents de Descartes en Bretagne : ses deux frères étaient morts, M. de Kerleau vers 1660 et M. de Chavagne en 1680 ; mais leurs fils aînés, tous deux Conseillers au Parlement de Rennes et neveux du philosophe, ainsi que sa nièce, Catherine Descartes, firent les réponses les plus obligeantes. On leur doit sans doute les quelques fragments de lettres de famille, qu’on trouve çà et là dans l’ouvrage de Baillet. Presque tous les amis de Descartes étaient morts aussi : Baillet s’adressa donc à leurs fils, et il en donne une longue nomenclature : M. l’abbé Chanut, fils de l’ambassadeur, M. Clerselier des Noyers, fils de l’éditeur des Lettres, M. le Vasseur, Conseiller à la Grand’Chambre, fils du seigneur d’Etioles, qui était le parent, l’ami et l’hôte de Descartes avant sa retraite en Hollande, M. l’abbé Mydorge, Chanoine du Saint-Sépulcre à Paris, également fils d’un ami, et M. Hardy, Conseiller au Parlement, dont la famille ne comptait pas moins de trois amis du philosophe : son père, ancien Maître des Comptes, un cousin de son père, M. Hardy, Conseiller au Châtelet, et l’abbé Picot, son oncle maternel, etc. — Baillet recueillit en outre le témoignage de MM. Piques et Belin, qui se trouvaient, tout jeunes encore, à Stockholm, dans la maison même de Chanut, lorsque Descartes y mourut. Enfin l’abbé Nicaise écrivit pour lui à Auzout et à Leibniz, tous deux alors à Rome, puis, en Hollande, à Bayle, Le Clerc, Beauval, Witte et Grevius. Rien ne fut négligé pour avoir le plus de renseignements possible, et obtenir communication de toutes les lettres qui restaient.

Legrand, de son côté, avait réussi à recouvrer, pour compléter la correspondance de Descartes, « les lettres manuscrites de M.  Regius, la plupart de celles de Descartes à M. l’abbé Picot, à M. Clerselier, au sieur Tobie d’André, et à d’autres ; … quelques-unes de celles de la Princesse Palatine Elisabeth de Bohême, de M. Chanut, Ambassadeur de France en Suède, et de divers particuliers. » Outre ce témoignage de Baillet (p. xxii de sa Préface), nous avons une lettre de Legrand lui-même à Chouet, de Genève, 10 avril 1690, où on lit : « Je vous diray pour votre consolation, Monsieur, que tous les manuscrits de Mr Descartes qui n’ont point encore été imprimez sont en ma possession, outre 120 lettres que j’ay recueillies de diverses personnes. »

L’édition de Legrand, s’il l’eût achevée, eût donc été beaucoup plus complète que celle de Clerselier. La Bibliothèque de l’Institut possède un exemplaire des trois volumes de Lettres imprimées de 1657 à 1667, lequel paraît avoir servi à préparer cette édition nouvelle : de nombreuses notes sont écrites à la plupart des marges, des pages entières sont insérées, qui restituent le commencement, le milieu ou la fin de certaines lettres, et, quand il ne s’agit que de quelques lignes, elles se trouvent sur des bandes de papier collées aux endroits convenables. L’auteur, ou plutôt les auteurs de ces additions et corrections (car on y distingue plusieurs mains, dont celle de Legrand à coup sûr), ont noté soigneusement toutes les dates qu’ils retrouvaient ; ils ont ajouté, autant que possible, tous les passages qui manquaient, fût-ce une simple phrase, fût-ce même un mot ; l’ordre chronologique aurait donc été suivi, et le texte authentique rétabli scrupuleusement. Ce travail, entrepris sans doute dès 1684, peut-être même plus tôt, dura longtemps ; car l’édition nouvelle n’était pas prête encore, lorsque Legrand mourut en 1704. Mais il confiait le soin d’achever son œuvre à un Professeur de Philosophie au Collège des Grassins, du nom de Marmion, en lui laissant pour cela les 500 livres de Clerselier. Marmion mourut au commencement de janvier 1705, et on remit de sa part à la mère de Legrand la somme d’argent et aussi les livres et papiers qui devaient servir à l’édition. Toute cette histoire se trouve racontée dans les Nouvelles de la République des Lettres, au mois de juin 1705. On ne sait ce que sont devenus depuis lors les papiers de Legrand, notamment deux cahiers que l’exemplaire de l’Institut désigne ainsi : « le gros cahier » et « le nouveau cahier », en y renvoyant pour la justification des dates.

Deux documents subsistent toutefois de ce travail auquel ont collaboré trois ou quatre érudits. Ce sont d’abord les deux volumes de la Vie de Descartes, que donna Baillet en 1691, avec tant de pièces originales publiées presque à chaque page ; et c’est ensuite l’exemplaire des trois volumes de Lettres, que, presque à chaque page également, Legrand, profitant de la collection La Hire, et sans doute aussi Baillet et Marmion, ont enrichi de leurs notes. Examinons ces deux documents.

Baillet nous dit que Legrand avait recouvré les lettres manuscrites de Regius. Ces lettres lui furent communiquées pour la Vie de Descartes : on les trouve mainte fois citées, avec leurs dates précises, et d’assez nombreux fragments en ont été traduits en français. On peut donc, grâce à ces indications, reconstituer la liste chronologique des lettres de Regius (elle comprend 37 numéros), ce qui permet de dater à peu près les réponses de Descartes ; on peut en outre rétablir le sens général de cette correspondance, ce qui permet de mieux entendre ces mêmes réponses.

Legrand avait aussi entre les mains les lettres à l’abbé Picot. Baillet les cite, en effet, donnant la date en marge et parfois un fragment du texte. En rassemblant ces nouvelles indications, on peut restituer, non pas, certes, toute la correspondance avec Picot, ni même une faible partie, mais au moins la liste chronologique (elle compte 39 numéros), si utile pour le classement des lettres de Descartes, dont maint passage se trouve en outre expliqué par les extraits de Baillet.

Legrand avait quelques-unes des lettres de la princesse Elisabeth. Nous avons mieux aujourd’hui : la publication de Foucher de Careil en 1879 nous donne presque toute la correspondance d’Elisabeth avec Descartes. Mais une chose que nous n’aurions pas sans Legrand, c’est la liste des lettres de Chanut à Descartes, et le texte entier de quelques-unes, que Baillet a heureusement inséré dans son gros ouvrage. De même pour quelques lettres ou fragments de lettres à Clerselier, et « au sieur Tobie d’André », Professeur à l’Université de Groningue. Tout cela sans doute est incomplet, et souvent Baillet n’en donne qu’une traduction, que nous ne pouvons contrôler, faute du texte latin ; nous sommes bien forcés cependant de nous en contenter. En outre Baillet nous a transmis çà et là des documents de premier ordre, comme la requête de Descartes à Servien, ambassadeur de France en Hollande, en mai 1647, pour qu’il intervienne en sa faveur auprès de l’Université de Leyde. Tout n’est donc pas perdu de l’énorme labeur de Legrand, et à défaut de l’édition complète qu’il n’a pu nous donner, de bons matériaux en subsistent, qui ne seront pas la partie la moins solide de l’édition nouvelle.

Quant à l’exemplaire des Lettres de Descartes, enrichi des notes de Legrand, de Baillet et sans doute de Marmion, il a d’abord appartenu à Montempuis, Recteur de l’Université de Paris (10 octobre 1715 — 10 octobre 1717), dont les livres, légués à la Bibliothèque de cette Université, en constituèrent le premier fond : les trois volumes portent encore le cachet en noir de « Montempuis, Université de Paris ». De là ils passèrent à la Bibliothèque de l’Institut, lors de la fondation ; ils en portent aussi le cachet en rouge, qui date de la première République, et c’est dans cette Bibliothèque qu’on peut encore les consulter aujourd’hui.

Or l’exemplaire de l’Institut nous apprend que M. de La Hire avait fait un classement des lettres de Descartes à Mersenne. Baillet rappelait seulement dans sa Préface, p. xxxiv-xxxv, « les bontez particulières de M. de La Hire, qui a eu la patience », dit-il, « de vouloir lire ces lettres avec nous, de nous faire remarquer leurs différences d’avec celles qui sont imprimées, et de nous communiquer celles qui n’avoient pas encore vû le jour. » Et dans son ouvrage il cite mainte fois les lettres de Descartes à Mersenne, avec leurs dates, sans autre indication. Mais dans l’exemplaire de l’Institut, on trouve, outre les mêmes dates écrites à la main, des numéros pour la plupart d’entre elles, et l’indication est uniformément celle-ci : « voyez la 21e (ou la 35e, ou la 50e, etc.) de M. de La Hire. » Celui-ci avait donc non seulement classé les lettres à Mersenne suivant l’ordre chronologique, il les avait aussi numérotées. Et même le numérotage est double : une première fois, il commence par les lettres les plus récentes et remonte en sens contraire de l’ordre chronologique ; la seconde fois, il suit cet ordre, et va en descendant, comme il convient, à partir de la lettre la plus ancienne. Les autographes assez nombreux, qui nous restent de cette collection, portent, au bas de la première page et à gauche, un numéro qui est souvent celui du classement à rebours. Ainsi la lettre XV du t. III, p. 100, édit. Clerselier, est indiquée dans l’exemplaire de l’Institut comme « la 82e lettre ms. de M. de La Hire », et l’autographe de cette même lettre, qui se trouve aussi maintenant à la Bibliothèque de l’Institut porte à l’endroit indiqué le numéro 2. Mais souvent l’exemplaire de l’Institut donne à la fois les deux numéros de la façon suivante : le premier a été écrit d’abord, puis barré, et au-dessus on a récrit le second. Ainsi au t. II, p. 209, on trouve : « voyez la 72 de M. de la Hire » ; mais le 7 était d’abord un 1, que l’on a facilement changé en 7 avec un trait ; et ce numéro primitif, 12, est bien celui qu’on lit encore au bas de la copie ms. à la Bibliothèque nationale (fr., n. a., 5160, f. 65). Ailleurs, au t. III, p. 157, le numéro 46, c’est-à-dire le numéro primitif, a été barré, et le numéro 38 récrit au-dessus ; or on retrouve sur l’autographe de la Bibl. Nat. ce numéro 46 (f. 23). Au t. III, p. 609, le numéro 39 a été barré, et 45 récrit à la place ; l’autographe du 19 janvier 1642, conservé à la Bibliothèque Victor Cousin, donne bien 39 c., etc. L’existence de ces deux listes, en sens inverse l’une de l’autre, permet de fixer le nombre des numéros : comme les deux numéros de chaque lettre donnent toujours, additionnés ensemble, le total 84, il s’ensuit que la collection comprenait 83 pièces.

Si maintenant on dresse parallèlement deux listes de 83 numéros, en sens inverse l’une de l’autre, les deux numéros qui correspondent sont précisément ceux que l’on trouve écrits tous deux, mais l’un des deux barré, sur l’exemplaire de l’Institut. Le fait peut se vérifier une trentaine de fois, soit sur l’exemplaire seul, lorsqu’il donne le double numérotage, soit en le confrontant avec les autographes qu’on possède encore. Cependant le numérotage à rebours ne paraît pas avoir été suivi d’un bout à l’autre de la série : on ne le trouve que pour la seconde moitié environ, plus exactement à partir du numéro 48 (chiffre primitif) remplacé par 36 suivant l’ordre naturel. Ajoutons enfin que sur les autographes, mais non dans l’exemplaire imprimé, le chiffre primitif, celui du classement à rebours, est ordinairement suivi de la lettre c : par exemple, 48c (Bibl. Victor Cousin, n° 17 ), 46 c (Bibl. Nat., fr. n. a., 5160, f. 23), 35 c (Bibl. de l’Institut, Ier dossier, lettre 3e). Il semble donc qu’on se soit arrêté au milieu de ce numérotage à rebours, assez étrange, en effet, et que pour la première moitié qui restait, on ait repris l’ordre naturel. Ainsi, dans l’exemplaire de l’Institut, jusqu’au numéro 36, on ne trouve qu’un numéro, qui est le bon, et non pas deux, dont l’un serait barré. Et, d’autre part, dans le cahier d’autographes et de copies manuscrites, maintenant rentré à notre Bibl. Nat., si on range les différentes pièces suivant l’ordre chronologique, on trouve d’abord une série de lettres qui portent sur la première page, en bas et à gauche, les numéros 2, 13, 15, 16, 19, 18 (f. 43, 2, 4, 10, 15, 21), lesquels appartiennent au classement naturel ; puis une autre série avec les chiffres 46, 41, 1, 31, 27, 21, 19, 17, 16, 13 (fol. 23, 27, 49, 29, 31, 37, 39, 40, 42, 44), lesquels appartiennent au classement à rebours ; et les mêmes chiffres 13, 16 et 19 se retrouvent dans les deux séries, mais sans avoir le même sens : dans la seconde série ils doivent correspondre aux numéros 71, 68 et 65 du classement naturel. Ces détails vont se confirmer et se compléter par un autre document encore.

Le travail de Legrand ne fut utilisé par personne au xviiie siècle. En 1724-1725, lorsqu’on réimprima la correspondance de Descartes, on se contenta de répartir en six volumes in-12 les trois in-4 de Clerselier ; mais les lettres furent publiées dans le même ordre, sans même qu’on y mît toujours les quelques dates données par le premier éditeur ; pour tout changement, on ajouta la version française des lettres latines qui n’avaient pas été traduites, et aussi le texte latin pour celles dont on n’avait imprimé que la traduction. Mais on ne prit pas la peine de consulter les autographes déposés par La Hire à l’Académie des Sciences. Encore bien moins songea-t-on à profiter des notes écrites sur le précieux exemplaire des Lettres, dont peut-être l’existence n’était même pas soupçonnée.

À la fin du xviiie siècle, ou au commencement du xixe, une autre liste des mêmes lettres de La Hire fut dressée, qui, au lieu de 83 numéros, n’en comprend que 77, les lettres manuscrites étant réparties cette fois en autant de liasses que d’années, sauf les lettres sans date et quelques pièces rejetées dans deux liasses à la fin. De qui était ce nouveau classement ? La Bibliothèque nationale (Ms. français, 20843, fol. 122 et 123) possède une minute qui le donne en entier, et la minute est écrite de la main de dom Poirier. M. Léopold Delisle l’a publiée, p. 169-172, au Catalogue des fonds Libri et Barrois (Paris, 1888). D’autre part, la Bibliothèque nationale encore (Ms. fr., n. a., 3280, fol. 92-94) possède un fragment de la même liste, pour les années 1638 et 1639 seulement, qui va du numéro 6 au numéro 21 inclus, et donne la concordance avec les numéros de La Hire, ainsi qu’avec les lettres publiées par Clerselier ; cette pièce est de la main d’Arbogast. M. Paul Tannery, qui a signalé ce document (La Correspondance de Descartes dans les inédits du fonds Libri, étudiée pour l’histoire des mathématiques, Paris, Gauthier-Villars, 1893, p. 6), pense que les numéros de cette seconde liste, qui figurent sur bon nombre d’autographes, sont aussi de la main d’Arbogast. Cette dernière raison serait peut-être décisive pour attribuer le second classement à Arbogast : c’est lui qui a eu les originaux entre les mains, puisqu’il a écrit, en haut et à droite de la première page, un nouveau numéro, toujours entre parenthèse, tandis que le numéro ancien, celui de La Hire, se trouve au bas et à gauche, sans parenthèse. D’ailleurs la nouvelle liste, qu’elle soit de Poirier ou qu’elle soit d’Arbogast, date du même temps : dom Poirier, bénédictin de Saint-Maur, mourut le 2 février 1803, après avoir été gardien des Archives de l’Abbaye de Saint-Denis, puis de l’Abbaye de Saint-Germain-des- Prés, dont il reconstitua, tant bien que mal, la Bibliothèque, détruite par un incendie en août 1794 ; et le mathématicien Arbogast mourut le 8 avril 1803, après avoir été membre de la Convention (c’est alors sans doute qu’il s’occupa des manuscrits conservés aux Archives de l’Académie des Sciences). Voici maintenant un tableau qui donne à la fois la liste de La Hire et celle de Poirier ou d’Arbogast, avec les dates, toujours concordantes, fournies par l’une et par l’autre, et le renvoi aux lettres de Clerselier et même aux manuscrits. Les numéros de ceux-ci, ainsi que les notes des Lettres dans l’exemplaire de l’Institut, serviront de vérification aux deux listes placées en regard.

LA HIRE POIRIER DATES CLERS. AUTOG. OU COPIES MS.
1629-1633
1
2 [13 nov. 1629] Bibl. Nat., 5160, f. 48
3 (1) 18 déc. 1629 II, cv, et I, cxi Bibl. Institut
4 fin.
5 (2) 15 avril 1630 II, civ Bibl. Institut
6 janv. ou oct. 1631 II, lxvi Bibl. Nat., 5160, f. 46 et 47
7 (3) 22 juillet 1633 II, lxxv
1634
8 (4) 15 mai II, cvi Bibl. Institut
9 (5) 14 août II, lxxvii Bibl. V. Cousin, n° 10
1638
9sec (13) [janvier] III, lvi Bibl. Nat., 5160, f. 53, copie
10 (6) 31 mars III, lxix Londres, collection Morrison
102e  id. id. Bibl. Nat. 5160, f. 52, copie
11 (14) [avril ou juin] III, lix-lxxiv Bibl. Institut, 1er dossier, 2
12 (7) 3 mai III, lx Bibl. V. Cousin, n° 2
13 [29 juin] III, lxii Bibl. Nat., 5160, f. 2 et 3
14 (8) 27 mai III, lxviii
15 (76) [13 juillet] I, lxxiii Bibl. Nat. 5160, f. 4
16 (9) 27 juillet III, lxvi Bibl. Nat. 5160, f. 10
17 (11) 12 septembre  I, lxxiv Bibl. Institut, 2e dossier, 3
18 [11 octobre] II, xci Bibl. Nat., 5160, f. 21
19 (10) 23 août III, lxv et lxx Bibl. Nat., 5160, f. 15
20 (12) 15 novembre II, xcii
LA HIRE POIRIER DATES CLERS. AUTOG. OU COPIES MS.
1639
21 (15) 9 janvier II, xcvi Bibl. V. Cousin, n° 11
22 (16) 9 février II, xcvii Bibl. V. Cousin, n°3
23 (17) 30 avril III, lxxxiv Rome, Boncompagni, copie
24 (18) 19 juin II, xxviii-ix Bibl. V. Cousin, n° 15
25 (19) 27 août II, xxx Bibl. Institut, 2° dossier, 2
26 (20) 16 octobre II, xxxii Bibl. V. Cousin, n° 4
27 (21) 25 décembre II, xxxiv Rome, Boncompagni, copie
1640
28 (22) 29 janvier II, xxxv Fac-simile, Isographie.
29 (23) 11 mars II, xxxvii
30 (24) 11 juin II, xxxix Bibl. Institut, 3° dossier, 2
31 (25) 30 juillet II, xl
32 (26) 6 août II, xli Bibl. V. Cousin, n° 18
33 (27) 30 août III, vii
34 (28) 15 septembre II, xlii Bibl. V. Cousin, n° 5
35 (29) 30 septembre II, xliii Bibl. Institut, 3e dossier, 1
36 (30) 28 octobre III, xii Bibl. V. Cousin, n° 17
37 (31) 28 octobre II, xliv
1641
38 (32) 4 mars III, xxxv Bibl. Nat., 5160, f. 23
39 (33) 18 mars III, cix Bibl. V. Cousin, n" 6
40 (34) 31 mars Bibl. Institut, 2e dossier, 4
41 (35) 27 mai
42 (36) 16 juin II, liv
43 (37) 23 juin Bibl. Nat., 5160, f. 27
44 (38) 17 novembre II, lviii Bibl. V. Cousin, n° 7
1642
45 (39) 19 janvier III, cxiv Bibl. V. Cousin, n° 13
46 (40) 20 octobre II, cvii Bibl. V. Cousin, n° 16
47 (41) 17 novembre III, cxiii Rome, Boncompagni, copie
48 (42) 7 décembre II, cix Rome, Boncompagni, copie
LA HIRE POIRIER DATES CLERS. AUTOG. OU COPIES MS.
1643
49 (43) 4 janvier Bibl. Institut, 1e dossier, 3
50 (44) 2 février II, cix, fin Rome, Boncompagni, copie
51 (45) 23 février II, cviii Rome, Boncompagni, copie
52 (46) 23 mars II, cxvi Bibl. Institut, 1e dossier, 4
53 (47) 26 avril Bibl. Nat., 5160, f. 29
54 (75) 4 et 26 avril II, cxvi Bibl. Nat., 5160, f. 61, copie
55 (48) 30 mai II, cviii, fin Rome, Boncompagni, copie
1646
56 (49) 2 mars III, lxxxv
57 (71) 30 mars III, lxxxvi Bibl. Nat., 5160, f. 31
58 (50) 20 avril III, xciii
59 (51) 20 avril III, xciv Bibl. Nat., 5160, f. 35, copie
60 (52) 20 avril II, xcv
61 (72) 15 mai III, xc Bibl. Institut
62 (73) 15 juin III, lxxxviii et cxix
63 (53) 7 septembre II, cxii, fin Bibl. Nat., 5160, f. 37
64 (54) 5 octobre Bibl. V. Cousin, n° 12
65 (55) 12 octobre Bibl. Nat., 5160, f. 39
66 (57) 2 novembre III, xcvi
67 (56) 2 novembre Bibl. Nat., 5160, f. 40
68 (58) 23 novembre Bibl. Nat., 5160, f. 42
69 (59) 14 décembre

Pour les numéros qui suivent, la concordance des deux listes La Hire et Poirier étant malaisée à établir, il convient de donner successivement deux tableaux, l’un qui s’appuie sur la liste Poirier, (60) à (77) inclus, et le second sur la liste La Hire, 70 à 83 inclus, avec toutes les identifications qui seront possibles :

POIRIER LA HIRE DATES CLERS. AUTOG. OU COPIES MS.
1647
(60) 71 26 avril Bibl. Nat., 5160, f. 44
(61) 13 décembre
1648
(62) 31 janvier Bibl. Ville de Nantes
(63) 7 février Bibl. V. Cousin, n° 9
(64) 74 4 avril Bibl. Institut, 1er dossier, 5
(65) 73 III, cxviii Bibl. Institut
1641-1642-1647
(66) [18 février 1641] III, xxxiii
(67) [21 janvier 1641] III, xxix Rome, Boncompagni, copie
(68) 82 [13 octobre 1642] III, xv Bibl. Institut, 1er dossier, 1
(69) 83 [22 déc. 1641] Bibl. Nat., 5160, f. 49
(70) 1647 (?)
1646 (à Cavendish) a
(71) 57 30 mars III, lxxxvi Bibl. Nat., 5160, f. 31
(72) 61 15 mai III, xc Bibl. Institut
(73) 62 15 juin III, lxxxviii
1638-1640-1643
(74) 1639-1640
(75) 54 [4 et 26 avril 1643] II, cxvi, fin Bibl. Nat., 5160, f. 61, copie
(76) 15 [13 juillet 1638] I, lxxiii Bibl. Nat., 5160, f. 4
(77) 72 29 janvier 1640 II, xxxvi Bibl. Nat., 5160, f. 65, copie

Nous avons donc les 77 numéros de la liste Poirier-Arbogast, soit comme imprimé, soit comme manuscrit, soit comme l’un et l’autre en même temps, sauf 5 numéros seulement :

(35) Lettre à Mersenne, 27 mai 1641.

(59) — — 14 déc. 1646.

      (61) Lettre à Mersenne, 13 déc. 1647.

      (70)                  s. d. 1647 (?)

      (74) Sujet d’une gageure, en 1639, entre deux mathématiciens de Hollande : Écriture de Descartes.

Voici la seconde liste, dressée en s’appuyant sur La Hire :

LA HIRE. POIRIER. DATES. CLERS. AUTOG. OU COPIES MS.
70
71 (60) 26 avril 1647 Bibl. Nat., 5160, f. 44
72 (77) 29 janvier 1640 II, xxxvi Bibl. Nat. 5160, f. 65, copie
73 (65) 1648 III, cxviii Bibl. Institut
74 (64) 4 avril 1648 Bibl. Institut, 1er dossier, 5
75
76
77
78 30 juillet 1640 II, xl, 240 Bibl. Institut, 1er dossier, 6
79
80
81
82 (68) [13 octobre 1642] III, xv Bibl. Institut, 1er dossier, 1
83 (69) [22 déc. 1641] Bibl. Nat., 5160, f. 49

En résumé, la liste de Poirier, avec ses 77 numéros, semble en avoir 6 de moins que la liste de La Hire, qui en compte 83 ; en réalité elle en a 8 de moins, La Hire comptant deux fois les numéros 9 et 10 (92e et 102e). Or les tableaux précédents nous donnent justement 8 numéros de La Hire, qui n'ont point été classés par Poirier : ce sont 1, 2, 4, 6, 102e, 13, 18 et 78. Donc tous les autres, sans exception, doivent correspondre aux 77 de Poirier ; et la correspondance est établie, en effet, pour 70 numéros. Il ne reste de la liste Poirier que 7 numéros (61), (62), (63), (66), (67), (70) et (74), qui ne soient point identifiés. Il en reste pareillement 7 de la liste La Hire, dont on ne peut dire qu’une chose, c’est qu’ils correspondent aux précédents, sans qu’on puisse identifier chacun d’eux en particulier. Or sur les 7 de Poirier, 4 nous sont connus, (62) et (63), dont nous avons les autographes, et (66) et (67) dont Clerselier donne le texte, avec cette note sur l’exemplaire de l’Institut, qu’ils faisaient partie de la collection La Hire. Il n’en reste donc que 3 : (61), (70) et (74), que nous ne connaissions point. Ajoutons-y (35) et (59), qui correspondent à 41 et 69 de La Hire ; ajoutons-y enfin 1 et 4 de La Hire, que Poirier n’a pas classés, et il ne nous manque, pour les deux listes réunies, que les 7 pièces suivantes :

LA HIRE. DATES. POIRIER.
1
4
41 27 mai 1641 (35)
69 14 décembre 1646 (59)
13 décembre 1647 (61)
1647 (?) (70)
(74)

Les 7 pièces ci-dessus nous manquent totalement, c’est-à-dire que nous n’en avons ni imprimé, ni autographe, ni copie manuscrite. Du moins il semble impossible d’en identifier aucune avec une des lettres imprimées. Mais, en outre, il y a 23 autres pièces, dont on ne peut pas dire qu’elles nous manquent tout à fait, puisque Clerselier nous en donne le texte imprimé d’après la minute, et pour 9 de ces pièces, nous possédons, soit un fac-simile, soit une copie ancienne ; toutefois l’autographe est à retrouver, et c’est pourquoi nous en donnons ici le signalement :

LA HIRE. POIRIER. DATES. CLERSELIER.
7 (3) 22 juillet 1633 II, lxxv
14 (8) 27 mai 1638 III, lxviii
20 (12) 15 novembre 1638 II, xcii
23 (17) 30 avril 1639 III, lxxxiv
27 (21) 25 décembre 1639 II, xxxiv
28 (22) 29 janvier 1640 II, xxxv
29 (23) 11 mars 1640 II, xxxvii
31 (25) 30 juillet 1640 II, xl
33 (27) 30 août 1640 III, vii
37 (31) 28 octobre 1640 II, xliv
42 (36) 16 juin 1641 II, liv
47 (41) 17 novembre 1642 III, cxiii
48 (42) 7 décembre 1642 II, cix
50 (44) 2 février 1643 II, cix, fin
51 (45) 23 février 1643 II, cviii
55 (48) 30 mai 1643 II, cviii, fin
56 (49) 2 mars 1646 III, lxxxv
58 (50) 20 avril 1646 III, xciii
60 (52) 20 avril 1646 III, xcv
62 (73) 15 juin 1646 III, lxxxviii
66 (57) 2 novembre 1646 III, xcvi


Ajoutons (66) et (67) de Poirier, vraisemblablement du 18 février et du 21 janvier 1641, (Clerselier, III, xxxiii et xxix).

Somme toute, sur les 85 pièces de La Hire, dont 77 concordent avec celles de Poirier, il y en a 7 dont nous n’avons rien, pas même la minute imprimée, et 23 dont nous n’avons pas les originaux ; 55 seulement ont été retrouvées depuis la dispersion qui a suivi le vol de Libri dès 1839.


III.

ÉDITION VICTOR COUSIN.

(1824-1826.)


De 1824 à 1826 parut en 11 volumes in-8o (Paris, F.-G. Levrault) une édition nouvelle des Œuvres de Descartes, par Victor Cousin. La correspondance est répartie en 5 volumes, VI, VII, VIII, IX et X. Plus tard, à la fin de sa vie, Cousin jugeait sévèrement son œuvre : « Elle n’est pas digne de Descartes », écrivait-il en 1866 ; « j’étais trop jeune lorsque je l’entrepris. » Il avait de trente-deux à trente-quatre ans, et surtout il s’occupait d’autres travaux encore : traduction française des Œuvres de Platon, édition des Œuvres de Proclus, etc. Et puis, c’était moins une œuvre d’érudition que de propagande. Il voulait avant tout mettre au plus vite Descartes entre les mains des travailleurs, pour ranimer l’esprit philosophique en France ; et de fait, pendant ces trois quarts de siècle, c’est par l’édition Cousin que Descartes a été connu en France et à l’étranger ; c’est l’édition Cousin que citent tous les ouvrages des philosophes et des érudits. Enfin, à cette date de 1824-1826, elle pouvait passer pour une édition savante ; et avec les notes dont Cousin l’enrichit, grâce à l’exemplaire de l’Institut, elle parut bien supérieure, comme elle l’est en effet, à tout ce qu’on avait vu jusque-là.

Victor Cousin s’est donc servi, (et ce fut la grande nouveauté de son édition), de l’exemplaire de l’Institut, pour les Lettres de Descartes ; mais il s’en est servi timidement, comme d’un document dont il n’était pas sûr, n’en connaissant pas la provenance. Nous avons vu que le texte était amélioré et complété par des annotations écrites en marge, ou sur de petites bandes de papier, parfois même sur des feuilles entières insérées dans les volumes. Cousin reproduit ces annotations, mais au bas des pages, en italiques, et n’ose les incorporer dans le texte ; si bien que ce qui provenait des originaux de Descartes se trouve relégué dans des notes, comme un accessoire, tandis que les minutes incomplètes continuent de figurer en bonne place, occupant la majeure partie de chaque page. Encore ne reproduit-il pas toutes les annotations : comme il n’y voit que des variantes, dont l’origine lui est inconnue, il fait un choix parmi elles, choix nécessairement arbitraire ; du moins il en avertit loyalement le lecteur.

Quant à l’ordre même de la correspondance, Cousin se propose de rétablir la chronologie, et il range, en effet, les lettres année par année. Mais là encore il n’ose pas suivre jusqu’au bout les indications de l’exemplaire de l’Institut. Par exemple, la lettre CIII, t. III, p. 584, est notée comme une juxtaposition de deux lettres, peut-être même trois : Cousin reproduit la note, mais donne quand même les trois morceaux tout d’une venue, sans les séparer, t. VI, p. 47-53. Il imprime de même, t. VI, p. 53, comme une seule lettre, la CXIIe de Clerselier, t. II, p. 529, bien qu’une note l’avertît qu’il y avait là deux morceaux différents, le second du 7 septembre 1646 : Cousin le laisse néanmoins avec le précédent, qui est du 8 octobre 1629. Ce n’est que demi-mal, lorsque les deux lettres réunies en une sont réellement consécutives, comme pour la CXIe de Clerselier, t. I, p. 498, que Cousin imprime au t. VI, p. 61 : la première partie est une lettre du 20 novembre 1629, et la seconde appartient à une lettre suivante, du 18 décembre 1629 ; encore vaudrait-il mieux qu’elles fussent séparées. Mais parfois dans la même année, 1634, par exemple, où l’on ne trouve que 6 lettres (février, avril, 15 mai, 14 et 22 août, septembre), Cousin, au lieu de les imprimer dans cet ordre, qu’il connaissait cependant, puisqu’il le donne en note, imprime celle du 14 août (t. VI, p. 247) avant celle du 15 mai (ib., p. 257), c’est-à-dire la 9e de La Hire avant la 8e ; de plus il maintient le fragment de février 1634 cousu à une lettre de mai 1637, bien qu’il reproduise la note qui signale la distinction de ces deux morceaux. Ailleurs la 24e de La Hire, du 19 juin 1639, imprimée par Clerselier comme deux lettres différentes (XXVIII et XXIX, t. II, p. 171 et 174), l’est de même encore par Cousin (t. VIII, p. 128 et 132), et, qui pis est, la seconde moitié avant la première, bien qu’il reproduise la note qui signale cette transposition ainsi que l’unité des deux morceaux en une seule et même lettre. Enfin, par une singulière inadvertance, une lettre imprimée par Clerselier, la CVIIe, t. II, p. 503, ne se trouve pas dans l’édition Cousin ; en revanche, la série des douze lettres entre Clerselier, Fermat, Cureau de la Chambre, etc., de 1658 à 1662, au t. III, p. 198-298, se trouve deux fois dans l’édition Cousin, t. VI, p. 410, et t. X, p. 389.

Cette édition a fait loi pendant près de trois quarts de siècle. On a eu plus de confiance en elle que Cousin n’en avait lui-même dans les notes manuscrites qu’il reproduisait ; il ne suivait qu’avec hésitation son guide inconnu, et il a été suivi aveuglément. Combien il lui eût été facile cependant de s’assurer de la provenance de ces notes, et que de peine il eût épargné ainsi aux éditeurs à venir ! En consultant l’exemplaire de l’Institut, au lieu de s’arrêter au cachet de la première page, où il lisait ces mots : Université de Paris, Montempuis, ce qui ne le faisait pas remonter plus haut que la première moitié du xviiie siècle (Montempuis ayant été Recteur, du 10 octobre 1715 au 10 octobre 1717), que ne s’attachait-il plutôt à ce nom de La Hire, qui revenait à tant de pages, et que ne lisait-il la Préface de Baillet en 1691, où il aurait retrouvé ce même nom de La Hire, joint à celui de l’abbé Legrand ? Là il aurait vu que tous deux, La Hire et Legrand, ont eu entre les mains les originaux des lettres à Mersenne, déposées à l’Académie des Sciences. Et sans doute il eût cherché aux Archives de l’Académie cette collection La Hire, qui s’y trouvait encore au complet. Cette fois Cousin les aurait publiées, les sauvant ainsi du vol qui quinze ans plus tard allait les disperser un peu partout, et en rendre la reconstitution si malaisée aujourd’hui.

Le fameux Libri, en effet, abusant de ses fonctions officielles qui lui donnaient accès dans toutes les Bibliothèques publiques, les pilla indignement, surtout de 1841 à 1847, et il réussit à vendre à lord Ashburnham, en Angleterre, un lot considérable de manuscrits, où se trouvaient vingt-trois pièces de l’ancienne collection La Hire. Mais bien d’autres pièces avaient été vendues isolément les années précédentes dans des ventes particulières. Victor Cousin en racheta le plus qu’il put, de 1840 jusqu’à sa mort en 1867. M. Etienne Charavay a conservé la liste des autographes vendus par sa maison : presque tous ceux de Descartes se retrouvent dans la Bibliothèque Victor Cousin à la Sorbonne. Cousin amateur d’autographes supplée ainsi en partie aux lacunes de Cousin éditeur de Descartes ; on lui devait déjà une édition, imparfaite sans doute, bien que des plus utiles ; on lui doit en outre une collection inappréciable (17 lettres de Descartes, plus 1 copie qui date du xviie siècle).

Depuis, d’autres efforts ont contribué à reconstituer en grande partie l’ancienne collection de lettres à Mersenne. D’une part, M. Ludovic Lalanne recevait à la Bibliothèque de l’Institut, et sans doute aussi sollicitait de donateurs généreux les autographes de Descartes que ceux-ci se trouvaient avoir : 13 pièces sont ainsi rentrées à la Bibliothèque de l’Institut, venant s’ajouter à trois autres qui y étaient restées. D’autre part, M. Léopold Delisle, grâce à des prodiges d’habileté et de ténacité, réussissait à recouvrer sur l’Angleterre une bonne partie des manuscrits vendus par Libri à lord Ashburnham, entre autres un dossier de 17 autographes de Descartes et 6 copies, lequeL, entré en 1888 à la Bibliothèque Nationale, y fut relié en un cahier. Sur ces pièces, 22 plus les 16 de la Bibliothèque de l’Institut, plus 15 sur les 18 de la Bibliothèque Victor Cousin, nous donnent à Paris un ensemble de 53 numéros, c’est-à-dire environ les deux tiers de l’ancienne collection La Hire ; nous en avons 2 numéros encore ailleurs (1 à Londres, 1 à Nantes). Mais ce ne sont pas là les seuls manuscrits qui nous restent de la Correspondance de Descartes ; et nous devons maintenant dresser l’inventaire de tous ceux qui sont actuellement connus.

IV.


AUTOGRAPHES ET COPIES MANUSCRITES.

Dans quelles conditions la Correspondance de Descartes peut-elle être publiée aujourd’hui ? Examinons d’abord les publications qui, pendant ce siècle, ont enrichi de lettres nouvelles cette correspondance.

En 1811, l’abbé Émery imprimait enfin les deux lettres de Descartes au P. Mesland, sur l’Eucharistie, dans un volume de Pensées de Descartes sur la religion et la morale. Les deux mêmes lettres furent imprimées encore, sur un texte meilleur, par M. Francisque Bouillier, dans son Histoire de la philosophie cartésienne (3° édit., t. I, p. 454).

En 1827, Domela Nieuwenhuis imprimait, d’après des copies manuscrites conservées dans la Collection Huygens à Leyde, deux lettres latines, de Plempius à Descartes et de Fromondus à Plempius pour Descartes, 15 et 13 septembre 1637, (Commentatio de R. Cartesii commercio cum philosophis belgicis, petit in-4, Lovanii, p. 95-102).

En 1838, Victor Cousin, dans la 3° édition de ses Fragments philosophiques, t. II, p. 142, publiait deux lettres de Descartes à Colvius, avec une réponse de Colvius entre les deux (23 avril, 9 juin, 5 juillet 1643) ; plus un billet du philosophe à son horloger (18 juillet 1643) ; plus une lettre à Mersenne (31 mars 1641). Il y ajouta, dans une édition suivante, une lettre à Balzac, du 14 juin 1637, trouvée dans les papiers de Conrart à la Bibliothèque de l’Arsenal.

En 1839, dans le Journal des Savants, p. 553-559, Libri rectifiait et complétait, d’après l’autographe, une lettre à Mersenne, du 23 mars 1643, déjà publiée par Clerselier, d’après une minute, t. II, lettre CXVI.

En 1860, au tome II des Œuvres inédites de Descartes, publiées par Foucher de Careil, se trouvaient douze lettres à Le Leu de Wilhem, plus une requête à M. de la Thuillière (sic, pour Thuillerie), trouvées en Hollande, à La Haye et à Leyde ; plus une lettre au R. P. Oslier (sic, pour Gibieuf), rapportée de Londres, British Museum ; et une à un inconnu (Golius), rapportée de la Bibliothèque Impériale de Vienne ; enfin deux lettres à Constantin Huygens, et encore deux à Wilhem.

En 1869, un Genevois, M. Eugène de Budé, publiait dix-sept lettres de Descartes, presque toutes à Pollot, d'après une copie trouvée dans sa collection particulière.

En 1879, Foucher de Careil encore donnait vingt-six lettres de la princesse Élisabeth à Descartes, d'après une copie qui se trouve chez le baron de Pallandt, au château de Rosendaal, près Arnhem.

En 1886, l’abbé Georges Monchamp, dans son Histoire du cartésianisme en Belgique, revenait sur la discussion de Fromondus et de Descartes, et complétait celle de Descartes et de Plempius, en attirant l’attention sur un texte complet de deux lettres de Descartes (15 février et 23 mars 1638), publié par Plempius dès la seconde édition de ses Fundamenta medicinœ (1644).

En 1887, Bierens de Haan étudiait, dans ses Bouwstoffen voor de Geschiedenis der Wis- en Natuurkundige Wetenschappen in de Nederlanden, la querelle de Stampioen et de Waessenaer, celui-ci soutenu par Descartes. Et l’année suivante, M. D.-J. Korteweg, dans les Archives néerlandaises, y ajoutait quelques documents, dont une lettre de Descartes, mi-française et mi-flamande, du Ier février 1640, dont l’autographe est au British Museum.

Le même M. Korteweg trouva à la Bibliothèque Royale de Munich une lettre de Descartes à Colvius, du 14 juin 1637 ; et l’abbé Monchamp la publia, en 1895, dans un opuscule sur Isaac Beeckman et Descartes.

En 1890, l’Archiv für Geschichte der Philosophie (t. III, p. 568) donnait une lettre de Descartes à un gentilhomme allemand, Dozem, du 25 mars 1642, que Ludwig Stein avait trouvée dans les papiers de Leibniz à la Bibliothèque Royale de Hanovre. En 1891 et 1892, M. Paul Tannery publiait successivement, dans le même recueil (t. IV, p. 442 et 529 ; t. V, p. 217 et 469), quatorze lettres inédites à Mersenne, triées soigneusement parmi les cinquante-sept pièces manuscrites que possèdent à elles trois la Bibliothèque Nationale, la Bibliothèque Victor Cousin et la Bibliothèque de l’Institut à Paris.

Enfin M. Korteweg avait signalé dans la Collection des Lettres de Constantin Huygens, à la Bibliothèque de l’Académie des Sciences d’Amsterdam, la copie de dix-sept lettres à Descartes ; elles ont été rapportées en France et publiées en juillet 1895, dans la Revue bourguignonne de l’Enseignement supérieur. La même Revue donnait, dans le numéro suivant de janvier 1896, le texte d’un Entretien de Descartes et de Burman, à la date du 14 avril 1648, conservé dans les manuscrits de la Bibliothèque de l’Université de Goettingen.

Mais, outre ces publications, on a dressé, dans ces deux dernières années, la liste de tous les autographes de Descartes, qui sont connus à l’heure présente, et on n’en compte pas moins de 93, répartis comme il suit dans les différentes bibliothèques publiques ou collections privées en France et à l’étranger :

FRANCE :

PARIS.

Bibliothèque Nationale 16 à Mersenne (FR, n. a., 5160).

1 à Cavendish ( — — ).

1 à Du Puy, 5 janv. 1645 (fonds du Puy, vol. 675, fol. 243).

Institut. 15 à Mersenne (Bibliothèque de l’Institut).
1 à Cavendish, 15 mai 1646 ( — ).
Sorbonne. 15 à Mersenne (Bibl. V. Cousin).
1 à Pierre des Cartes ( — ).
1 à Heereboord ( — ).
1 au P. Bourdin, 29 juillet 1640 (Bibliothèque de l’Université).
Foucher de Careil.
à Huygens, 1er nov. 1635
1 à — [déc. 1638]
(Collection privée)
A. d’Hunolstein.
2 à Brégy
18 déc. 1649
15 janv.1650
( — — ).
G. de Courcel.
1 à Huygens, 4 août 1645 ( — — ).

Ajoutons un fac-similé du commencement et de la fin d’un autographe de Descartes à Mersenne, du 29 janvier 1640, publié au t. II de l’Isographie des hommes célebres (Paris, A. Mesnier, 1828-1830).

Ajoutons enfin, pour la France, un autographe à Mersenne, du 31 janvier 1648, à la Bibliothèque de la Ville de Nantes.

HOLLANDE.
Leyde, Bibl. de l’Univ. 14 à Wilhem.
2 à Golius, 2 fév. 1632 et 9/19 mai 1635.
2 à Colvius (avec rép. de Colvius), 23 avril et 5 juillet 1643.
1 à Gerrit Brandt, 18 juillet 1643.

1 à Huygens, 5 octobre 1637 (Petit traité des mechaniques).

La Haye, Rijks-Archief. 1 à Golius, 6/16 avril 1635.
Amsterdam, Bibl. de l’Univ. 1 à ***, 30 août 1637.
ANGLETERRE.
Londres, British Museum. 1 à Gibieuf, 18 juillet 1629.
1 à Waessenaer, 1er fév. 1640.
1 à un avocat, 7/17 avril 1646.
1 à Wilhem, 24 mai 1647.
Londres, Collection Morrison. 1 à Wilhem, 23 mai 1632.
1 à Mersenne, 31 mars 1638.
1 à Huygens, 12 nov. 1640.
1 à Pollot, 17 oct. 1643.


PAYS DIVERS.
Munich, Bibl. Royale. 1 à Colvius, 14 juin 1637.
Vienne. Bibl. Imp. et Roy. 1 à Golius, 3 avril 1640.
Saint-Pétersbourg, Bibl. Impériale. 1 à ***, 31 mars [1636].
Philadelphie, Coll. F.-J. Dreer. 1 à Huygens, 31 janv. 1642.

Voici maintenant la liste de tous ces autographes suivant l’ordre chronologique ; on verra que l’on possède des spécimens de l’écriture de Descartes et de son orthographe presque à toutes les années de 1629 à 1650.

1622 3 avril, à Pierre des Cartes (Paris, Bibl. V. Cousin).
1629 18 juillet, à Gibieuf (Londres, British Museum).
[13 nov.], à Mersenne (Paris, Bibl. Nat.).
18 déc., — ( — Bibl. Institut).
1630 15 avril, — ( — — — ).
1631 janv. ou oct., — ( — Bibl. Nat.).
1632 2 fév., à Golius (Leyde, Bibl. de l’Univ.).
23 mai, à Wilhem (Londres, Coll. Morrison).
1633 7 fév., — (Leyde, Bibl. de l’Univ.).
12 déc, — ( — — ).
1634 15 mai, à Mersenne (Paris, Bibl. Institut).
14 août, — ( — Bibl. V. Cousin).
1635 6/16 avril, à Golius (La Haye, Rijks-Archief).
9/19 mai, à Golius (Leyde, Bibl. de l’Univ.).
1er nov., à Huygens (Paris, Coll. F. de Careil).
1636 31 mars, à *** (Saint-Pétersbourg, Bibl. Impériale).
1637 14 juin, à Colvius (Munich, Bibl. Royale).
30 août, à *** (Amsterdam, Bibl. de l’Univ.).
5 oct., à Huygens (Leyde, Bibl. de l’Univ.).
1638 31 mars, à Mersenne (Londres, Coll. Morrison).
[avril ?] — (Paris, Bibl. Institut).
3 mai, — ( — — V. Cousin).
29 juin, — ( — — Nat.).
13 juillet, — ( — — — ).
27 juillet, — ( — — — ).
23 août, — ( — — — ).
12 sept., — ( — — Institut).
[11 oct.], — ( — — Nat.).
déc, à Huygens (Paris, Coll. F. de Careil).
1639 9 janv., à Mersenne ( — — V. Cousin).
9 fév., — ( — — — ).
19 juin, — ( — — — ).
27 août, — ( — — Institut).
16 oct., — ( — — V. Cousin).
1640 29 janv., à Mersenne (fac-similé, Isographie).
Ier fév., à Waessenaer (Londres, British Museum).
3 avril, à Golius (Vienne, Bibl. Imp. et Roy.
11 juin, à Mersenne (Paris, Bibl. Institut).
[juin], à Wilhem (Leyde, Bibl. Univ.).
24 — — ( — — — ).
29 juillet, à Bourdin (Paris, Bibl. Univ.).
[30 — ] à Mersenne ( — — Institut).
6 août, — ( — — V. Cousin).
17 — à Wilhem (Leyde, Bibl. Univ.).
15 sept., à Mersenne (Paris, — V. Cousin).
30 — — ( — — Institut).
5 oct., à Wilhem (Leyde, — Univ.).
28 — à Mersenne (Paris, — V. Cousin).
12 nov., à Huygens (Londres, Coll. Morrison).
1641 4 mars, à Mersenne (Paris, Bibl. Nat.).
18 — — ( — — V. Cousin).
31 — — ( — — Institut).
23 juin, — ( — — Nat.).
17 nov., — ( — — V. Cousin).
[22 déc], — ( — — Nat.).
1642
19 janv., à Mersenne (Paris, Bibl. V. Cousin).
31 — à Huygens (Philadelphie, Coll. Dreer).
7 sept., à Bourdin (Paris, Bibl. Institut).
[13 oct.], à Mersenne ( - - - ).
20 — — ( — — V. Cousin).
1642

19 janv., à Mersenne (Paris, Bibl. V. Cousin).

31 — à Huygens (Philadelphie, Coll. Dreer).

7 sept., à Bourdin (Paris, Bibl. Institut).

[13 oct.], à Mersenne ( - - - ).

20 — — ( — — V. Cousin).

|1643

|1644

|1645

|1646

|1647

|1648


4 janv., à Mersenne

23 mars, —

23 avril, à Colvius

26 — à Mersenne

5 juillet, à Colvius

10 — à Wilhem

18 — à G. Brandt

17 oct., à Pollot

7 nov., à Wilhem

26 fév., à Wilhem

9 juillet, —

5 janv., à Du Puy

4 août, à Huygens

— à Wilhem

15 sept., —



��3o mars, à Cavendish

7/17 avril, à un avocat

i5 mai, à Cavendish

1 5 juin, à Wilhem

7 sept., à Mersenne

5 oct., —

12 — —

2 nov., —

23 — —

19 avril, a Heereboord

26 — à Mersenne

24 mai, à Wilhem

3i janv., à Mersenne 7 fév., -

4 avril, —

S. d., —

��(Paris, Bibl. Institut).

{ - - - )• (Leyde, Bibl. Univ.). (Paris, — Nat.). (Leyde, — Univ.).

(Londres, Coll. Morrison). (Leyde, Bibl. Univ.).

(Leyde, Bibl. Univ.).

( - - - )•

(Paris, Bibl. Nat.).

( — Coll. G. de Courcel).

(Leyde, Bibl. Univ.).

( - - - )•

(---)•

(Paris, Bibl. Nat.). (Londres, British Muséum). (Paris, Bibl. Institut). (Leyde, Bibl. Univ.). (Paris, Bibl. Nat.). ( — — V. Cousin). ( _ _ Nat.). ( - - - )• (---)•

(Paris, Bibl. V. Cousin). ( _ _ Nat.). (Londres, British Muséum).

(Nantes, Bibl. Ville). (Paris, Bibl. V. Cousin). ( — — Institut).

�� � a la Correspondance de Descartes. lxxhi

��1649 | 8/18 déc, à Brégy i65o 1 i5 janv., —

��(Paris, Coll. Hunolstein).

��A cette liste, déjà longue, d'autographes de Descartes, il convient d'ajouter une liste plus longue encore de copies ma- nuscrites, qui datent du xvn e siècle et tiennent lieu des origi- naux qui manquent. On y joindra aussi quelques autographes de correspondants de Descartes.

��FRANCE.

[janv. i638].

[i or mars — ].

6 à Mer- ) [3 r mars — ].

senne 1 [29 janv. 1640].

4 et 26 avril 1643

20 avril 1646. 1 à Morin [sept. i638]. 1 (à Gibieuf) [janv. 1642].

��Paris,

Bibliothèque Nationale.

��FR. n. a., 5 160.

��Ib., Ô2o5,p.go8. Ib., ib., p. 143.

��1 Hobbes à Mersenne, pour

Descartes, 3o mars

2 au P. Mesland [1645]

��FR. n. a., 111. FR. 17155.

��Bibl. de l'Arsenal. \ 1 à Balzac, 14 juin 1637.

��MS. Conrart,

��Bibl. V. Cousin. | 1 billet d'affaires, 3oaoût 1649.I Aut. Desc, n° 14. Coll. G. de Courcel. \ 1 à Picot, 3o août 1649.

��HOLLANDE.

��Amsterdam, i 17 Huygens à Descartes (i635- ) Lett. franc, de Bibl. Acad. des Se. ( 1645). \ Const. Huygens.

Amsterdam, Bibl. Univ.

��\ 1 Buysero à Descartes, 8 mars 1644.

��Groningue, Archives Pr ovine.

��1 Desc. à M. de la Thuillerie. ] Acta

1 M. de la Thuillerie aux Étais. ISenatus Academici

1 Descartes aux États. ) {1644-1645).

��Correspondance. I.

�� �

Leyde, Bibl. Univ.

1 Fromondus à Plempius (pour Descartes), 13 septembre 1637.

1 Plempius à Descartes, 15 septembre 1637.

2 Desc. à Plempius et à Fromondus, 3 oct. 1637

2 à Élisabeth, 21 mai et 28 juin 1643.

1 à Christine, 20 novembre 1647.

1 à Vorstius, 19 juin 1643.

Leyde, Curateurs de l’Univ.

1 aux Curateurs de l‘Univ. (4 maij 1647).

1 à Desc. (13 Kal. Iun. 1647).

1 aux Curateurs (6 Kal. Iun. 1647).

Resolutien van de HHn Curateuren en Burgermeesteren (1646-1653).

Rosendaal, (près Arnhem).

26 lettres de Descartes à Élisabeth (1643-1649).

Collection Baron Van Pallandt.

SUISSE, ITALIE, ALLEMAGNE.

Genève.

17 lettres de Descartes à Pollot, etc.

Collection Eug. de Budé.

Rome.

15 à Mersenne (dont 7 autog. connus ; restent 8).

Collection Boncontpagni.

Hambourg.

1 à Stampioen, déc. 1633. 1 à Renery, 2 juillet 1634.

Stadt-Bibl.

Hanovre.

1 à Dozem, 25 mars 1642.

Kœnigl. Bibl.

Goettingen.

Entretien de Descartes et de Burman (14 avril 1648).

Univ. Bibl.

Marburg.

7 à Élisabeth

21 juillet 1645.

4 août —

18 — —

1 sept. —

15 — —

6 oct. —

3 nov. —

Staats-Archiv.



Soit un total de 108 copies du temps (en ne comptant pas les de Rome, qui font double emploi), dont un certain nombre ont pas encore été publiées, et les autres fournissent généralement un texte plus exact et plus complet que celui que l’on connaissait.

Ces 108 copies, presque toutes datées, jointes aux 93 autographes, qui le sont aussi presque tous, nous fournissent un ensemble de 201 pièces, dont on connaît la date. Si on y ajoute les 23 lettres dont nous connaissons la date par la liste de dom Poirier, comme ces numéros ont été presque tous identifiés avec les minutes de l’édition Clerselier, on voit qu’il est possible de rétablir sûrement presque partout la chronologie.

En effet, les lettres datées donnent parfois aussi la date de celles qui ne le sont pas. Par exemple, les minutes que Clerselier a imprimées sans date, mais qui se trouvent être des réponses à Élisabeth ou à Huygens, peuvent se dater par approximation, maintenant que l’on connaît les lettres de Huygens et d’Élisabeth avec leurs dates ; et nous en daterons ainsi plus de cinquante. De même pour les lettres ou fragments de lettres à Regius, puisque l’on connaît au moins la date des lettres que celui-ci a écrites à Descartes.

Ou bien encore deux lettres sont manifestement du même jour, ou à peu de jours d’intervalle, et si l’une des deux seulement a sa date, l’autre se trouve aussi datée du même coup. Ainsi on avait déjà remarqué qu’une lettre à Mersenne était du même jour qu’une lettre à M. de Beaune, quoiqu’elles fussent imprimées dans deux volumes différents (Clers., II, xcviii et III, lxxi) ; par bonheur la seconde était datée du 20 février 1639 : voilà donc aussi la date de la première.

Plus tard, dans un autographe à Mersenne, du 5 octobre 1646, Descartes parle de trois ouvrages : De pluvià purpureà, de Wendelin ; Fundamenta Physices, de Regius ; plus un opuscule, imprimé à Paris, d’un certain Jacques Bourgeois, Sur la taille des verres de lunette. Or, dans une autre lettre, sans date et sans nom de destinataire (Clers., II, cxiii), Descartes parle de ces trois mêmes ouvrages qu’il vient de recevoir, et en remercie son correspondant. C’était Constantin Huygens qui recevait les paquets de livres à l’adresse de Descartes et les lui faisait tenir ; la lettre en question a donc été écrite à Huygens, aux environs du 5 octobre 1646, sinon ce même jour, comme la lettre à Mersenne.

Autre exemple : une lettre à Mersenne (Clers., II, lxxvii) se trouve maintenant datée, Amsterdam, 14 août 1634, grâce à l’autographe, qui complète ainsi l’une des premières phrases : « Le sieur Beecman vint icy samedy au soir et me presta le liure de Galilée ; mais il l’a remporté a Dort ce matin. » Or nous trouvons une autre lettre de Descartes (Clers., II, xvii), imprimée cette fois avec une date, le 22 août 1634, et le nom du lieu, Amsterdam, sans nom de destinataire. Mais c’est quelqu’un avec qui il venait d’avoir une discussion de vive voix, deux jours de suite : or Beecman arrivé de Dort à Amsterdam le samedi soir en était reparti le 14 août, c’est-à-dire le lundi, deux jours après. En outre, la lettre de Descartes était écrite en latin, comme les deux autres de lui que nous avons à Beecman. C’est donc bien vraisemblablement une troisième lettre au même personnage, et en 1634, preuve que Descartes et lui s’étaient réconciliés après leur grosse querelle de 1630.

Ainsi le moindre détail devient un renseignement précieux, qui fixe non seulement la date d’une lettre, mais celle de plusieurs autres qui précèdent ou qui suivent. Dans une lettre (Clers., II, lxviii) que l’on croyait, sans preuve sérieuse, de septembre 1632, se trouve cette petite phrase : « M. Renery est allé demeurer a Deuenter depuis cinq ou six iours, et il est maintenant la professeur en philosophie. » Or vérification faite sur les registres du Gymnasium Illustre, conservés aux Archives de Deventer, Reneri a été nommé professeur le 4 octobre 1631, et il a lu sa leçon d’ouverture le 28 novembre 1631. La lettre de Descartes a donc été écrite entre ces deux dates, c’est-à-dire un an plus tôt qu’on ne pensait, et plusieurs autres se trouvent avancées d’autant : les deux suivantes (Clers., II, lxix et lxx) étant de janvier 1632 et du 2 février 1632, celles qui viennent ensuite (Clers., II, lxxi et lxxii) seraient aussi de Pâques 1632, et d’avril ou mai 1632, et non pas, comme on croyait, de 1633.

Enfin, comme dernière ressource, il nous reste parfois la place même où Clerselier a mis telle lettre sans date ; si elle se trouve entre deux lettres datées, et si, non seulement ces deux lettres, mais bon nombre avant et après sont aussi datées et se suivent les unes les autres, on a bien une série dans l’ordre chronologique. On peut, en ce cas, laisser la lettre sans date entre les deux autres ; c’est là vraisemblablement sa place, en effet, et toutes ses voisines dûment datées garantissent la date qu’elle doit avoir elle-même.

Si l’on osait parfois pousser l’approximation à l’extrême (et pourquoi ne l’oserait-on pas ?), Descartes nous en fournit les moyens. Il avait son jour de correspondance, qui était le jour du courrier. Celui-ci partait de Leyde le lundi, d’Amsterdam le lundi encore ; c’est Descartes lui-même qui nous l’apprend, et comme le même courrier qui emportait ses lettres le soir, lui apportait le matin celles de ses correspondants, il attendait d’ordinaire son arrivée pour expédier le jour même au moins les réponses les plus urgentes ; les autres étaient remises à huitaine, et parfois écrites le dimanche, c’est-à-dire la veille du courrier, pour avoir plus de temps. En marquant donc sur un calendrier tous les lundis de chaque année, entre 1629 et 1650, on trouve que bien des dates, connues maintenant par les autographes, sont en effet des lundis ou des dimanches, et lorsqu’on est à peu près sûr qu’une lettre sans date a été écrite entre deux autres bien datées, il y a des chances pour qu’elle soit d’un lundi intermédiaire, et parfois il n’y en a qu’un.

Telle est l’édition nouvelle des Lettres de Descartes que l’on se propose de donner. Elle ne sera point parfaite, la perfection n’étant plus possible, à cause de la dispersion et de la destruction de tant de papiers du philosophe. Il s’y trouvera sans doute, non seulement des lacunes, mais des erreurs. On aura cependant mis à profit tous les efforts antérieurs, le travail de Clerselier d’abord, puis le travail de Baillet et de Legrand, et les nombreuses contributions apportées en ce siècle à l’œuvre qui se prépare, et la bonne volonté rencontrée partout pour faciliter la tâche. Toutefois l’édition demeure exposée au hasard de découvertes nouvelles, qu’on n’ose espérer, mais qui ne sont pas impossibles. Du moins, parmi les lettres que l’on pourra découvrir, toutes ne seront pas entièrement inconnues : beaucoup auront comme leurs places d’attente marquées dans cette édition, à des dates connues déjà, et elles viendront, non pas remplir des pages laissées pour elles en blanc, mais compléter des fragments, donner un corps à une étiquette placée là en attendant. C’est ainsi que, grâce à l’ordre chronologique, l’ensemble de la correspondance, en recevant dans ses cadres préparés d’avance toutes les recrues nouvelles, n’en subsistera pas moins lui-même, solide et inébranlable.

C. A.                    

P. S. — Depuis l’impression des pages qui précèdent, M. Paul Tannery a retrouvé, dans le MS. de la Bibliothèque Nationale fr., 20843, un memento du « citoyen Poirier », relatif à ses fonctions de membre de la Commission temporaire des Arts, adjointe, sous la Révolution, au Comité d’Instruction publique de la Convention. Ce memento porte, sous la date du 20 floréal an II (29 avril 1794) la mention : « Rapport sur les Lettres de Descartes à l’Académie des Sciences. Vicq d’Azir et Poirier. »

M. Paul Tannery exposera, dans un Avertissement, en tête du second volume, le résultat complet de ses recherches à ce sujet, pour faire suite aux conjectures de la page LIV de ce premier volume.