Œuvres de Albert Glatigny/Les Roses et le Vin

Œuvres de Albert GlatignyAlphonse Lemerre, éditeur (p. 37-38).
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Les Roses et le Vin.


À Louis Péricaud.


Verson ces roses en ce vin,
En ce bon vin verson ces roses…
Ronsard.



Rose trois fois sacrée, amante des pourpris
Où j’adore en tremblant le sang pur de Cypris !

Vin ! grande liqueur où la pourpre ruisselle,
Soleil captif, magique et superbe étincelle !

Le Printemps te respire, honneur des floraisons,
Sur les hauts églantiers, dans l’ombre des gazons ;

La Bacchante me tend ses lèvres dans tes ondes,
Vin, qui mets du corail parmi ses tresses blondes ;

Tu ramènes le chœur de nos jeunes espoirs,
Bercés dans les parfums de tes beaux encensoirs ;

Tu donnes le courage et la force clémente,
Et dans tes flots divins l’âme dun dieu fermente !



Par toi le rossignol, que blesse le grand jour,
Dans les bois ténébreux s’en va mourir d’amour ;

Rouge consolateur, c’est toi qui nous apportas
Dans la coupe la joie et les croyances mortes ;

Afin de rafraîchir ses sens inapaisés,
Zéphire, le matin, te couvre de baisers ;

Les vénérables ceps, tortillés en spirales,
Laissent couler à nous tes larmes libérales ;

L’aurore, pour orner tes pétales charmants,
Transforme la rosée en mille diamants ;

Lyœus nous appelle, et les noires panthères
Communiquent livresse aux antres solitaires ;

Ô Rose ! souveraine éclatante, le Vin
Colore ton calice adorable et divin !

Noble Vin, le cristal que ta lumière arrose
À la coquetterie exquise de la Rose !

Mariez vos parfums, mariez vos couleurs,
Rose et Vin qui domptez les cruelles douleurs ;

Unissez-vous toujours, chantez l’épithalame,
Ô feuilles ! flots pourprés ! de la forme et de l’âme !