Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre/Tome 1/Couplets chantés en donnant le baiser à M. Foacier de Ruzé

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COUPLETS CHANTÉS

En donnant le baiser à M. Foacier de Ruzé[1].


On vous a présenté la rose ;
L’offrande était digne de vous[2] ;
De cette fleur, pour nous éclose,
La beauté plaît aux yeux de tous.
De grand cœur vous prîtes ce verre
Rempli de champagne joyeux ;
Nul honnête homme sur la terre
Ne méprise ce don des cieux.

Avec la même confiance[3]
Puis-je vous offrir mon présent ?
C’est le sceau de notre alliance,
C’est un baiser qui vous attend.

Et c’est moi que la destinée
Appelle à cet emploi flatteur !
Et mon étoile fortunée
Était d’accord avec mon cœur ![4]

Mais pour donner une accolade
Qui, par un baiser précieux,
Puisse d’un pareil camarade
Marquer l’avènement heureux,
Il faut la bouche enchanteresse
De l’une des sœurs de l’Amour,
Ou de cette jeune déesse
À qui vous donnâtes le jour.

Mais d’un mortel[5] qui vous révère
El vous chérit bien plus encor
Si l’hommage pouvait vous plaire,
Je remplirais mon heureux sort.
Seulement[6], par un doux sourire,
À cet instant, dites-le moi,
Et sans me le faire redire,
Soudain j’exécute la loi.

Non[7] ; certaine raison m’arrête,
Et[8], pour vous parler plus longtemps,
Du plaisir que le sort m’appréte[9]
Je suspendrai les doux instants[10].
Car[11] toujours[12], en vers comme en prose,
Je suis bavard en vous louant[13] ;
Pourriez-vous me dire la cause
De ce phénomène étonnant ?

Je vous admire et je vous aime,
Lorsque, rival de d’Aguesseau,
Aux yeux d’un Tribunal suprême
De loin vous montrez le flambeau.
Je vous aime, lorsque vos larmes
Coulent pour les maux des humains,
Et quand de la veuve en alarmes
Les pleurs sont séchés par vos mains.

Mais[14] lorsqu’admis à nos mystères,
Je vous vois, le verre à la main,
Assis au nombre de mes frères[15],
Animer ce charmant festin[16],
Quand votre cœur joyeux présage
Nos jeux et nos aimables soins,
Je vous aime encore davantage
Et ne vous admire pas moins.

Ô des magistrats le modèle !
Quand vous signalerez pour nous
Votre indulgence et votre zèle,
Vous serez applaudi de tous.
Vous devez aimer nos mystères ;
Car en quel lieu trouverez-vous
Des cœurs plus unis, plus sincères.
Des plaisirs plus vrais et plus doux ?

Des guirlandes qui nous sont chères
Aimez donc aussi les appas,
Et, dès cet instant, à vos frères
Ouvrez votre cœur et vos bras.
Pardon, Amour, pardon, Glycère,
Je conviens que, dans ce moment,
À vos doux baisers je préfère
Celui d’un magistrat charmant.


  1. Cette chanson a été dite par Maximilien Robespierre dans une fête des Rosati, le 22 juin 1787 ; la société recevait, ce jour-là, M. de Foacier de Ruzé, avocat au Conseil d’Artois et l’un des plus éminents magistrats de la province ; à peine introduit sous le berceau, le récipiendaire fut reçu par Carnot dont le discours commence en ces termes : « La société des Rosati n’est point composée de graves moralistes, etc… » ; puis Le Gay lut le joyeux diplôme, lequel était surmonté d’une couronne de roses vermeilles peintes par Bergaigne ; Charamond et Leducq offrirent la rose et le vin.

    « Ce fait accompli, continue le procès-verbal, on procéda à la cérémonie du baiser et l’on entendit une voix qui chanta, en détonnant, les couplets suivants, dans lesquels il n’y avait de faux que les faux tons du chanteur, M. de Robespierre ».

    Cette poésie a été reproduite par M. A. J. Paris, dans la Jeunesse de Robespierre, p. 180, par M. Victor Barbier, dans Les Rosati, page 51, par M. Jean-Bernard, dans Quelques vers de Robespierre, page 43.

  2. Éd. Jean-Bernard, deux points.
  3. Virgule.
  4. Éd. Jean-Bernard, point.
  5. Virgule.
  6. Pas de virgule.
  7. Virgule.
  8. Pas de ponctuation.
  9. Virgule.
  10. Point et virgule.
  11. Virgule.
  12. Pas de ponctuation.
  13. Point.
  14. Virgule.
  15. Pas de ponctuation.
  16. Point.