Œuvres complètes de Lamartine (1860)/Tome 3/Secondes Harmonies poétiques et religieuses/Hymne au Christ/Commentaire

Œuvres complètes de LamartineChez l’auteur (p. 59-60).
COMMENTAIRE

DE LA CINQUIÈME HARMONIE



J’ai adressé cette Harmonie, en 1829, à Manzoni, dans une des phases religieuses de ma pensée. Je chantais la vérité, par ce besoin d’adoration qui est en nous. Je ne dirai rien ici du sujet ; mais je dirai un mot de Manzoni.

Je l’avais connu, quelques mois auparavant, à Florence, où il avait passé un hiver. J’avais lu autrefois ses tragédies, puis ses romans, avec admiration, mais sans enthousiasme. Je venais de lire ses poésies lyriques, où le grand poëte éclate tout entier. Qui ne sait par cœur sa cantate sur la tombe de Bonaparte ?

Manzoni m’avait intéressé plus encore par sa personne que par ses œuvres. C’est un génie souffrant, un accent de douleur incarné dans un homme sensible ; c’est en même temps un génie pieux. Sa figure porte tous ces caractères. Sa stature est frêle ; son visage, doux et triste ; son regard, tourné vers les regrets ; sa parole, lente, faible, découragée. Il avait alors autour de lui une charmante famille d’enfants. Sa fille, âgée de dix-huit ans, et qui devait si tôt mourir en entraînant sa mère dans la tombe, était un des plus beaux jets de la beauté italienne qu’on pût contempler de l’autre côté des Alpes. Elle portait sur le front des rayons visibles d’âme, de splendeur et d’intelligence. Elle se gravait dans les yeux comme une poésie chantée dans l’oreille. Statue de la jeunesse immortelle, à côté du génie affaissé.

Manzoni était, quoique libéral, de l’école chrétienne et catholique de Silvio Pellico. C’est ce qui me fit penser à mettre cette Harmonie sous son nom.