Œuvres complètes de Lamartine (1860)/Tome 1/Le Poëte mourant/Commentaire

COMMENTAIRE

DE LA CINQUIÈME MÉDITATION



À l’âge de seize ans, j’avais lu dans le poëte anglais Pope trois strophes qui m’étaient restées depuis dans le souvenir, et que j’avais essayé de traduire en vers avec l’aide de mon maître de langue.

En 1825, étant allé à Lyon pour consulter sur des langueurs dont j’étais atteint un des fameux médecins que cette ville possède toujours comme Genève ou Bologne, et croyant que j’étais condamné à mourir jeune, j’éprouvai la même mélancolie et je retrouvai en moi les mêmes images que Pope avait rêvées, et qu’il avait essayé de peindre.

J’étais seul dans une chambre d’auberge, dont les fenêtres ouvraient sur la Saône lente, terne, et voilée de brumes, sous la sombre colline de Fourvières, au sommet de laquelle s’élèvent les premiers temples du christianisme dans les Gaules. La religion de ma mère et de mon enfance se présentait, dans ces années-là, à ma tristesse avec toutes les tendresses du berceau, avec toutes les perspectives dont elle a embelli l’autre côté de la tombe. J’écrivis ces strophes avec les larmes du souvenir et de l’espérance.

Le soir, je les portai à mon ami M. de Virieu, qui résidait alors dans le voisinage de Lyon. Il était lui-même malade. Je m’assis près de son lit, aux derniers rayons du soleil sur ses rideaux, et je lui lus les strophes, échos tristes, mais sereins, de deux vies qui finissent. Je vis, aux larmes de mon ami, que ces vers venaient du cœur, puisqu’ils y reproduisaient une si vive impression. Je les laissai à Virieu, qui me les rendit quelques mois après pour l’impression.