Œuvres complètes de Lamartine (1860)/Tome 1/La Foi/Commentaire

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COMMENTAIRE

DE LA VINGT-UNIÈME MÉDITATION

Ces vers furent écrits par moi dans cet état de convalescence qui suit les violentes convulsions et les grandes douleurs de l’âme, où l’on se sent renaître à la vie par la puissante séve de la jeunesse, mais où l’on sent encore en soi la faiblesse et la langueur de la maladie et de la mort. Ce sont les moments où l’on cherche à se rattacher, par le souvenir et par l’illusion, aux images de son enfance ; c’est alors aussi que la piété de nos premiers jours rentre dans notre âme pour ainsi dire par les sens, avec la mémoire de notre berceau, de notre prière du premier foyer, du premier temps où l’on a appris à épeler le nom que nos parents donnaient à Dieu. — Une femme de l’ancienne cour, amie de madame Élisabeth, femme d’un esprit très-distingué et d’un cœur très-maternel pour moi, madame la marquise de Raigecourt, m’avait accueilli avec beaucoup de bonté à Paris. Très-frappée de quelques vers que je lui avais confiés, et de la lecture d’une tragédie sacrée que j’avais écrite alors, elle entretenait une correspondance avec moi. Elle avait rapporté du pied de l’échafaud de son amie, madame Élisabeth, des cachots de la Terreur et des exils d’une longue émigration, ce sentiment de religion et de pieuse réminiscence des autels de sa jeunesse, que le malheur donne aux exilés. Elle m’entretenait sans cesse de Racine et de Fénelon, ces Homères et ces Euripides du siècle catholique de Louis XIV ; elle me disait que j’avais en moi quelques cendres encore chaudes de leur foyer éteint ; elle m’encourageait à chercher les mêmes inspirations dans les mêmes croyances. Moi-même, lassé de chercher dans la nature et dans la seule raison les lettres précises de ce symbole que tout homme sensible a besoin de se faire à soi-même, je m’inclinais vers celui que j’avais balbutié, avec mes premières paroles, sur les genoux d’une mère.

J’écrivis ces vers sous cette double impression, et je les envoyai à madame de Raigecourt : elle me les rendit plus tard, quand je me décidai, sur ses instances, à recueillir et à publier ces Méditations.