Œuvres complètes de Lamartine (1860)/Tome 1/Ischia/Commentaire
C’est l’île de mon cœur, c’est l’oasis de ma jeunesse, c’est le repos de ma maturité. Je voudrais que cela fût le recueillement de mon soir, s’il vient un soir. On a vu et on verra dans les Confidences pourquoi.
J’ai décrit les îles du golfe de Naples dans l’épisode de Graziella. La première fleur d’oranger qu’on a respirée en abordant, presque enfant, un rivage inconnu, donne son parfum à tout un long souvenir.
En 1821, je passai un nouvel été dans l’île d’Ischia avec la jeune femme que je venais d’épouser. J’étais heureux ; j’avais besoin de chanter, comme tout ce qui déborde d’émotions calmes. J’écrivis beaucoup de vers sous les falaises de cette côte, en face de la mer antique et du cap Misène, qu’Horace, Virgile, Tibulle, avaient contemplés de cette même rive avant moi. La plupart de ces vers, écrits par moi à cette époque, n’ont jamais paru et n’existent même plus. Les soupirs n’ont pas de corps. Ces vers se sont exhalés avec les parfums de l’île ; ils se sont éteints avec les reflets de lune sur les murs blancs des pêcheurs de Procida ; ils se sont évanouis avec les murmures des vagues que je comptais à mes pieds. Je suis retourné bien des fois depuis à Ischia ; j’y ai déposé les plus chères reliques, larmes ou félicités de ma jeunesse. Le brillant soleil de ce climat rassérène tout, même la mort.