Œuvres complètes de La Fontaine (Marty-Laveaux)/Tome 2/Avertissement
AVERTISSEMENT PROVISOIRE.
Le désir de mettre à profit, pour la préface, les observations recueillies dans le courant de notre travail, nous a fait ajourner la publication du tome I, mais il est indispensable d’indiquer dès à présent le plan que nous avons suivi.
En général, notre texte est, pour chaque ouvrage, la reproduction rigoureuse de celui de la dernière édition publiée sous les yeux de La Fontaine ; lorsque par un motif quelconque, il n’a pu en être ainsi, les notes l’indiquent.
Nous avons corrigé les fautes d’impression évidentes, mais les bizarreries orthographiques ont été soigneusement respectées. Dans le même conte, le même mot se trouve souvent sous deux ou trois formes ; nous avons pris grand’peine pour les conserver toutes : choisir la plus moderne c’étoit rajeunir notre auteur ; adopter la plus ancienne, c’était donner à ses œuvres un aspect archaïque qu’elles ne doivent pas avoir.
Les notes sont destinées à faire connoître le texte suivi pour chaque pièce, et à indiquer les variantes et les rapprochements littéraires. On n’y doit rien chercher de plus. Il ne faut pas que le commentateur vienne à chaque instant coudoyer le poète ; ils ont trop à perdre, l’un et l’autre, à ce voisinage. Une table des noms propres contenant les renseignements historiques indispensables, un lexique consacré à l’explication des mots difficiles ou curieux, nous ont permis de ne point encombrer le bas des pages ; nous pourrons ainsi nous étendre autant qu’il sera nécessaire, et nous éviterons les répétitions.
Faire une note chaque fois que nous nous écartions des éditions modernes, et de celles de M. Walckenaër en particulier, en suivant les textes originaux, eût été impossible. Nous espérons, du reste, que ces changements, ou plutôt ces restitutions, seront faciles à justifier, et qu’il suffira d’en citer quelques exemples.
Dans les éditions récentes de la Coupe enchantée, on lit :
- La dot fut simple ; ample fut le douaire.
Nous avons mis avec les éditions originales (p.179) :
La dot fut ample ; ample fut le doüaire.
et le sens de ce vers est parfaitement déterminé par celui qui suit immédiatement :
La file estoit unique, et le garçon aussi.
Sur ce tapis bien étendu
Vous seriez en peu d’heures femme,
dit Nicaise dans les textes modernes ; les anciens portent : en peu d’heure (p. 215), ce qui est fort différent.
La Fontaine s’exprime ainsi au commencement du Fleuve Scamandre (p. 322).
Me voilà prest à conter de plus belle ;
Amour le veut, et rit de mon serment.
M. Walckenaër met dans toutes ses éditions, à partir de 1826 :
Amour le veut, et rit de mon tourment
Qui reconnoîtroit dans ce vers plat et prosaïque :
On n’exterminoit pas la fiévre, on la laissoit,
cet admirable vers que nous avons trouvé avec autant de plaisir que de surprise dans l’édition originale du Poëme du Quinquina (p. 418) :
On n’exterminoit pas la fievre, on la lassoit.
La place nous manque pour continuer ; nous aurons d’ailleurs d’autres occasions de revenir sur ce sujet ; contentons-nous de faire remarquer, en terminant, que notre lexique s’enrichira ainsi de plusieurs observations neuves ; pour ne parler que de ce qui est relatif au genre des noms, nous mentionnerons le mot idile employé au masculin dans l’Avertissement du Poëme de Saint Malc (p. 393), et que les éditeurs de notre temps n’ont pas manqué de féminiser. Nous noterons aussi ce passage (p. 228)
Cela nous fait-il empirer
D’une ongle ou d’un cheveu ?…
Dans les textes modernes La Fontaine semble en contradiction avec lui-même, car on n’a point hésité à mettre ici ongle au masculin, après avoir laissé forcément dans les fables (VI, 15) :
Elle sent son ongle maline.