Œuvres complètes de François Villon/Remarques Philologiques

Œuvres complètes de François Villon, Texte établi par éd. préparée par La Monnoye, mise à jour, avec notes et glossaire par M. Pierre JannetA. Lemerre éd. (p. xxiii-xxiv).


REMARQUES PHILOLOGIQUES.

La langue de Villon est encore la vieille et bonne langue française, riche et simple, claire, naturelle, l’allure vive et franche. C’est encore la langue des fabliaux, assouplie, mais presque entièrement préservée de l’invasion des mots pédantesques forgés dans la seconde moitié du xve siècle. Le Glossaire, dont l’étendue est grande relativement à celle du livre, n’offre qu’un petit nombre de ces mots. En revanche, il en contient beaucoup d’autres dont la perte est regrettable.

Villon était très-sévère pour la rime. Aussi, lorsque nous rencontrons à la fin de ses vers quelque chose qui nous paraît anormal, nous devons nous garder de l’expliquer par une négligence du poëte. Il faut chercher d’autres raisons ; cela peut amener des observations intéressantes.

Par exemple, lorsqu’il fait rimer e avec a[1], cela prouve, ainsi que Marot l’a remarqué, que Villon prononçait, à la parisienne, a pour e.

Lorsqu’il fait rimer oi, oy, avec ai, ay, é[2], cela prouve que ce que nous appelons la diphtongue oi se prononçait é ou è.

S’il fait rimer Changon, Nygon, escourgon, avec donjon[3], c’est que, dans certains cas, le g se prononçait j.

S’il fait rimer fuste avec fusse, prophètes avec fesses[4], c’est encore une affaire de prononciation parisienne.

Il en est de même d’ancien, Valérien, paroissien, rimant avec an[5].

Lorsqu’il écrit soullon pour rimer avec Roussillon[6], il entend que les deux ll seront mouillées, et prononcées comme telles sans être précédées d’un i, comme en espagnol.

Comment faut-il prononcer le nom de Villon ?

La Ballade de la page 99, l’Épistre de la page 111, le Problème ou Ballade de la page 120, etc., ne laissent aucun doute à cet égard. On doit le prononcer comme les deux dernières syllabes du mot pavillon, c’est-à-dire comme on pourra. En France, ce n’est guère que dans le Midi qu’on sait prononcer les ll mouillées. Les Parisiens diront Viyon ; les Picards, Vilion


Mais bien est fol et lunaticque
Qui de ce fait sermon si long ;
Peu nuit à la chose publicque
Se Brussiens disent Filon.
Il ne m’en chault gueres si l’on
Choisit de ces façons la pire,
Et bien veuil qu’on dise selon
Que dès pieça l’on souloit dire.


  1. Robert, haubert, avec pluspart, poupart (p. 11 et 12) ; La Barre, feurre, avec terre, querre (p. 14) ; appert avec part, despart (p. 44), etc.
  2. Chollet avec souloit (p. 14) ; exploictz avec laiz (p. 17) ; moyne, essoyne, royne, avec Seine (p. 34), etc.
  3. Pages 12 et 13.
  4. Pages 26 et 52.
  5. P. 81.
  6. Voy. la Ballade de la page 99.