Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le septicolor

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome VI, Histoire naturelle des oiseauxp. 252-254).

LE SEPTICOLOR[1]

Sixième espèce moyenne.

Nous appelons septicolor cette espèce de tangara[NdÉ 1], parce que son plumage est varié de sept couleurs bien distinctes dont voici l’énumération : un beau vert sur la tête et sur les petites couvertures du dessus des ailes ; du noir velouté sur les parties supérieures du cou et du dos, sur les pennes moyennes des ailes, et sur la face supérieure des pennes de la queue ; de couleur de feu très éclatant sur le dos ; du jaune orangé sur le croupion ; du bleu violet sur la gorge, la partie inférieure du cou et les grandes couvertures supérieures des ailes ; du gris foncé sur la face inférieure de la queue ; et enfin du beau vert d’eau ou couleur d’aigue-marine sur tout le dessous du corps, depuis la poitrine. Toutes ces couleurs sont évidentes, même brillantes et bien tranchées ; elles ont été mal mélangées dans les planches enluminées qui ont été peintes d’après des oiseaux assez mal conservés. Le premier que l’on a représenté, pl. 7, fig. 1, sous le nom de tangara, était un oiseau séché au four, qui venait du Cabinet de M. de Réaumur ; les gens qui avaient soin de ce cabinet lui avaient ajouté une queue étrangère, et c’est ce qui a trompé nos peintres. Le second qui est représenté pl. 127, fig. 2, sous le nom de tangara du Brésil, est un peu moins défectueux, mais tous deux ne sont que le même oiseau assez mal représenté, car dans la nature c’est le plus beau, non seulement de tous les tangaras, mais de presque tous les oiseaux connus.

Le septicolor jeune n’a pas sur le dos le rouge vif qu’il prend lorsqu’il est adulte, et la femelle n’a jamais cette couleur ; le bas du dos est orangé comme le croupion, et, en général, ses couleurs sont moins vives et moins tranchées que celles du mâle ; mais on remarque des variétés dans la distribution des couleurs, car il y a des individus mâles qui ont ce rouge vif sur le croupion aussi bien que sur le dos, et l’on a vu d’autres individus, même en assez grand nombre, qui ont le dos et le croupion entièrement de couleur d’or.

Le mâle et la femelle sont à peu près de la même grandeur ; ils ont cinq pouces de longueur ; le bec n’a que six lignes et les pieds huit lignes ; la queue est un peu fourchue, et les ailes pliées s’étendent jusque vers la moitié de sa longueur.

Ces oiseaux vont en troupes nombreuses ; ils se nourrissent de jeunes fruits à peine noués, que porte un très grand arbre de la Guyane, dont on n’a pu nous dire le nom ; ils arrivent aux environs de l’île de Cayenne lorsque cet arbre y est en fleurs, et ils disparaissent quelque temps après pour suivre vraisemblablement dans l’intérieur des terres la maturité de ces petits fruits ; car c’est toujours de l’intérieur des terres qu’on les voit venir. C’est ordinairement en septembre qu’ils paraissent dans la partie habitée de la Guyane ; leur séjour est d’environ six semaines, et ils reviennent en avril et mai attirés par les mêmes fruits qui mûrissent alors ; ils n’abandonnent pas cette espèce d’arbre, on ne les voit jamais sur d’autres ; aussi lorsqu’un de ces arbres est en fleurs, on est presque assuré d’y trouver un nombre de ces oiseaux.

Au reste, ils ne nichent pas pendant leur séjour dans la partie habitée de la Guyane. Marcgrave dit qu’au Brésil on en nourrit en cage, et qu’ils mangent de la farine et du pain[2]. Ils n’ont point de ramage, leur cri est bref et aigu.

On ne doit pas rapporter à l’espèce du septicolor celle de l’oiseau talao, comme l’a fait M. Brisson[3], car la description qu’il a tirée de Seba ne lui convient en aucune façon. « Le talao, dit Seba, a le plumage joliment mélangé de vert pâle, de noir, de jaune et de blanc ; les plumes de la tête et de la poitrine sont très agréablement ombrées de vert pâle et de noir ; il a le bec, les pieds et les doigts d’un noir de poix[4]. » D’ailleurs ce qui prouve démonstrativement que ce n’est pas le même oiseau, c’est ce qu’ajoute cet auteur qu’il est très rare au Mexique, ce qui suppose qu’il ne va pas par troupes nombreuses, tandis que le septicolor voyage et arrive en très grand nombre.


Notes de l’auteur
  1. « Tangara prima Brasiliensibus. » Marcg., Hist. nat. Bras., p. 214. — « Tangara prima Brasiliensibus. » Jonston, Avium, p. 47. — « Tangara prima Brasiliensibus Marcgravii. » Willughby, Ornithol., p. 177. — « Tangara prima Brasilicnsibus Marcgravii. » Ray, Syn. Av., pl. 84, no 13. — « Tangara supernè splendidè nigra, infernè beryllina ; uropygio flammeo ; capite superiùs et ad latera viridi ; collo inferiore cæruleo-violaceo ; remigibus majoribus exteriùs cæruleo-violaceis, interiùs nigris ; minoribus et rectricibus splendidè nigris… Tangara. » Brisson, Ornithol., t. III, p. 3 ; et pl. 1, fig. 1. — Tit-mouse of Paradise, mésange du Paradis. Edwards, Glan., p. 289, pl. 349. — Tangara de Cayenne. Salerne, Ornithol., p. 250. — Les créoles de Cayenne appellent cet oiseau dos rouge et oiseau épinard ; quelques oiseleurs lui ont donné en France le nom de pavert.
  2. Marcgrave, Hist. nat. Brasil., p. 214.
  3. Ornithol., t. III, p. 3.
  4. Seba, t. Ier, p. 96, no 6 ; et pl. 60, fig. 2.
Notes de l’éditeur
  1. Tanagra Tatao L. [Note de Wikisource : actuellement Tangara chilensis Vigors, vulgairement calliste septicolore ou tangara de paradis].