Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/La caille

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 482-496).

LA CAILLE[1]


Théophraste trouvait une si grande ressemblance entre les perdrix et les cailles[NdÉ 1] qu’il donnait à ces dernières le nom de perdrix naines ; et c’est sans doute par une suite de cette méprise, ou par une erreur semblable, que les Portugais ont appelé la perdrix codornix, et que les Italiens ont appliqué le non de coturnice à la bartavelle ou perdrix grecque. Il est vrai que les perdrix et les cailles ont beaucoup de rapports entre elles : les unes et les autres sont des oiseaux pulvérateurs, à ailes et queue courtes et courant fort vite[2], à bec de gallinacés, à plumage gris moucheté de brun et quelquefois tout blanc[3] ; du reste, se nourrissant, s’accouplant, construisant leur nid, couvant leurs œufs, menant leurs petits à peu près de la même manière, et toutes deux ayant le tempérament fort lascif et les mâles une grande disposition à se battre ; mais quelque nombreux que soient ces rapports, ils se trouvent balancés par un nombre presque égal de dissemblances, qui font de l’espèce des cailles une espèce tout à fait séparée de celle des perdrix. En effet : 1o les cailles sont constamment plus petites que les perdrix, en comparant les plus grandes races des unes aux plus grandes races des autres, et les plus petites aux plus petites ; 2o elles n’ont point derrière les yeux cet espace nu et sans plumes qu’ont les perdrix, ni ce fer à cheval que les mâles de celles-ci ont sur la poitrine, et jamais on n’a vu de véritables cailles à bec et pieds rouges ; 3o leurs œufs sont plus petits et d’une tout autre couleur ; 4o leur voix est aussi différente, et, quoique les unes et les autres fassent entendre leur cri d’amour à peu près dans le même temps, il n’en est pas de même du cri de colère, car la perdrix le fait entendre avant de se battre, et la caille en se battant[4] ; 5o la chair de celle-ci est d’une saveur et d’une texture toute différente, et elle est beaucoup plus chargée de graisse ; 6o sa vie est plus courte ; 7o elle est moins rusée que la perdrix et plus facile à attirer dans le piège, surtout lorsqu’elle est encore jeune et sans expérience ; elle a les mœurs moins douces et le naturel plus rétif, car il est extrêmement rare d’en voir de privées : à peine peut-on les accoutumer à venir à la voix, étant renfermées de jeunesse dans une cage ; elle a les inclinations moins sociables, car elle ne se réunit guère par compagnies, si ce n’est lorsque la couvée, encore jeune, demeure attachée à la mère, dont les secours lui sont nécessaires, ou lorsqu’une même cause agissant sur toute l’espèce à la fois et dans le même temps, on en voit des troupes nombreuses traverser les mers et aborder dans le même pays ; mais cette association forcée ne dure qu’autant que la cause qui l’a produite, car dès que les cailles sont arrivées dans le pays qui leur convient et qu’elles peuvent vivre à leur gré, elles vivent solitairement. Le besoin de l’amour est le seul lien qui les réunit : encore ces sortes d’union sont-elles sans consistance pendant leur courte durée, car les mâles, qui recherchent les femelles avec tant d’ardeur, n’ont d’attachement de préférence pour aucune en particulier. Dans cette espèce, les accouplements sont fréquents, mais l’on ne voit pas un seul couple ; lorsque le désir de jouir a cessé, toute société est rompue entre les deux sexes[NdÉ 2] : le mâle alors non seulement quitte et semble fuir ses femelles, mais il les repousse à coups de bec et ne s’occupe en aucune façon du soin de la famille ; de leur côté, les petits sont à peine adultes qu’ils se séparent, et, si on les réunit par force dans un lieu fermé, ils se battent à outrance les uns contre les autres, sans distinction de sexe, et ils finissent par se détruire[5].

L’inclination de voyager et de changer de climat dans certaines saisons de l’année est, comme je l’ai dit ailleurs, l’une des affections les plus fortes de l’instinct des cailles.

La cause de ce désir ne peut être qu’une cause très générale, puisqu’elle agit non seulement sur toute l’espèce, mais sur les individus même séparés pour ainsi dire de leur espèce et à qui une étroite captivité ne laisse aucune communication avec leurs semblables. On a vu de jeunes cailles élevées dans des cages presque depuis leur naissance, et qui ne pouvaient ni connaître ni regretter la liberté, éprouver régulièrement deux fois par an, pendant quatre années, une inquiétude et des agitations singulières dans les temps ordinaires de la passe, savoir, au mois d’avril et au mois de septembre. Cette inquiétude durait environ trente jours à chaque fois et recommençait tous les jours une heure avant le coucher du soleil : on voyait alors ces cailles prisonnières aller et venir d’un bout de la cage à l’autre, puis s’élancer contre le filet qui lui servait de couvercle, et souvent avec une telle violence qu’elles retombaient tout étourdies ; la nuit se passait presque entièrement dans ces agitations, et le jour suivant elles paraissaient tristes, abattues, fatiguées et endormies. On a remarqué que les cailles qui vivent dans l’état de liberté dorment aussi une grande partie de la journée ; et si l’on ajoute à tous ces faits qu’il est très rare de les voir arriver de jour, on sera, ce me semble, fondé à conclure que c’est pendant, la nuit qu’elles voyagent[6], et que ce désir de voyager est inné chez elles, soit qu’elles craignent les températures excessives, puisqu’elles se rapprochent constamment des contrées septentrionales pendant l’été et des méridionales pendant l’hiver ; ou, ce qui semble plus vraisemblable, qu’elles n’abandonnent successivement les différents pays que pour passer de ceux où les récoltes sont déjà faites dans ceux où elles sont encore à faire, et qu’elles ne changent ainsi de demeure que pour trouver toujours une nourriture convenable pour elles et pour leur couvée.

Je dis que cette dernière cause est la plus vraisemblable ; car, d’un côté, il est acquis par l’observation que les cailles peuvent très bien résister au froid, puisqu’il s’en trouve en Islande, selon M. Horrebow[7], et qu’on en a conservé plusieurs années de suite dans une chambre sans feu, et qui même était tournée au nord, sans que les hivers les plus rigoureux aient paru les incommoder, ni même apporter le moindre changement à leur manière de vivre ; et, d’un autre côté, il semble qu’une des choses qui les fixent dans un pays c’est l’abondance de l’herbe, puisque, selon la remarque des chasseurs, lorsque le printemps est sec et que, par conséquent, l’herbe est moins abondante, il y a aussi beaucoup moins de cailles le reste de l’année : d’ailleurs, le besoin actuel de nourriture est une cause plus déterminante, plus analogue à l’instinct borné de ces petits animaux, et suppose en eux moins de cette prévoyance que les philosophes accordent trop libéralement aux bêtes. Lorsqu’ils ne trouvent point de nourriture dans un pays, il est tout simple qu’ils en aillent chercher dans un autre : ce besoin essentiel les avertit, les presse, met en action toutes leurs facultés ; ils quittent une terre qui ne produit plus rien pour eux, ils s’élèvent dans l’air, vont à la découverte d’une contrée moins dénuée, s’arrêtent où ils trouvent à vivre : et l’habitude se joignant à l’instinct qu’ont tous les animaux, et surtout les animaux ailés, d’éventer de loin leur nourriture, il n’est pas surprenant qu’il en résulte une affection pour ainsi dire innée, et que les mêmes cailles reviennent tous les ans dans les mêmes endroits ; au lieu qu’il serait dur de supposer, avec Aristote[8], que c’est d’après une connaissance réfléchie des saisons qu’elles changent deux fois par an de climat pour trouver toujours la température qui leur convient, comme faisaient autrefois les rois de Perse ; encore plus dur de supposer avec Catesby[9], Belon[10] et quelques autres, que lorsqu’elles changent de climat elles passent sans s’arrêter dans les lieux qui pourraient leur convenir en deçà de la ligne, pour aller chercher aux antipodes précisément le même degré de latitude auquel elles étaient accoutumées de l’autre côté de l’équateur, ce qui supposerait des connaissances, ou plutôt des erreurs scientifiques auxquelles l’instinct brut est beaucoup moins sujet que la raison cultivée[NdÉ 3].

Quoi qu’il en soit, lorsque les cailles sont libres, elles ont un temps pour arriver et un temps pour repartir : elles quittaient la Grèce, suivant Aristote, au mois boedromion[11], lequel comprenait la fin d’août et le commencement de septembre. En Silésie, elles arrivent au mois de mai et s’en vont sur la fin d’août[12] ; nos chasseurs disent qu’elles arrivent dans notre pays vers le 10 ou le 12 de mai ; Aloysius Mundella dit qu’on les voit paraître dans les environs de Venise vers le milieu d’avril ; Olina fixe leur arrivée dans la campagne de Rome aux premiers jours d’avril ; mais presque tous conviennent qu’elles s’en vont à la première gelée d’automne[13], dont l’effet est d’altérer la qualité des herbes et de faire disparaître les insectes ; et si les gelées du mois de mai ne les déterminent point à retourner vers le sud, c’est une nouvelle preuve que ce n’est point le froid qu’elles évitent, mais qu’elles cherchent de la nourriture dont elles ne sont point privées par les gelées du mois de mai. Au reste, il ne faut pas regarder ces temps marqués par les observateurs comme des époques fixes auxquelles la nature daigne s’assujettir ; ce sont, au contraire, des termes mobiles qui varient entre certaines limites d’un pays à l’autre, suivant la température du climat, et même d’une année à l’autre, dans le même pays, suivant que le chaud et le froid commencent plus tôt ou plus tard, et que, par conséquent, la maturité des récoltes et la génération des insectes qui servent de nourriture aux cailles est plus ou moins avancée.

Les anciens et les modernes se sont beaucoup occupés de ce passage des cailles et des autres oiseaux voyageurs : les uns l’ont chargé de circonstances plus ou moins merveilleuses ; les autres, considérant combien ce petit oiseau vole difficilement et pesamment, l’ont révoqué en doute, et ont eu recours, pour expliquer la disparition régulière des cailles en certaines saisons de l’année, à des suppositions beaucoup plus révoltantes. Mais il faut avouer qu’aucun des anciens n’avait élevé ce doute ; cependant ils savaient que les cailles sont des oiseaux lourds, qui volent très peu et presque malgré eux[14] ; que, quoique très ardents pour leurs femelles, les mâles ne se servent pas toujours de leurs ailes pour accourir à leur voix, mais qu’ils font souvent plus d’un quart de lieue à travers l’herbe la plus serrée pour les venir trouver ; enfin qu’ils ne prennent l’essor que lorsqu’ils sont tout à fait pressés par les chiens ou par les chasseurs : les anciens savaient tout cela, et néanmoins il ne leur est pas venu dans l’esprit que les cailles se retirassent aux approches des froids dans des trous pour y passer l’hiver dans un état de torpeur et d’engourdissement, comme font les loirs, les hérissons, les marmottes, les chauves-souris, etc. C’était une absurdité réservée à quelques modernes[15], qui ignoraient sans doute que la chaleur intérieure des animaux sujets à l’engourdissement étant beaucoup moindre qu’elle ne l’est communément dans les autres quadrupèdes, et à plus forte raison dans les oiseaux, elle avait besoin d’être aidée par la chaleur extérieure de l’air, comme je l’ai dit ailleurs ; et que, lorsque ce secours vient à leur manquer, ils tombent dans l’engourdissement et meurent même bientôt s’ils sont exposés à un froid trop rigoureux. Or, certainement, cela n’est point applicable aux cailles, en qui l’on a même reconnu généralement plus de chaleur que dans les autres oiseaux, au point qu’en France elle a passé en proverbe[16], et qu’à la Chine on se sert de ces oiseaux pour se tenir chaud en les portant tout vivants dans les mains[17] : d’ailleurs on s’est assuré, par observation continuée pendant plusieurs années, qu’elles ne s’engourdissent point, quoique tenues pendant tout l’hiver dans une chambre exposée au nord et sans feu, ainsi que je l’ai dit ci-dessus, d’après plusieurs témoins oculaires et très dignes de foi qui me l’ont assuré. Or, si les cailles ne se cachent ni ne s’engourdissent pendant l’hiver, comme il est sûr qu’elles disparaissent dans cette saison, on ne peut douter qu’elles ne passent d’un pays dans un autre, et c’est ce qui est prouvé par un grand nombre d’autres observations.

Belon, se trouvant en automne sur un navire qui passait de Rhodes à Alexandrie, vit des cailles qui allaient du septentrion au midi ; et plusieurs de ces cailles ayant été prises par les gens de l’équipage, on trouva dans leur jabot des grains de froment bien entiers. Le printemps précédent, le même observateur, passant de l’île de Zante dans la Morée, en avait vu un grand nombre qui allaient du midi au septentrion[18] ; et il dit qu’en Europe, comme en Asie, les cailles sont généralement oiseaux de passage.

M. le commandeur Godeheu les a vues constamment passer à Malte au mois de mai, par certains vents, et repasser au mois de septembre[19] : plusieurs chasseurs m’ont assuré que, pendant les belles nuits du printemps, on les entend arriver, et que l’on distingue très bien leur cri, quoiqu’elles soient à une très grande hauteur ; ajoutez à cela qu’on ne fait nulle part une chasse aussi abondante de ce gibier que sur celles de nos côtes qui sont opposées à celles d’Afrique ou d’Asie, et dans les îles qui se trouvent entre deux : presque toutes celles de l’Archipel, et jusqu’aux écueils, en sont couvertes, selon M. de Tournefort, dans certaines saisons de l’année[20] ; et plus d’une des ces îles en a pris le nom d’Ortygia[21]. Dès le siècle de Varron, l’on avait remarqué qu’au temps de l’arrivée et du départ des cailles, on en voyait une multitude prodigieuse dans les îles de Pontia, Pandataria et autres, qui avoisinent la partie méridionale de l’Italie[22], et où elles faisaient apparemment une station pour se reposer. Vers le commencement de l’automne, on en prend une si grande quantité dans l’île de Caprée, à l’entrée du golfe de Naples, que le produit de cette chasse fait le principal revenu de l’évêque de l’île, appelé par cette raison l’évêque des cailles : on en prend aussi beaucoup dans les environs de Pesaro sur le golfe Adriatique, vers la fin du printemps, qui est la saison de leur arrivée[23] ; enfin, il en tombe une quantité si prodigieuse sur les côtes occidentales du royaume de Naples, aux environs de Nettuno, que, sur une étendue de côte de quatre ou cinq milles, on en prend quelquefois jusqu’à cent milliers dans un jour, et qu’on les donne pour quinze jules le cent (un peu moins de huit livres de notre monnaie), à des espèces de courtiers qui les font passer à Rome, où elles sont beaucoup moins communes[24]. Il en arrive aussi des nuées au printemps sur les côtes de Provence, particulièrement dans les terres de M. l’évêque de Fréjus, qui avoisinent la mer ; elles sont si fatiguées, dit-on, de la traversée, que les premiers jours on les prend à la main.

Mais, dira-t-on toujours, comment un oiseau si petit, si faible, et qui a le vol si pesant et si bas, peut-il, quoique pressé par la faim, traverser de grandes étendues de mer ? J’avoue que, quoique ces grandes étendues de mer soient interrompues de distance en distance par plusieurs îles où les cailles peuvent se reposer, telles que Minorque, la Corse, la Sardaigne, la Sicile, les îles de Malte, de Rhodes, toutes les îles de l’Archipel, j’avoue, dis-je, que, malgré cela, il leur faut encore du secours ; et Aristote l’avait fort bien senti ; il savait même quel était celui dont elles usaient le plus communément, mais il s’était trompé, ce me semble, sur la manière dont elles s’en aidaient : « Lorsque le vent du nord souffle, dit-il, les cailles voyagent heureusement ; mais si c’est le vent du midi, comme son effet est d’appesantir et d’humecter, elles volent alors plus difficilement, et elles expriment la peine et l’effort par les cris qu’elles font entendre en volant[25]. » Je crois en effet que c’est le vent qui aide les cailles à faire leur voyage, non pas le vent du nord, mais le vent favorable ; de même que ce n’est point le vent du sud qui retarde leur course, mais le vent contraire ; et cela est vrai dans tous les pays où ces oiseaux ont un trajet considérable à faire par-dessus les mers[26].

M. le commandeur Godeheu a très bien remarqué qu’au printemps les cailles n’abordent à Malte qu’avec le nord-ouest, qui leur est contraire pour gagner la Provence, et qu’à leur retour c’est le sud-est qui les amène dans cette île, parce qu’avec ce vent elles ne peuvent aborder en Barbarie[27] : nous voyons même que l’auteur de la nature s’est servi de ce moyen, comme le plus conforme aux lois générales qu’il avait établies, pour envoyer de nombreuses volées de cailles aux Israélites dans le désert[28] ; et ce vent, qui était le sud-ouest, passait en effet en Égypte, en Éthiopie, sur les côtes de la mer Rouge, et en un mot dans les pays où les cailles sont en abondance[29].

Des marins, que j’ai eu occasion de consulter, m’ont assuré que, quand les cailles étaient surprises dans leur passage par le vent contraire, elles s’abattaient sur les vaisseaux qui se trouvaient à leur portée, comme Pline l’a remarqué[30], et tombaient souvent dans la mer, et qu’alors on les voyait flotter et se débattre sur les vagues une aile en l’air, comme pour prendre le vent ; d’où quelques naturalistes ont pris occasion de dire qu’en partant elles se munissaient d’un petit morceau de bois qui pût leur servir d’une espèce de point d’appui ou de radeau, sur lequel elles se délassaient de temps en temps, en voguant sur les flots, de la fatigue de voguer dans l’air[31] : on leur a fait aussi porter à chacune trois petites pierres dans le bec, selon Pline[32], pour se soutenir contre le vent ; et, selon Oppien[33], pour reconnaître, en les laissant tomber une à une, si elles avaient dépassé la mer ; et tout cela se réduit à quelques petites pierres que les cailles avalent, avec leur nourriture, comme tous les granivores. En général, on leur a prêté des vues, une sagacité, un discernement, qui feraient presque douter que ceux qui leur ont fait honneur de ces qualités en aient fait beaucoup d’usage eux-mêmes. On a observé que d’autres oiseaux voyageurs, tels que le râle terrestre, accompagnaient les cailles, et que l’oiseau de proie ne manquait pas d’en attraper quelqu’une à leur arrivée : de là on a prétendu qu’elles avaient de bonnes raisons pour se choisir un guide ou chef d’une autre espèce, que l’on a appelé roi des cailles (ortygometra) ; et cela, parce que, la première arrivante devant être la proie de l’oiseau carnassier, elles tâchaient de détourner ce malheur sur une tête étrangère[34].

Au reste, quoiqu’il soit vrai en général que les cailles changent de climat, il en reste toujours quelques-unes qui n’ont pas la force de suivre les autres, soit qu’elles aient été blessées à l’aile, soit qu’elles soient surchargées de graisse, soit que, provenant d’une seconde ponte, elles soient trop jeunes et trop faibles au temps du départ ; et ces cailles traîneuses tâchent de s’établir dans les meilleures expositions du pays où elles sont contraintes de rester[35]. Le nombre en est fort petit dans nos provinces ; mais les auteurs de la Zoologie britannique assurent qu’une partie seulement de celles qu’on voit en Angleterre quitte entièrement l’île, et que l’autre partie se contente de changer de quartier, passant, vers le mois d’octobre, de l’intérieur des terres dans les provinces maritimes, et principalement dans celle d’Essex, où elles restent tout l’hiver : lorsque la gelée ou la neige les obligent de quitter les jachères et les terres cultivées, elles gagnent les côtes de la mer, où elles se tiennent parmi les plantes maritimes, cherchant les meilleurs abris, et vivant de ce qu’elles peuvent attraper sur les algues, entre les limites de la haute et basse mer. Ces mêmes auteurs ajoutent que leur première apparition dans le comté d’Essex se rencontre exactement chaque année avec leur disparition du milieu des terres[36]. On dit aussi qu’il en reste un assez bon nombre en Espagne et dans le sud de l’Italie, où l’hiver n’est presque jamais assez rude pour faire périr ou disparaître entièrement les insectes ou les graines qui leur servent de nourriture[NdÉ 4].

À l’égard de celles qui passent les mers, il n’y a que celles qui sont secondées par un vent favorable qui arrivent heureusement ; et si ce vent favorable souffle rarement au temps de la passe, il en arrive beaucoup moins dans les contrées où elles vont passer l’été : dans tous les cas, on peut juger assez sûrement du lieu d’où elles viennent par la direction du vent qui les apporte.

Aussitôt que les cailles sont arrivées dans nos contrées, elles se mettent à pondre : elles ne s’apparient point, comme je l’ai déjà remarqué, et cela serait difficile si le nombre des mâles est, comme on l’assure, beaucoup plus grand que celui des femelles ; la fidélité, la confiance, l’attachement personnel, qui seraient des qualités estimables dans les individus, seraient nuisibles à l’espèce ; la foule des mâles célibataires troublerait tous les mariages et finirait par les rendre stériles, au lieu que, n’y ayant point de mariages, ou plutôt n’y en ayant qu’un seul de tous les mâles avec toutes les femelles, il y a moins de jalousie, moins de rivalité et, si l’on veut, moins de moral dans leurs amours ; mais aussi il y a beaucoup de physique. On a vu un mâle réitérer dans un jour jusqu’à douze fois ses approches avec plusieurs femelles indistinctement ; ce n’est que dans ce sens qu’on a pu dire que chaque mâle suffisait à plusieurs femelles[37] ; et la nature, qui leur inspire cette espèce de libertinage, en tire parti pour la multiplication de l’espèce : chaque femelle dépose de quinze à vingt œufs dans un nid qu’elle sait creuser dans la terre avec ses ongles, qu’elle garnit d’herbes et de feuilles, et qu’elle dérobe autant qu’elle peut à l’œil perçant de l’oiseau de proie ; ces œufs sont mouchetés de brun sur un fond grisâtre ; elle les couve pendant environ trois semaines ; l’ardeur des mâles est un bon garant qu’ils sont tous fécondés, et il est rare qu’il s’en trouve de stériles.

Les auteurs de la Zoologie britannique disent que les cailles, en Angleterre, pondent rarement plus de six ou sept œufs[38] : si ce fait est général et constant, il faut en conclure qu’elles y sont moins fécondes qu’en France, en Italie, etc. ; reste à observer si cette moindre fécondité tient à la température plus froide, ou à quelque autre qualité du climat.

Les cailleteaux sont en état de courir presque en sortant de la coque, ainsi que les perdreaux ; mais ils sont plus robustes à quelques égards, puisque dans l’état de liberté ils quittent la mère beaucoup plus tôt, et que même, dès le huitième jour, on peut entreprendre de les élever sans son secours. Cela a donné lieu à quelques personnes de croire que les cailles faisaient deux couvées par été[39] ; mais j’en doute fort, si ce n’est peut-être celles qui ont été troublées et dérangées dans leur première ponte : il n’est pas même avéré qu’elles en recommencent une autre lorsqu’elles sont arrivées en Afrique au mois de septembre, quoique cela soit beaucoup plus vraisemblable, puisque, au moyen de leurs migrations régulières, elles ignorent l’automne et l’hiver et que l’année n’est composée pour elles que de deux printemps et de deux étés, comme si elles ne changeaient de climat que pour se trouver perpétuellement dans la saison de l’amour et de la fécondité.

Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’elles quittent leurs plumes deux fois par an, à la fin de l’hiver et à la fin de l’été : chaque mue dure un mois, et, lorsque leurs plumes sont revenues, elles s’en servent aussitôt pour changer de climat si elles sont libres, et si elles sont en cage, c’est le temps où se marquent ces inquiétudes périodiques qui répondent aux temps du passage.

Il ne faut aux cailleteaux que quatre mois pour prendre leur accroissement et se trouver en état de suivre leurs pères et mères dans leurs voyages.

La femelle diffère du mâle en ce qu’elle est un peu plus grosse, selon Aldrovande (d’autres la font égale, et d’autres plus petite), qu’elle a la poitrine blanchâtre, parsemée de taches noires et presque rondes, tandis que le mâle l’a roussâtre, sans mélange d’autres couleurs : il a aussi le bec noir, ainsi que la gorge et quelques poils autour de la base du bec supérieur[40] ; enfin on a remarqué qu’il avait les testicules très gros relativement au volume de son corps[41] ; mais cette observation a sans doute été faite dans la saison de l’amour, temps où, en général, les testicules des oiseaux grossissent considérablement.

Le mâle et la femelle ont chacun deux cris, l’un plus éclatant et plus fort, l’autre plus faible : le mâle fait ouan, ouan, ouan, ouan ; il ne donne sa voix sonore que lorsqu’il est éloigné des femelles, et il ne la fait jamais entendre en cage, pour peu qu’il ait une compagne avec lui ; la femelle a un cri que tout le monde connaît, qui ne lui sert que pour rappeler son mâle, et quoique ce cri soit faible et que nous ne puissions l’entendre qu’à une petite distance, les mâles y accourent de près d’une demi-lieue ; elle a aussi un petit son tremblotant cri, cri. Le mâle est plus ardent que la femelle, car celle-ci ne court point à la voix du mâle, comme le mâle accourt à la voix de la femelle dans le temps de l’amour, et souvent avec une telle précipitation, un tel abandon de lui-même, qu’il vient la chercher jusque dans la main de l’oiseleur[42].

La caille, ainsi que la perdrix et beaucoup d’autres animaux, ne produit que lorsqu’elle est en liberté : on a beau fournir à celles qui sont prisonnières dans des cages tous les matériaux qu’elles emploient ordinairement dans la construction de leurs nids, elles ne nichent jamais et ne prennent aucun soin des œufs qui leur échappent et qu’elles semblent pondre malgré elles.

On a débité plusieurs absurdités sur la génération des cailles ; on a dit d’elles, comme des perdrix, qu’elles étaient fécondées par le vent : cela veut dire qu’elles pondent quelquefois sans le secours du mâle[43] ; on a dit qu’elles s’engendraient des thons que la mer agitée rejette quelquefois sur les côtes de Libye ; qu’elles paraissaient d’abord sous la forme de vers, ensuite sous celle de mouches, et que, grossissant par degrés, elles devenaient bientôt des sauterelles et enfin des cailles[44], c’est-à-dire que des gens grossiers ont vu des couvées de cailles chercher dans les cadavres de ces thons laissés par la mer quelques insectes qui y étaient éclos et que, ayant quelque notion vague des métamorphoses des insectes, ils ont cru qu’une sauterelle pouvait se changer en caille comme un ver se change en un insecte ailé ; enfin on a dit que le mâle s’accouplait avec le crapaud femelle[45], ce qui n’a pas même d’apparence de fondement.

Les cailles se nourrissent de blé, de millet, de chènevis, d’herbe verte, d’insectes, de toutes sortes de graines, même de celle d’ellébore, ce qui avait donné aux anciens de la répugnance pour leur chair, joint à ce qu’ils croyaient que c’était le seul animal avec l’homme qui fût sujet au mal caduc[46] ; mais l’expérience a détruit ce préjugé.

En Hollande, où il y a beaucoup de ces oiseaux, principalement sur les côtes, on appelle les baies de brione ou couleuvrée baies aux cailles[47], ce qui suppose en elles un appétit de préférence pour cette nourriture.

Il semble que le boire ne leur soit pas absolument nécessaire, car des chasseurs m’ont assuré qu’on ne les voyait jamais aller à l’eau, et d’autres, qu’ils en avaient nourri pendant une année entière avec des graines sèches et sans aucune sorte de boisson, quoiqu’elles boivent assez fréquemment lorsqu’elles en ont la commodité : ce retranchement de toute boisson est même le seul moyen de les guérir lorsqu’elles rendent leur eau, c’est-à-dire lorsqu’elles sont attaquées d’une espèce de maladie dans laquelle elles ont presque toujours une goutte d’eau au bout du bec.

Quelques-uns ont cru remarquer qu’elles troublaient l’eau avant que de boire, et l’on n’a pas manqué de dire que c’était par un motif d’envie, car on ne finit pas sur les motifs des bêtes. Elles se tiennent dans les champs, les prés, les vignes, mais très rarement dans les bois, et elles ne se perchent jamais sur les arbres. Quoi qu’il en soit, elles prennent beaucoup plus de graisse que les perdrix : on croit que ce qui y contribue, c’est l’habitude où elles sont de passer la plus grande partie de la chaleur du jour sans mouvement ; elles se cachent alors dans l’herbe la plus serrée, et on les voit quelquefois demeurer quatre heures de suite dans la même place, couchées sur le côté et les jambes étendues ; il faut que le chien tombe absolument dessus pour les faire partir.

On dit qu’elles ne vivent guère au delà de quatre ou cinq ans, et Olina regarde la brièveté de leur vie comme une suite de leur disposition à s’engraisser[48] ; Artémidore l’attribue à leur caractère triste et querelleur[49] ; et tel est en effet leur caractère, aussi n’a-t-on pas manqué de les faire battre en public pour amuser la multitude ; Solon voulait même que les enfants et les jeunes gens vissent ces sortes de combats pour y prendre des leçons de courage ; et il fallait bien que cette sorte de gymnastique, qui nous semble puérile, fût en honneur parmi les Romains, et qu’elle tînt à leur politique, puisque nous voyons que Auguste punit de mort un préfet d’Égypte pour avoir acheté et fait servir sur sa table un de ces oiseaux, qui avait acquis de la célébrité par ses victoires. Encore aujourd’hui, on voit de ces espèces de tournois dans quelques villes d’Italie : on prend deux cailles à qui on donne à manger largement ; on les met ensuite vis-à-vis l’une de l’autre, chacune au bout opposé d’une longue table, et l’on jette entre deux quelques grains de millet (car parmi les animaux il faut un sujet réel pour se battre) ; d’abord elles se lancent des regards menaçants, puis, partant comme un éclair, elles se joignent, s’attaquent à coups de bec et ne cessent de se battre, en dressant la tête et s’élevant sur leurs ergots, jusqu’à ce que l’une cède à l’autre le champ de bataille[50]. Autrefois on a vu de ces espèces de duels se passer entre une caille et un homme : la caille étant mise dans une grande caisse, au milieu d’un cercle qui était tracé sur le fond, l’homme lui frappait la tête ou le bec avec un seul doigt, ou bien lui arrachait quelques plumes ; si la caille, en se défendant, ne sortait point du cercle tracé, c’était son maître qui gagnait la gageure ; mais si elle mettait un pied hors de la circonférence, c’était son digne adversaire qui était déclaré vainqueur, et les cailles qui avaient été souvent victorieuses se vendaient fort cher[51]. Il est à remarquer que ces oiseaux, de même que les perdrix et plusieurs autres, ne se battent ainsi que contre ceux de leur espèce, ce qui suppose plus de jalousie que de courage, ou même de colère.

On juge bien qu’avec l’habitude de changer de climat et de s’aider du vent pour faire ses grandes traversées, la caille doit être un oiseau fort répandu ; et en effet, on la trouve au cap de Bonne-Espérance[52] et dans toute l’Afrique habitable[53], en Espagne, en Italie[54], en France, en Suisse[55], dans les Pays-Bas[56] et en Allemagne[57], en Angleterre[58], en Écosse[59], en Suède[60], et jusqu’en Islande[61] et du côté de l’Est, en Pologne[62], en Russie[63], en Tartarie[64], et jusqu’à la Chine[65] ; il est même très probable qu’elle a pu passer en Amérique, puisqu’elle se répand chaque année assez près des cercles polaires, qui sont les points où les deux continents se rapprochent le plus ; et, en effet, on en trouve dans les îles Malouines, comme nous le dirons plus bas ; en général, on en voit toujours plus sur les côtes de la mer et aux environs, que dans l’intérieur des terres.

La caille se trouve donc partout, et partout on la regarde comme un fort bon gibier dont la chair est de bon goût, et aussi saine que peut l’être une chair aussi grasse. Aldrovande nous apprend même qu’on en fait fondre la graisse à part et qu’on la garde pour servir d’assaisonnement[66] ; et nous avons vu plus haut que les Chinois se servaient de l’oiseau vivant pour s’échauffer les mains.

On se sert aussi de la femelle, ou d’un appeau qui imite son cri, pour attirer les mâles dans le piège : on dit même qu’il ne faut que leur présenter un miroir avec un filet au-devant, où ils se prennent, en accourant à leur image, qu’ils prennent pour un autre oiseau de leur espèce ; à la Chine on les prend au vol avec des troubles légères que les Chinois manient fort adroitement[67] ; en général, tous les pièges qui réussissent pour les autres oiseaux sont bons pour les cailles, surtout pour les mâles, qui sont moins défiants et plus ardents que leurs femelles, et que l’on mène partout où l’on veut en imitant la voix de celles-ci.

Cette ardeur des cailles a donné lieu d’attribuer à leurs œufs[68], à leur graisse, etc., la propriété de relever les forces abattues et d’exciter les tempéraments fatigués ; on a même été jusqu’à dire que la seule présence d’un de ces oiseaux dans une chambre procurait aux personnes qui y couchaient des songes vénériens[69] ; il faut citer les erreurs afin qu’elles se détruisent elles-mêmes.


Notes de Buffon
  1. Frisch prétend (planche cxvii) que du temps de Charlemagne on lui donnait le nom de quacara ; quelques-uns lui ont aussi donné celui de currelius, et j’en dirai plus bas la raison : quoi qu’il en soit, ces deux noms ont été omis par M. Brisson.
  2. « Currit satis velociter, unde currelium vulgò dicimus. » Comestor et alii.
  3. Aristote, lib. de Coloribus, cap. vi.
  4. Aristote, Historia animalium, lib. viii, cap. xii.
  5. Les anciens savaient bien cela, puisqu’ils disaient des enfants querelleurs et mutins, qu’ils étaient querelleurs comme des cailles tenues en cage. (Aristophane.)
  6. Les cailles prennent leur volée plutôt de nuit que de jour. Belon, Nature des oiseaux, p. 265. Et hoc semper noctu, dit Pline en parlant des volées de cailles qui, fondant toutes à la fois sur un navire pour se reposer, le faisaient couler à fond par leur poids.
  7. Voyez Horrebow, Histoire générale des voyages, t. V, p. 203.
  8. Aristote, lib. viii, cap. xii.
  9. Voyez Catesby, Transactions philosophiques, no 486, art. vi, p. 161.
  10. Belon, Nature des oiseaux, p. 265.
  11. Voyez Aristote, Historia animalium, lib. viii, cap. xii.
  12. Voyez Schwenckfeld, Aviarium Silesiæ, p. 249.
  13. Voyez Gesner, de Avibus, p. 354.
  14. Βαρεῖς καὶ μὴ πτήτικοι, dit Aristote, Hist. animalium, lib. ix, cap. viii.
  15. « Coturnicem multi credunt trans mare avolare, quod falsum esse convincitur quoniam trans mare per hiemem non invenitur ; latet ergo sicut aves ceteræ quibus superflui lentique humores concoquendi sunt. » Albert apud Gesnerum, de Avibus, p. 354.
  16. On dit vulgairement : chaud comme une caille.
  17. Voyez Osborn., Iter, 190.
  18. Voyez les Observations de Belon, fol. 90, verso ; et la Nature des oiseaux, du même auteur, p. 264 et suiv.
  19. Voyez les Mémoires de Mathématique et de Physique, présentés à l’Académie royale des sciences par divers savants, etc., t. III, p. 91 et 92.
  20. Voyez Tournefort, Voyage au Levant, t. Ier, p. 169, 281, 313, etc.
  21. Ce nom d’Ortygia, formé du mot grec Ὄρτυξ, qui signifie caille, a été donné aux deux Délos, selon Phanodémus dans Athénée : on l’a encore appliqué à une autre petite île vis-à-vis Syracuse, et même à la ville d’Éphèse, selon Étienne de Byzance et Eustathe.
  22. Varro, de Re rusticâ, lib. iii, cap. v.
  23. Aloysius Mundella apud Gesnerum, p. 354.
  24. Voyez Gesner, de Avibus, p. 356 ; et Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 164. Cette chasse est si lucrative, que le terrain où elle se fait par les habitants de Nettuno est d’une cherté exorbitante.
  25. Aristote, Historia animalium, lib. viii, cap. xii.
  26. « Aurâ tamen vehi volunt, propter pondus corporum viresque parvas. » Pline, Hist. nat., lib. x, cap. xxiii.
  27. Mémoires présentés à l’Académie royale des sciences par divers savants, t. III, p. 92.
  28. « Transtulit Austrum de cœlo et induxit in virtute suâ Africum, et pluit super eos sicut pulverem carnes, et sicut arenam maris volatilia pennata. » Psalm. 77.
  29. « Sinus Arabicus coturnicibus plurimum abundat. » Fl. Joseph., lib. iii, cap. i.
  30. « Advolant… non sine periculo navigantium cùm appropinquavêre terris, quippe velis sæpe insident, et hoc semper noctu, merguntque navigia. » Pline, Histor. nat., lib. x, cap. xxiii.
  31. Voyez Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 156.
  32. « Quod si ventus agmen adverso flatu cœperit inhibere, pondusculis apprehensis, aut gutture arenâ repleto, stabilitæ volant. » Lib. x, cap. xxiii. On voit, à travers cette erreur de Pline, qu’il savait mieux qu’Aristote comment les cailles tiraient partie du vent pour passer les mers.
  33. Oppian, in Ixeut.
  34. « Primam earum terræ appropinquantem accipiter rapit. » Pline, Hist. nat., lib. x, cap. xxiii. — « Ac propterea opera est universis ut sollicitent avem generis externi per quem frustrentur prima discrimina. » Solinus, cap. xviii.
  35. « Coturnices quoque discedunt, nisi paucæ in locis apricis remanserint. » Aristot., Hist. animal., lib. viii, cap. xii.
  36. Voyez British Zoology, p. 87.
  37. Voyez Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 159 ; et Schwenckfeld, Aviarium Silesiæ, p. 248.
  38. Voyez British Zoology, p. 87.
  39. Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 159, prétend que les cailles de l’année se mettent à pondre dès le mois d’août, et que cette première couvée est de dix œufs au moins.
  40. Voyez Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 154. — Quelques naturalistes ont pris le mâle pour la femelle ; j’ai suivi dans cette occasion l’avis des chasseurs, et surtout de ceux qui en chassant savent observer.
  41. Willughby, Ornithologia, p. 121.
  42. Aristote, Histor. animal., lib. viii, cap. xii.
  43. Aristote, Historia animalium, lib. viii, cap. xii.
  44. Voyez Gesner, de Avibus, p. 355.
  45. Panodemus apud Gesnerum, p. 355.
  46. « Coturnicibus veratri (alias veneni) semen gratissimus cibus, quam ob causam eam damnavere mensæ, etc. » Pline, Hist. nat., lib. x, cap. xxiii.
  47. « Apud Hollandos brioniæ acini quartels beyen dicuntur. » Hadrian. Jun., Nomenclat.
  48. Olina, Uccellaria, p. 58.
  49. Artémidore, lib. iii, cap. v.
  50. Voyez Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 161.
  51. Voyez Jul. Pollux, de Ludis, lib. ix.
  52. Voyez Kolbe, t. Ier, p. 152.
  53. Voyez Fl. Joseph., lib. iii, cap. i ; Comestor, etc.
  54. Voyez Aldrovande.
  55. Stumpfius, Aldrovandi Ornithologia, t. II, p. 157.
  56. Aldrovande, ibidem.
  57. Frisch, planche cxvii.
  58. British Zoology, p. 87.
  59. Sibbaldus, Historiæ animalium in Scotiâ, p. 16.
  60. Fauna suecica, p. 64.
  61. Horrebow, Nouvelle description d’Islande.
  62. Rzaczynski, Auctuarium Poloniæ, p. 376.
  63. « In campis russicis et podolicis reperiuntur coturnices… » Martin Cramer, de Polonia ; et Rzaczynski, loco citato.
  64. Gerbillon, Voyages faits en Tartarie à la suite ou par ordre de l’empereur de la Chine. Voyez l’Histoire générale des voyages, t. VII, p. 465 et 505.
  65. Voyez Glanures d’Edwards, t. Ier, p. 78. Les Chinois, dit-il, ont aussi notre caille commune dans leur pays, comme il paraît visiblement par leurs tableaux, où l’on retrouve son portrait d’après nature.
  66. Voyez Aldrovande, Ornithologia, t. II, p. 172.
  67. Gemelli Careri.
  68. « Ova coturnicis inuncta testibus voluptatem inducunt, et pota libidinem augent. » Kiranides.
  69. Frisch, planche cxvii.
Notes de l’éditeur
  1. Les Cailles (Coturnix) sont des Gallinacés de la famille des Tétraonidés et de la sous-famille des Perdiciens. Elles ont le corps assez massif ; le bec petit ; les ailes un peu obtuses, avec les deuxième, troisième et quatrième rémiges plus longues que les autres ; la queue courte, arrondie, composée de douze pennes molles ; les tarses faibles ; les ongles couds et grêles.

    « La caille commune (Coturnix communis [Note de Wikisource : actuellement Coturnix coturnix Linnæus, vulgairement caille des blés]) a le dos brun, rayé transversalement et longitudinalement de jaune roux ; la tête de même couleur, mais plus foncée ; la gorge brun roux ; le jabot jaune roux ; le milieu du ventre blanc jaunâtre ; les flancs roux, à raies longitudinales jaune clair ; une ligne d’un brun jaune clair part de la racine de la mandibule supérieure, passe au-dessus de l’œil, descend sur les côtés du cou et entoure la gorge ; là elle est limitée, de chaque côté, par une ligne étroite d’un brun foncé ; les rémiges primaires sont d’un brun noirâtre, semées de taches d’un jaune roussâtre disposées en séries transversales ; la première rémige est bordée en dehors d’un liséré étroit, jaunâtre ; les rectrices sont d’un jaune roux, avec les tiges blanches et des bandes noires.

    » La femelle a des couleurs plus pâles, moins nettes ; la gorge est moins dessinée. L’œil est d’un rouge brun clair ; le bec gris de corne ; les pattes sont d’un jaune clair ou rougeâtre. La caille a 21 centimètres de long et 30 centimètres d’envergure ; la longueur de l’aile est de 11 centimètres, celle de la queue de 5. » (Brehm.)

  2. L’ardeur en amour de la Caille est tellement grande qu’elle est devenue proverbiale et qu’elle a servi de prétexte à une foule de légendes. Ce qui est exact, c’est que le mâle ne s’accouple pas à la femelle qu’il a fécondée, mais qu’il court aussitôt à de nouvelles amours. « Très probablement, dit Brehm, la caille commune vit en polygamie. Le mâle est un des plus jaloux de tous les gallinacés ; il cherche à expulser de son terrain tous ses rivaux et leur livre des combats à mort. Ainsi que nous venons de le dire, il est despote et violent comme pas un oiseau à l’égard de la femelle ; il la maltraite si elle ne veut se soumettre immédiatement à ses désirs : il s’accouple même avec d’autres oiseaux. Naumann a eu le spectacle d’une caille mâle voulant s’accoupler avec un jeune coucou ; il dit qu’on a vu des mâles en amour se précipiter sur des oiseaux morts, et il regarde comme possible cette ancienne légende, que les cailles s’accouplent avec des crapauds. »
  3. Quoi qu’en ait dit Flourens, dans son édition des œuvres de Buffon, cette page et les suivantes sont d’une exactitude complète, ce qui est fort remarquable pour l’époque à laquelle vivait le grand naturaliste.
  4. Pour compléter ce que dit Buffon de la migration des cailles, il est utile d’ajouter quelques détails. Les cailles ne voyagent pas, comme les hirondelles, en grandes troupes comprenant tous les individus d’une même localité. Chaque individu part sans se soucier de ses semblables ; en route, d’autres se joignent à lui et, peu à peu, la bande s’accroît. C’est seulement quand elles arrivent sur les côtes septentrionales de la Méditerranée que les troupes se montrent formées d’un nombre très considérable d’individus. Quelques individus ne vont pas plus loin et passent l’hiver dans le midi de l’Italie, de l’Espagne, de la Grèce et même de la France ; mais le plus grand nombre traverse la Méditerranée et se rend en Afrique. Là les bandes se dispersent. Au printemps elles reviennent en Europe en suivant des routes différentes et en formant des bandes moins considérables. Brehm décrit de la façon suivante la façon dont s’effectue la traversée de la Méditerranée : « Toutes les cailles voyagent sur le continent aussi longtemps qu’elles le peuvent ; c’est pourquoi on en voit d’innombrables quantités à l’extrémité des trois presqu’îles européennes. Si le vent est contraire, elles s’arrêtent ; s’il est favorable, elles reprennent leur vol, franchissent la mer dans la direction du sud-ouest. Si le vent reste constant, leur traversée est heureuse ; quand l’air est calme, il est rare qu’une d’elles tombe à la mer. Les voyageuses volent tant qu’elles peuvent ; sont-elles fatiguées, au rapport de marins dignes de foi, elles s’abattent sur les flots, s’y reposent, puis s’enlèvent et continuent leur route. Il en est autrement quand le vent change ou que la tempête s’élève. Bientôt épuisées, elles ne peuvent continuer leur vol, se précipitent sur les écueils, sur les rochers, sur le pont des navires et y demeurent longtemps immobiles. Lors même que le calme s’est rétabli dans l’atmosphère, elles hésitent plusieurs jours avant de continuer leur voyage. C’est ce que l’on a observé ; mais l’on ne sait combien d’émigrants tombent dans la mer et s’y noient.

    » À cette époque, sur la côte septentrionale d’Afrique, on peut souvent assister à l’arrivée des cailles. On aperçoit un point noir glissant au-dessus de l’eau ; ce point approche rapidement ; enfin on voit l’oiseau fatigué se précipiter à terre, immédiatement au bord de l’eau. Il reste là quelques minutes et paraît incapable de faire un mouvement. Mais cet état ne dure pas longtemps. Les cailles qui ont atterri commencent à s’agiter, elles se lèvent et bientôt toutes courent rapidement sur le sable. Il faut du temps pour qu’elles osent se confier de nouveau à leurs ailes, et c’est dans la course qu’elles cherchent alors leur salut… Des cailles franchissent près de cinquante lieues en une nuit ; on a trouvé dans le jabot de ces oiseaux, au moment de leur arrivée sur nos côtes de France, des graines de plantes africaines qu’ils avaient mangés la veille. »